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18/10/2011

Justice distributive, justice rétributive : une introduction, par J.C. Dumoncel

[Merci à Jean-Claude Dumoncel, qui, à ma demande, a élaboré cet exposé]

Cours sur LA JUSTICE

par JC Dumoncel

 

Abréviations : Df = Définition ; Rpse = réponse ; Dsc = Discussion ; ssi = si et seulement si ; Þ : implique

 

Introduction générale :

 

La Division de la Justice d’après Aristote

 

On distingue 3 sens du mot « justice » :

 

v     la justice rétributive = justice dans les sanctions

v     la justice distributive = justice dans la répartition des biens (ou des tâches)

v     la justice commutative = justice dans les échanges & les contrats.

 

Chacun de ces sens exige un traitement spécifique.

  La justice commutative se ramène à un respect des règles du jeu (par exemple de la concurrence dans le marché). En conséquence le débat philosophique s’est limité à la justice distributive ou rétributive. D’où la division de ce cours en deux leçons.

 

1ère leçon : LA JUSTICE DISTRIBUTIVE

 

Introduction

 

1. L’analyse du problème selon Rawls

 

Rawls distingue d’abord entre :

Ø      justice politique = dans la répartition de la liberté

Ø      justice socio-économique

 

Cette analyse est capitale : elle révèle qu’en politique, Justice & Liberté ne sont pas deux questions distinctes. En effet, la liberté est un bien. Et une société esclavagiste suffit à révéler que ce bien peut être réparti injustement ou justement. Les uns peuvent être d’autant plus libres que les autres le sont moins. Donc le problème de la liberté politique est en fait une partie du problème plus fondamental de la Justice.

  Rawls divise ensuite la justice socio-économique en :

Ø      justice économique = dans la répartition des revenus

Ø      justice sociale = dans la répartition des positions sociales.

 

2. Définition formelle de la justice par Platon

 

Justice = vertu qui donne à chacun sa part

 

  Ce n’est qu’une Df formelle, par opp. à une Df substantielle qui dirait quelle est la part de chacun.

  Cpdt cette Df de Platon a déjà son utilité. Supposons en effet une société esclavagiste et donc injuste. Dans cette société, certains esclaves pourraient être traités moins bien que d’autres. Donc la Df de Platon permet de déceler des injustices dans l’injustice.

 

3. Les alternatives principales dans la Df substantielle de la justice

 

  La justice distributive peut se définir d’abord comme équité ou comme proportionnalité.

  La justice comme équité (// équation avec « = ») aura pour formule « A chacun une part égale »

  Mais selon Aristote, la justice n’est pas une simple égalité : elle est une égalité de rapports, c'est-à-dire une Proportion, de la forme

 

part de x        mérite de x

-----------  =  ---------------

part de y        mérite de y

 

Ainsi, selon Leibniz, la justice est le bonheur proportionné à la vertu. La formule sera donc : « A chacun selon ses mérites ».

  Du point de vue de l’Ethique, cette formule pourra se comprendre dans une interprétation utilitariste (« A chacun selon ses contribitions ») ou une interprétation « déontologiste » (« A chacun selon ses efforts »)

 

I. LA POSITION MARXISTE

 

1. Source (Louis Blanc)

La justice « proportionne le travail à l’aptitude et la récompense aux besoins »

 

2. Interprétation marxiste

La formule de la justice doit évoluer historiquement :

Dans le socialisme, elle est « A chacun selon ses œuvres » ; mais ce n’est qu’une phase provisoire.

Dans la société sans classes communiste, elle peut devenir « A chacun selon ses besoins ».

 

Exercice : Dans l’alternative égalité/proportionnalité, quelle est la position marxiste ?

 

Discussion d’après Rawls.

 

  La justice est pour une société une vertu. Or (Hume) une vertu a certaines conditions d’exercice. Exemple : le courage a pour condition d’exercice le danger. Quelle est la condition d’exercice de la justice distributive ?

  Considérons le problème suivant :

  Comment partager justement un gâteau infini ?

  Rpse : puisque le gâteau est infini, chacun peut en prendre autant qu’il veut. Et donc le problème ne se pose plus.

  Inversement, cela révèle la condition d’exercice de la justice distributive :

 

La condition d’exercice de la justice distributive = la rareté.

 

 Or la position marxiste commence par supposer que la rareté a été vaincue. Ergo, elle ne constitue même pas une réponse au problème[1].


II. LA CONCEPTION UTILITARISTE

 

Justice = le plus grand bonheur pour le plus grand nombre.

 

Argument : Sur toutes les questions éthiques, selon l’utilitarisme, il faut maximaliser l’utilité. Or en donnant le plus grand bonheur au plus grand nombre on maximalise l’utilité.

 

Discussion d’après Rawls.

  Pour 3 personnes X, Y & Z, comparons les situations A & B où les parts sont les quantités suivantes :

 

          ½  A         B

-------------------------

X        ½  3         4

Y        ½  3         4

Z         ½  3         2

            ------     -----

9                10

 

La situation B comporte un plus grand bien (10) pour un plus grand nombre (la majorité X et Y). Si on appliquait la formule de l’utilitarisme, il faudrait donc déclarer que la situation B est plus juste que A. Or c’est exactement l’inverse qui est vrai : B décrit une iniquité flagrante dont Z est la victime sacrifiée sur l’autel de la majorité.

  Il faut rappeler que le problème de la justice distributive est le problème (1) de la répartition de biens entre (2) des individus. Or

(1)   entraîne que la quantité totale de biens à répartir (« le plus grand bonheur ») ne fait rien à l’affaire

(2)   entraîne que le nombre de satisfaits (dans « pour le plus grand nombre ») ne fait rien à l’affaire.

  Donc l’utilitarisme est à côté de la plaque sur toute la ligne.

 

III. L’EGALITARISME ABSOLU

 

« Chacun doit recevoir exactement la même part »

 

Discussion :

 

1° Rawls : L’égalitarisme implique des prohibitions = interdictions de faire telle ou telle chose.

  Exemple : Les jeux d’argent vont produire des inégalités. Donc

Egalité absolue Þ prohibition des jeux d’argent

Donc égalité absolue Þ limitations de la liberté.

 

2° Hayek : L’égalitarisme implique des obligations de faire telle ou telle chose.

  Exemple : Egalité absolue Þ travail pour tous Þ planification du travail Þ obligation d’accepter l’emploi décidé par le planificateur.

 

3° Objection fondamentale d’après Rawls :

  Exemple : on devra accepter la loi suivante : « Ceux (B) qui ont une bonne récolte doivent donner à ceux (M) qui ont une mauvaise récolte » & les récoltes dépendent de la météo.

 Þ Les B auront une obligation que n’auront pas nécessairement les M

  Donc l’égalité absolue produit des inégalités.

  De sorte que finalement l’égalitarisme absolu est irréalisable.

 

IV. LE DILEMME PRINCIPAL DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE :

LIBERALISME vs. SOCIALISME ou interventionnisme.

LAISSEZ-FAIRE OU ETAT-PROVIDENCE ?

 

Introduction : Les 3 formes possible de l’échange économique selon François Perroux.

  Ce sont :

 

v     la planification

v     le marché (loi de l’offre et de la demande)

v     le don, qui peut être

o       cadeau ou

o       charité.

 

Or la charité est une chose, la justice en est une autre.

 

A) LA DOCTRINE DU LAISSEZ FAIRE (LIBERALISME CLASSIQUE ou théorie des Harmonies économiques) de Mandeville à Milton Friedman en passant par Adam Smith

 

  Supposons que :

  • X & Y échangent librement des produits, ou que
  • X & Y s’engagent librement dans un contrat.

  Alors, c’est que X & Y y trouvent mutuellement leur intérêt.

 

Conséquence capitale :

Selon le libéralisme, la justice commutative est condition suffisante de la justice distributive.

 

Corollaire : la justice est assurée par le mécanisme du marché.

  Mais il y a une condition nécessaire : le marché doit être absolument libre, et donc l’Etat ne doit nullement intervenir dans la vie économique. C’est la doctrine du laissez-faire.

  Origine : Colbert demande un jour devant des entrepreneurs comment le gouvernement du Roi pourrait aider le commerce. Réponse de François Legendre : « Laissez-nous faire ».

 

Discussion :

 

1° Du point de vue interventionniste (d’après J.J. Rousseau)

Considérons l’exemple d’un contrat de travail passé entre

Ø      un chômeur sans ressources (qui cherche du travail)

Ø      un riche héritier (qui offre du travail)

Nous avons là un exemple de contrat léonin, c'est-à-dire où le plus fort peut imposer sa loi, de telle sorte que le libre contrat ne fait que transmettre la loi du plus fort.

  Donc selon Rousseau, le contrat juste présuppose deux conditions :

  • non seulement la liberté
  • mais aussi l’égalité des contractants.

  Pour que le contrat soit juste il faut par conséquent que la justice distributive soit déjà réalisée. Donc la justice distributive ne peut être réalisée par le mécanisme du contrat.

  Comme le dira Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Et le libéralisme classique risque de n’être, selon la formule de Jaurès que « la liberté du renard libre dans le poulailler libre ».

 

2° Du point de vue néolibéral (Hayek)

  Selon Hayek, la moralité du marché se révèle analogue à la moralité du jeu. Elle tient en deux principes :

1.      Qui accepte les gains accepte les pertes

2.      Le joueur injuste est le tricheur ; et donc, inversement, la justice est identique au respect des règles du jeu.

  Donc la justice du jeu se situe dans le comportement des joueurs et non dans l’issue du jeu. Même si le joueur sortant du casino est ruiné, du moment que les règles du jeu ont été respectées il n’y a pas d’injustice.

  De même la justice du marché tient tout entière dans le respect des règles du marché, par opposition au bilan du marché, dont elle ne dépend pas.

  Il s’ensuit que selon le néolibéralisme, ce n’est pas l’affaire du marché que d’assurer la justice distributive, et il ne faut donc pas compter sur lui dans cette fonction.

 

 

B) L’INTERVENTIONNISME & LA DOCTRINE DE L’ETAT-PROVIDENCE

 

1° Le distinguo entre libertés formelles & libertés réelles (d’après Louis Blanc)

 

 Considérons l’exemple des « vacances », d’une part avant l’institution des Congés Payés, d’autre part après :

 

Ø      Avant les congés payés, rien n’interdit de prendre des congés. Donc d’après la maxime libérale « Tout ce qui n’est pas interdit par la loi est permis », tout le monde est libre de prendre des congés, par exemple de partir pour la Riviera en disant à son employeur « Je reviens dans une semaine ». Mais faute de moyens matériels, ce n’est là qu’une liberté formelle.

Ø      Après l’institution de congés payés, la loi obligeant au paiement des congés, la liberté de partir en vacances devient liberté réelle.

 

  Comme le dit profondément Louis Blanc : « avec le mot droit, la liberté n’est qu’une théorie vague, tandis que le mot pouvoir tend à en faire une chose réelle ». Cette analyse rejoint celles qui résultent de la logique modale d’aujourd’hui. Au cœur du concept de liberté, il y a celui de possibilité qui prend ici la forme du pouvoiren acquérant force de loi.

 

2° La conception cartésienne de l’ordre dans le distinguo de Hayek

 

  Descartes, considérant dans la 2e partie du Discours de la méthode l’exemple de la constrution d’une ville, distingue deux façons essentielles dont elle peut se produire :

 

v     ou bien (1) comme ces « anciennes cités qui, n’ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues, par succession de temps, de grandes villes » aux « rues courbées et inégales » aux édifices grands et petits, de sorte qu’ « on dirait que c’est plutôt la fortune que la volonté de quelques hommes usant de raison qui les a ainsi disposés » ;

v     ou bien (2) comme ces « places régulières qu’un ingénieur trace à sa fantaisie dans une plaine »

 

   Hayek distinguera entre deux sortes d’ordre illustrés d’avance par Descartes : l’ordre agencé du cas (2) et l’ordre spontané du cas (1). L’un des problèmes fondamentaux de la philosophie politique, sinon le plus fondamental, est de déterminer lequel de ces deux ordres est le plus rationnel. Selon Descartes l’ordre spontané semble le fruit du hasard et c’est inversement l’ordre agencé qui porte la marque de la raison. Cette option cartésienne est (le plus souvent à l’état implicite) une de principes majeurs de l’interventionnisme et du socialisme.

 

3° Conclusion : l’Etat doit intervenir dans l’économie pour assurer

  • la justice distributive, mais aussi
  • la rationalité économique.

C’est la doctrine de l’Etat-providence.

 

La discussion de l’interventionnisme par Hayek

  Contre le socialisme et toute forme d’interventionnisme, afin d’établir par opposition la supériorité de l’ordre spontané, Hayek va déployer toute une batterie d’arguments d’ordre politique ou éthique

 

1° Les argument politiques et techniques :

 

  1. L’ordre agencé ne peut être qu’un ordre réduit, du fait qu’il est fonction des informations dont dispose une autorité. Ces informations, en effet, sont toujours limitées. L’ordre spontané, au contraire, peut être un ordre développé par mise à contribution de toutes les informations pertinentes. Exemple : la fixation des prix sur le marché.
  2. L’ordre agencé ne peut être qu’un ordre à court terme, car il est fondé sur notre connaissance des conséquences de nos actes. Or plus on s’enfonce dans l’avenir, moins nous savons quelles conséquences auront nos actions. L’ordre spontané, au contraire peut être un ordre perpétuel, car il est fondé sur l’ignorance où nous sommes des conséquences de nos actes, qui est une constante. Exemple : la priorité à droite, ordre fondé sur le fait que nous ne savons pas ce qui va surgir au prochain carrefour.

 

  Ces arguments suffisent à établir que l’ordre spontané est plus rationnel qu’un ordre planifié.

 

2° Les arguments éthiques :

 

  1. L’ordre agencé implique une ingérence de la loi, sous la forme de commandements particuliers prescrivant à chacun ce qu’il faut faire. L’ordre spontané permet au contraire une limitation de la loi sous forme de règles impersonnelles indiquant seulement ce qu’il ne faut pas faire.
  2. L’ordre agencé implique le monolithisme social en exigeant un accord sur les fins et donc une même échelle de valeurs pour tous. L’ordre spontané permet au contraire le pluralisme des valeurs en demandant seulement un accord sur les moyens pour chacun de poursuivre ses propres fins. Par exemple un accord sur les revenus.
  3. L’ordre agencé conduit à une sociéte monocentrique, demandant une obéissance à une volonté ou à une autorité dans une organisation hiérarchique. L’ordre spontané, au contraire, permet une sociéte polycentrique en ne demandant obéissance qu’à des règles convenues et en permetant une accommodation mutuelle entre plusieurs centres de décision situés à un même niveau.

 

Il s’ensuit que l’ordre spontané doit être préféré aussi pour des raisons éthiques.

 

V. LA THEORIE DE LA JUSTICE DE JOHN RAWLS

 

1. La procédure de décision

  La théorie de la justice distributive due à Rawls applique la méthode du contrat social traditionnelle sur la liberté, en l’adaptant au problème de la justice.

  L’idée de justice distributive implique essentiellement deux choses, l’intéressement et l’impartialité.

  Comme nous l’avons vu, s’il n’y avait pas des intérêts en compétition, si chacun pouvait prendre ce qu’il veut, le problème de la justice distributive n’existerait pas. S’il existe, c’est par conséquent dans la mesure où chacun est intéressé au bien à distribuer, de sorte qu’il est attaché à son propre intérêt, en compétition avec celui des autres.

  Quant à l’impartialité, Rawls va la garantir par une condition qu’il appelle voile d’ignorance. A savoir que chacun doit ignorer quelle sera sa position dans la société issue du contrat, afin d’éviter qu’il avantage cette position.

 

2. La définition méthodique de la Justice

 

A)    Réponse de la méthode au problème de la justice dans la distribution de la liberté :

 

v     Chacun a droit au maximum de liberté compatible avec la même liberté pour les autres

 

  En effet, par le voile d’ignorance, chacun ignore quelle sera sa position dans la société. Donc chacun a intérêt à ce que la liberté soit la même pour tous. Sur la liberté, la justice est donc l’égalité.

  Par ailleurs la condition d’intéressement demande que la liberté soit maximale.

 

B)     Réponse de la méthode au problème de la justice sociale :

 

v     Chaque position sociale doit être également ouverte à tous

 

C’est le principe de l’égalité des chances. Avec la même justification par le voile d’ignorance

 

C)    Réponse de la méthode au problème de la justice économique. Ici la question est plus précisément de déterminer à quelle condition une inégalité peut ne pas être une injustice. Réponse :

 

v     Une inégalité n’est pas une injustice si et seulement si elle tourne à l’avantage du plus défavorisé, c'est-à-dire ssi celui qui reçoit le moins dans la situation d’inégalité reçoit plus qu’il ne recevrait en situation égalitaire.

 

Afin de le démontrer, illustrons la question par le choix soit entre les deux situations A et B :

 

          ½  A         B

-------------------------

X        ½  3         4

Y        ½  3         5

Z         ½  3         6

           

Dans le régime économique A, tout le monde reçoit la même part de 3 unités. Dans la situation B, les parts sont inégales, mais celui qui reçoit le moins reçoit davantage qu’en A. Par le voile d’ignorance, chacun ignore s’il y sera dans la position X, Y, ou Z.  Par conséquent, le choix se ramène à l’alternative entre 3 parts et au moins quatre parts d’un bien auquel on est intéressé. Donc la condition d’intéressement fera que la situation choisie sera la situation inégalitaire B parce qu’elle tourne à l’avantage du plus défavorisé. CQFD.

 

  Subsite un dernier problème : en cas de conflit entre liberté et égalité, à laquelle donner l’avantage ? La réponse de Rawls est qu’il faut toujours donner l’avantage à la liberté. En effet, si une liberté est sacrifiée à l’égalité, rien ne garantit que cette égalité sera conservée, ni que d’autres libertés ne seront pas perdues. Au contraire, le maintien de la liberté donne des possibilités d’agir politiquement afin de recouvrer l’égalité à laquelle on aurait renoncé.

 

2e leçon : LA JUSTICE RETRIBUTIVE

 

 

Introduction

 

1. Division des sanctions

 

Une sanction peut être :

  • un châtiment ou
  • une récompense

 

  Les récompenses ne sont que des distributions de médailles, etc.

  En conséquence le problème de la justice rétributive se ramène pratiquement au problème de la justice dans les châtiments

 

2. Df du châtiment

 

Châtier = infliger une peine en raison d’un délit.

 

Le châtiment doit donc être distingué en particulier de la vengeance.

 

I. La conception rétributiviste (Kant)

 

 

Thèse : Un châtiment est juste dans la mesure où il est mérité.

 

L’exigence du mérite implique en particulier qu’il y ait responsabilité de celui qui est châtié.

 

Argument : Il y a justice ssi les bonnes actions sont récompensées

                                         & les mauvaises actions punies

 

Cet argument exige que tout délit soit sanctionné par une peine.

 

 

 

Discussion :

 

1° L’actif (Rawls) : la notion de sanction exige la responsabilité de celui qui est châtié.

 

2° Le passif (Beccaria, David Ross) :

  La notion de mérite est une notion morale et relève donc de l’éthique privée.

  Le pouvoir judiciaire n’a pas à donner de sanctions morales.

  Exemple : si quelqu’un a menti dans sa vie privée, il ne s’ensuit pas qu’il doive faire l’objet de poursuites judiciaires, comparaître devant un tribunal, etc.

  Le rôle du pouvoir judiciaire n’est pas de faire régner la Justice sur terre (problème religieux) mais seulement de faire respecter les lois.

 

II. La conception utilitariste (Bentham)

 

  Un châtiment est justifié dans la mesure où il est utile, i. e. où il a des conséquences bénéfiques.

 

Trois utilités principales sont invoquées :

 

Ø      l’empêchement de la récidive (par exemple par la prison)

Ø      la dissuasion

o       du délinquant

o       des autres

Ø      l’amendement du délinquant, s’il est possible.

 

 

Discussion, du point de vue rétributiviste :

 

  Supposons un développement du banditisme.

  On ne retrouve aucun des coupables. Cependant on arrête quelqu’un

qui est innocent mais que tout le monde croit coupable.

  On lui inflige le châtiment prévu. Ce qui entraîne une réduction du banditisme.

  Si on admettait la thèse de l’utilitarisme pur, ce châtiment serait justifié.

  D’où l’objection rétributiviste, à savoir qu’une conception purement utilitariste du châtiment aboutit à justifier la punition d’innocents.

 

III. Position éclectique[2]

 

  Un châtiment est juste dans la mesure où :

 

1° Il porte sur une infraction aux lois en vigueur[3] (et pas seulement à une règle morale)

2° Il est infligé à une personne responsable de l’action châtiée

3° Il est utile.

 

  Ces conditions qui s’ajoutent sont à prendre dans cet ordre. Par exemple si la condition 1° n’est pas satisfaite, l’action judiciaire n’est pas même engagée.

 

  Remarque : la condition 1° est soumise à la loi du tout ou rien ; la condition 2° relève éventuellement de circonstances atténuantes ; la condition 3° qui admet le plus et le moins est une question de dosage conjectural.



[1] Inversement, la réplique marxiste sera la suivante : le problème de la justice n’est pas un problème à résoudre (théoriquement) mais un problème à supprimer pratiquement par la révolution permettant à la technique libérée de supprimer la rareté.

[2] Rappelons que l’éclectisme signifie prendre le meilleur partout.

[3] Evidemment, le traitement du problème de la justice distributive exposé ici présuppose que, dans le Cours sur le Droit, les fondements du Droit naturel ont été mis en évidence, de sorte que, lorsque nous invoquons ici des lois, il va de soi que nous ne voulons parler que de lois justes. Il serait absurde et vain de définir une « justice » rétributive punissant la transgression de lois injustes. Lorsque les lois du Droit positif sont injustes, c’est évidemment la désobéissance à ces lois qui est juste.

19/09/2011

Méthodologie de la colle

[N.B. : Cette méthodologie est celle que je prescris aux étudiants que je martyrise; d'autres professeurs formulent, à propos de certains aspects, des exigences un peu différentes. Renseignez-vous ...]s'écarte sur quelques points

G. Barthèlemy

Lettres-Philosophie

 

 

METHODOLOGIE DE LA COLLE

 

 

            Proposer une méthodologie de la colle de Lettres-Philo en Math sup – Math spé, c’est se heurter à deux problèmes : la diversité des oraux dans les (quelques) Grandes Ecoles qui en infligent dans cette discipline aux candidats, et l’existence de consignes relativement divergentes dans les documents qui prétendent préciser les modalités de l’exercice. Cette fiche ne peut donc prétendre faire mieux qu’indiquer quelques principes consensuels et définir les règles au regard desquelles votre travail sera évalué. L’exercice, tel qu’il est défini ci-dessous, est destiné à vous offrir un entraînement à l’oral et à vous permettre soit d’approfondir le travail sur le thème au programme, soit d’esquisser une réflexion formalisée sur divers sujets offrant une certaine consistance intellectuelle. Il vous appartient par ailleurs  d’aller voir sur le site des Ecoles dont vous préparez le concours d’entrée quelles sont les modalités spécifiques d’un éventuel oral de Lettres-Philo, auquel bien entendu vous pourrez être préparés spécifiquement, à la demande et à la carte.

 

                        Support, définition et déroulement de l’épreuve

 

            Le support de l’épreuve est un texte qui évoque une question d’ordre philosophique, historique, sociologique ou culturel digne d’intérêt et à laquelle on peut trouver un certain nombre de résonances dans notre monde. Il peut relever de la littérature, de la philosophie, des sciences humaines ou du journalisme (grande presse nationale).

            La  première partie de l’épreuve est ce que nous appellerons l’analyse. On pourrait dire pour simplifier que votre but doit être ici de montrer que vous avez compris le texte et que vous êtes capable d’exposer la stratégie argumentative à laquelle il obéit. Pour ce faire, vous devez fournir une introduction dans laquelle vous le mettrez en perspective de trois points de vue différents : en le situant dans son contexte historique et culturel (vous vous aiderez pour cela du paratexte : titre, date de publication), en indiquant à quel grand problème ou quelle grande problématique il se réfère, et en indiquant en une phrase son sommaire (reconnaissons que le second et le troisième point se confondent parfois).

            Le second temps est la lecture, qui est prise en compte dans la notation. Rappelons que les candidats ne savent généralement pas lire, c’est-à-dire donner à comprendre le texte par sa simple lecture ; bien souvent au contraire, l’indifférence à la ponctuation, un ton monocorde (qui montre que le candidat pense qu’on lui demande seulement de déchiffrer des mots sur le papier) obscurcissent fâcheusement la perception du texte et laissent penser que celui-ci n’a pas été compris.

            Le troisième temps est l’analyse au sens étroit du terme. Vous indiquerez d’abord la composition du texte, ce qui consiste à repérer les grandes étapes de son déroulement ; vous fournissez ainsi un premier point de repère et ébauchez le commentaire de son organisation. Ce découpage ne doit pas être trop morcelé (pas plus de quatre parties), sous peine de rendre imperceptibles les grandes lignes de cette organisation. Ensuite, vous procéderez de préférence de manière synthétique, et commenterez les grands axes de la construction argumentative du texte, en les classant, naturellement, de manière logique. Vous serez conduits à repérer un certain nombre d’énoncés cardinaux, qu’il faudra parfois élucider (ceci vous sera d’ailleurs parfois demandé explicitement par un libellé qui vous désignera un ou deux énoncés dont il faudra expliquer le sens, littéralement et en contexte). Comme il convient de vous intéresser également au ton du texte, vous commenterez au passage divers procédés, diverses composantes lexicales et stylistiques qui vous permettront d’étayer vos dires en la matière. Il n’est pas impossible de procéder de manière linéraire, un peu comme pour le résumé ; évitez dans ce cas-là de laisser penser que vous êtes incapable de faire mieux que de repérer successivement différents points et montrez (c’est un impératif absolu) comment s’effectue, d’un point de vue logique, l’enchaînement argumentatif et démonstratif dans le texte. Quelle que soit la technique (synthétique ou linéaire) choisie, vous l’indiquerez au correcteur au moment où vous commencerez l’analyse, et vous vous souviendrez qu’analyser le montage logique d’un texte, c’est en repérer de ce point de vue les lacunes, les incohérences, autant que les éléments les plus convaincants – soulignez donc les uns et les autres.

            Le dernier temps consiste bien sûr en une conclusion, dans laquelle vous récapitulerez les acquis principaux de l’analyse, avant de les synthétiser brièvement.

            Tout ceci doit se faire en dix minutes.

 

            La deuxième partie de l’exercice est consacrée à un commentaire. En partant d’un point du texte que vous rappellerez (ce sera éventuellement parfois un énoncé parfaitement repérable), vous élaborerez une mini-dissertation dans laquelle, s’il s’agit d’un texte qui porte sur la question au programme, vous montrerez en quoi il s’agit là d’un point de vue, d’une perspective, d’une approche, etc., qui enrichit ou au contraire « rate » la question au programme, ou bien, s’il s’agit d’ un texte qui traite d’un autre sujet, vous proposerez une  réflexion personnelle (en accord ou en désaccord avec les propos de l’auteur, peu importe). Vous vous appuierez donc sur le texte, mais aussi sur les éléments de problématique fournis par le cours, et sur votre culture personnelle (culture littéraire, philosophique, historique, connaissance du monde contemporain), dans laquelle vous puiserez notamment des exemples. Vous savez tous comment on organise une dissertation ; rappelons néanmoins les règles élémentaires de l’exercice, telles qu’elles seront appliquées ici : dans une introduction, vous indiquerez le point que vous allez traiter et les temps (de préférence trois) de la démonstration ; celle-ci sera menée logiquement, à travers l’enchaînement méthodique d’arguments ; vous pourrez vous référer au texte bien sûr, mais l’essentiel est de montrer que vous êtes capable de proposer un raisonnement élaboré avec vos propres connaissances et de votre propre point de vue (ce qui n’implique pas que vous disiez « Moi, je » ; rappelez-vous que quand un post-lycéen dit « je pense que », il intervient généralement sur le mode éruptif pour dire quelque chose qu’il n’a surtout pas pensé mais que, pour une raison ou une autre, indépendamment de toute exigence d’examen rationnel, il souhaite dire – ce qui n’est pas une bonne méthode). Vient enfin la conclusion, dans laquelle vous procédez selon la règle déjà énoncée supra.

            Le tout dure en principe dix minutes.

 

            Le troisième temps de l’épreuve lors des oraux de concours est un entretien ; le jury vous demandera de revenir sur tel ou tel point de votre prestation pour préciser, développer, nuancer ou éventuellement réfuter ce que vous avez dit. Vous devez faire preuve ici d’une forme de disponibilité intellectuelle, qui consiste à prendre en compte le point de vue que vous soumet votre introducteur, à entrer avec lui dans une discussion qui doit toujours être rationnelle, raisonnable en tout cas (et courtoise, cela va sans dire), et dans laquelle il est entendu que l’on débat entre gens curieux et bien élevés d’un problème qui est lui-même consistant, intéressant, et que l’on est heureux de le faire, ce qui n’interdit pas l’affrontement intellectuel ou les positions divergentes. Soyez de bonne foi, ne compensez pas la faiblesse d’un argument par une démonstration d’agressivité, argumentez, discutez.

 

                        Les principes d’évaluation du candidat.

 

            L’exemple d’une grille de notation vous fournira un premier point de repère :

                        - 4 points pour la lecture et la compréhension du texte.

                        - 4 points pour sa présentation : contexte historique, « idée générale » (disons plutôt : propos d’ensemble), composition, repérage et exposé de la stratégie argumentative.

                        - 2 points pour l’explication d’un mot ou d’un énoncé (en l’absence d’une question de vocabulaire, les deux points seront affectés aux deux rubriques ci-dessus).

                        - 10 points pour la deuxième partie de l’épreuve.

                         

 

                        Les qualités dont vous devez faire preuve sont celles en principe déjà exigibles dans le secondaire :

-          Maîtrise de la langue : votre vocabulaire doit être suffisamment riche pour vous permettre de comprendre les textes et d’en rendre compte. Vous devez épurer votre langage de tous les pantonymes (« gérer »), les tics ineptes (« souci » pour « problème »), les béquilles barbares (« par rapport à ») qui défigurent le langage, le mécanisent, et vous interdisent d’élaborer une pensée claire, précise, de vous exprimer dans les  termes adéquats (je ne parle pas seulement de correction grammaticale, mais de précision dans l’expression et donc dans l’analyse, donc dans la pensée).

-          Capacité à élaborer un raisonnement « réglé » et à analyser un raisonnement auquel on est confronté.

-          Maîtrise d’une culture, scolaire et personnelle, dont le candidat doit montrer qu’il sait qu’elle n’est pas de l’ordre de la décoration, de l’obligation scolaire  ou de la superficialité mondaine, mais qu’elle tient à une certaine conception de l’individu et de ses relations avec le monde qui l’entoure.

-          Capacité à exposer à autrui une démarche intellectuelle, un texte, dans le cadre d’une relation très formalisée, correspondant à une situation institutionnelle très spécifique, qui ne bannit pas pour autant l’élément humain. Vous expliquez quelque chose à quelqu’un, ce qui implique que vous regardiez cette ou ces personnes, que vous lui / leur parliez de manière intelligible (à voix haute, en articulant) au lieu de débiter d’un ton morne et absent un laïus entièrement rédigé, de l’air indifférent et boudeur de l’enfant puni, ou de l’air contraint de celui qui, par timidité ou par mauvaise volonté, refuse de se plier aux règles de l’exercice. Rappelez-vous qu’il n’est pas interdit d’être timide, mais que vous devez faire en sorte que cette timidité ne perturbe pas le déroulement de l’épreuve. Une touche d’humour, de distance intellectuelle, sont toujours bienvenues, mais toute forme d’insolence, de mégalomanie, d’agressivité, de désinvolture, est rédhibitoire. Pensez que le caractère formel de l’exercice implique une certaine tenue physique, je veux dire proscrit certaines postures corporelles : pied sur la chaise, menton sur la table, jambes projetées loin devant, bras rejetés derrière le dossier ; idem pour diverses attitudes : « jambe à ressort », mastication de chewing-gum, manifestations indiscrètes d’un certain rapport à son propre corps (grattage intensif du cuir chevelu, caresse répétitive du visage),  à ses vêtements (tripotage compulsif d’une fermeture-éclair, d’une frange), à son matériel (manipulation frénétique de stylo, de trombones, etc.).

 

L’ensemble des critères mentionnés ci-dessus valent pour les épreuves orales de type différent.

 

Le temps de préparation de la colle est, selon les cas, d’une heure ou d’une demi-heure en première année, et impérativement  d’une demi-heure en deuxième année.

 

            En route vers l’avenir.  

           

06/09/2011

Méthodologie : le résumé ou contraction de texte (Document mis en ligne sur ce blog avec l’autorisation de son auteur, Gilles Negrello, professeur en hypokhâgne et en math spé au Lycée Champollion de Grenoble. Merci de ne pas le diffuser)

 

Méthodologie : le résumé ou contraction de texte

(Document mis en ligne sur ce blog avec l’autorisation de son auteur, Gilles Negrello, professeur en hypokhâgne et en math spé au Lycée Champollion de Grenoble. Merci de ne pas le diffuser)

 

 

Première partie : présentation du résumé

 

1. Définition

Le résumé consiste à réécrire un texte plus brièvement, en respectant un nombre imposé de mots, tout en retenant les informations essentielles.

2. Intérêt de l’exercice

 

* Du point de vue des compétences :

Le résumé répond à des besoins pratiques : lors des études et dans la vie professionnelle, toute recherche documentaire passe par un travail de résumé, nécessaire pour conserver une trace écrite (fiches) des documents consultés.

* Du point de vue de l’apprentissage :

Le résumé est un exercice formateur. Il apprend à analyser un texte pour le comprendre puis le reformuler. Cela développe les capacités de lecture et de rédaction, en obligeant à respecter une exigence de rigueur.

* Du point de vue de l’évaluation :

Le résumé constitue un test

- de culture générale : il est impossible de résumer correctement un texte si l’on est pas un peu au courant du thème traité dans ce texte ;

- d’intelligence : le résumé exige une bonne compréhension du texte (pour éviter les contresens), de la logique et de l’objectivité (pour respecter la pensée d’autrui sans l’interpréter) ;

- d’expression : une syntaxe claire et rigoureuse, un vocabulaire riche et précis (en particulier le vocabulaire abstrait) sont nécessaires pour reformuler des idées en les condensant.

 

3. Règles du résumé

 

* Suivre l’ordre du texte d’origine

Il faut respecter le mouvement du raisonnement, la succession des idées. Attention : cela ne signifie pas qu’il faille réduire tous les paragraphes dans les mêmes proportions ; certains paragraphes peuvent être sans grand intérêt. C’est la suite des idées principales qui doit être rendue.

 

* Conserver le même système d’énonciation

Le résumé utilise les mêmes pronoms et les mêmes temps verbaux que le texte d’origine. Par exemple, si le texte d’origine utilise la première personne du singulier (je) et le présent de l’indicatif, le résumé fera de même.  Il ne faut pas prendre de distance par rapport au texte ; sont donc exclues les formules du type : « Selon l’auteur… » ou « L’auteur dit que… ».

 

*Reformuler le texte

Il faut absolument éviter de faire un assemblage de citations. Le rédacteur du résumé doit utiliser son propre vocabulaire. Cependant, pour les mots-clés, il est inutile de chercher des équivalents approximatifs qui conduiraient à gauchir le texte.

 

* Respecter le nombre de mots imparti

Il faut faire figurer à la fin du résumé le nombre exact de mots utilisés (ce total sera vérifié et toute erreur sévèrement sanctionnée).

On dispose d’une marge de plus ou moins 10 %. Par exemple, pour un résumé demandé en 220 mots, +/- 10 %, on peut utiliser entre 198 et 242 mots.

Pour faciliter le recomptage, on place une barre tous les 10 mots.

 

Comment compter les mots ?

La règle de base pour le résumé repose sur une définition visuelle : un mot est une unité typographique isolée par deux blancs. Exemple : Jean de La Fontaine = 4 mots ; Charles de Gaulle = 3 mots. Tous les « petits mots » (articles, conjonctions, pronoms) comptent pour un mot.

Cas particuliers :

Les dates comptent pour un mot (ex : 1789 = 1 mot).

Les pourcentages comptent pour un mot (ex : 50 % = 2 mots).

Les sigles comptent pour un mot (ex : SNCF = 1 mot)

Les mots composés : on considère que le tiret sépare deux mots au même titre qu’un espace. Exemples : c’est-à-dire = 4 mots, après-midi = 2 mots, chou-fleur = 2 mots.

Mais aujourd’hui = 1 mot ; socio-économique = 1 mot, puisque les deux unités typographiques n’ont pas de sens à elles seules.

a-t-il = 2 mots (car t n’a pas une signification propre).

 

* Mentionner les références du texte

À la fin du résumé, indiquer l’auteur et la source (journal, revue, ouvrage…) du texte. Ces indications n’entrent pas dans le décompte des mots.

 

4. Préparation de l’exercice

 

Il faut allier une préparation générale, consistant en lectures diversifiées (en particulier de la presse) et en prise de notes sur des livres, et une préparation pratique consistant tout simplement à s’entraîner au résumé.

 

Deuxième partie : Méthode

 

Schéma de la méthode

I. Phase d’analyse

          A. Première lecture

          B. Explication préalable du texte

          1. Au niveau du paragraphe

          2. Au niveau de l’ensemble du texte

II. Phase de synthèse

          C. Établissement du plan du texte et de celui du résumé

          D. Rédaction du résumé

          E. Présentation, écriture, révision

 

Présentation détaillée des différentes étapes :

 

I. Analyse

Cette première phase du travail peut être réalisée directement sur la photocopie, en portant des annotations sur le texte et dans ses marges : soulignement à l’aide de différentes couleurs, phrases en style télégraphique, symboles de relations logiques.

 

A. La première lecture

 

1. Observation des références du texte

Avant de commencer à lire le texte, il faut examiner les références qui l’accompagnent : nom de l’auteur, titre du livre d’où il est extrait, date de publication. Même si l’on ignore qui est l’auteur, ces indications donnent une première idée sur la nature et le sujet du texte, éventuellement sur son orientation idéologique.

2. Première lecture

Il faut ensuite déterminer rapidement le domaine de connaissance dont relève le texte (histoire, sociologie, philosophie, critique littéraire…), être attentif aux noms propres, aux titres d’œuvres et aux dates citées dans le texte.

3. Bilan de cette 1ère approche

Après la première lecture, pour faire un premier bilan, on peut noter rapidement :

- le thème du texte,

- la thèse défendue par l’auteur.

 

B. L’explication préalable du texte

 

1. Au niveau du paragraphe

Commencer par numéroter les paragraphes.

La véritable unité de pensée d’un texte est le paragraphe, non la phrase. Un paragraphe bien structuré est construit comme une dissertation en raccourci : énoncé du sujet / argument / exemple / formule conclusive. Même lorsque la structure est plus souple, chaque paragraphe contient en principe une idée centrale et la division en paragraphes correspond au plan du texte.

Travail à l’intérieur de chaque paragraphe :

a) Souligner les mots-clés, les expressions-clés, voire les phrases clés (les passages soulignés doivent être courts).

Pour les repérer, deux indications :

- ils sont souvent en position grammaticale de régime (complément d’objet ou attribut du sujet) ;

- ils sont souvent organisés en séries complémentaires ou en paires opposées.

b) Encadrer les articulations logiques et rétablir celles qui sont seulement suggérées (en effet, donc, c’est pourquoi, en revanche, d’abord, ensuite, enfin…)

c) Retrouver l’unité du paragraphe et l’énoncer sous forme d’une proposition (« phrase-étiquette »). À ce stade, on peut utiliser des symboles (=    //  →).

 

2. Au niveau de l’ensemble du texte

 

Repérer les paragraphes d’introduction, de conclusion, de transition.

Rassembler les paragraphes qui se rattachent à la même idée, par exemple, associer un paragraphe d’exemples à l’idée que ces exemples illustrent.

Lors de ce rapprochement entre les paragraphes, il faut être attentif :

- aux répétitions (relier par un trait les passages qui concernent le même sujet) ;

- aux digressions (se demander si un passage qui s’éloigne du thème principal est important ou non) ;

- aux exemples. A ce propos, notez qu’il importe de distinguer ceux qui n’ont qu’un rôle d’illustration de ceux qui font progresser le raisonnement. On conserve les seconds, on supprime les premiers, qui ont seuls véritablement le statut d’exemple, que l’on peut en principe définir ainsi : un exemple est illustratif (il offre une illustration d’un raisonnement général), partiel (ce n’est qu’une illustration), substituable (une autre illustration aurait aussi bien fait l’affaire), arbitraire (on a choisi cette illustration, on aurait pu en choisir une autre). Il ne faut donc pas confondre l’exemple avec le « cas » qu’un texte s’applique à traiter parce que c’est la substance de ce cas qui intéresse l’auteur.    

 

 

II. Synthèse

 

Cette deuxième phase du travail se fait en écrivant au brouillon. Numérotez les feuilles que vous utilisez et n’écrivez qu’au recto, pour avoir tout sous les yeux.

 

C. Établissement du plan du texte et de celui du résumé

 

L’important, pour établir le plan d’un texte, n’est pas de le diviser en sections successives, mais de faire apparaître les hiérarchies et les enchaînements d’idées.

Dans un premier temps, il faut établir un plan très détaillé (parties, sous-parties, sous-sous-parties…). On marque la hiérarchie de ces sous-ensembles par des chiffres et des lettres[1] :

I.

A.

1°)

a)

Ce n’est qu’ensuite qu’on regarde ce qui devra être éliminé pour le résumé.

Il est obligatoire de conserver globalement le plan du texte dans le résumé, même si quelques changements de détail sont possibles pour clarifier et simplifier sa structure.

 

D. Rédaction du résumé

 

On fait une première rédaction au brouillon avant de recopier au propre. Au brouillon, il faut toujours prévoir de grandes marges et des interlignes aérés pour faire des corrections et des réajustements.

Pour le comptage des mots, une méthode simple : numéroter les lignes et écrire 10 mots par lignes.

Lors du premier jet, il vaut mieux faire trop long que trop court, car il est plus facile d’éliminer certains éléments que d’en rechercher après coup pour grossir l’ensemble.

Lors de la rédaction, il faut veiller à :

- trouver des formules personnelles en cherchant des synonymes ;

- mettre en valeur la progression du raisonnement en insistant sur les articulations logiques ;

- respecter l’équilibre du texte en accordant à chaque partie du raisonnement la place qui lui convient, sans en développer une au détriment des autres.

 

E. Présentation, écriture, révision

 

L’apparence visuelle du travail est déterminante : soignez la calligraphie ; ne collez pas les mots les uns aux autres, et inversement ne laissez pas d’espaces entre les lettres qui composent un mot, dans la mesure du possible, évitez les ratures ; si vous effectuez a posteriori une correction (qu’il s’agisse d’une faute ou d’un oubli), faites-le proprement, clairement, sans compromettre la lisibilité de votre copie.  Après avoir écrit le résumé au propre, le relire pour vérifier l’orthographe et la ponctuation.

 

Gilles Negrello

 

 

            QUELQUES AJOUTS EN VRAC

 

- Un truc idiot (mais pas inutile) : la posture de l’étudiant qui élabore un résumé est celle du chef de cabinet à qui son ministre demande de réduire une étude de 200 pages à 20, parce qu’il est pressé mais qu’il doit prendre une décision au regard du contenu de l’étude en question. Faut-il accorder 1 million d’euros de subvention à tel projet dont le promoteur prétend qu’il en rapporterait 5 ? Le chef de cabinet doit donc réduire le texte sans le déformer, sachant que le ministre ne veut pas être obligé de se reporter à l’original pour éclaircir tel ou tel point. (NB : si le projet est adopté et ne rapporte rien, le chef de cabinet sera viré, naturellement).

- Le résumé doit être « organique » : il doit ressembler à un texte, pas à la juxtaposition d’énoncés. Traduisons : le résumé obéit à la règle habituelle de composition des paragraphes, lesquels constituent des unités logiques et ont donc une certaine longueur. Lorsque le correcteur voit un résumé composé d’une suite de « paragraphes » d’une ligne, il sait que le gentil candidat n’a pas réussi à élaborer quelque chose de cohérent, ce qui signifie bien souvent qu’il n’a pas compris la cohérence du texte.

- Le résumé doit « sonner français » : un lecteur « innocent » (pas un correcteur donc) qui le lirait devrait y retrouver intuitivement une sorte de norme du français écrit, au lieu de se trouver face à quelque chose qui semble traduit du serbo-croate par un Japonais qui aurait appris le français avec un militant du créole réunionnais. Bien sûr, cette exigence est relative : la règle du jeu du résumé conduit parfois à adopter des formulations qui ne viendraient pas spontanément sous la plume du locuteur « moyen ».

- Plus largement, vous devez avoir en tête une exigence déjà mentionnée un peu plus haut : le résumé doit être « lisible ». Ceci nous conduit à évoquer la question de la parenthèse. Celle-ci (qui est bien commode : elle permet souvent d’économiser des mots) n’est pas interdite : vous devez seulement la manier avec doigté et en user avec parcimonie, de manière à ce que, précisément, elle n’entrave pas la lisibilité de votre résumé.

- Pour réussir un résumé, il faut bien maîtriser le vocabulaire, puisqu’il s’agit à la fois de comprendre le texte puis de le réécrire sans reprendre ses formulations (sauf pour les termes techniques ou irremplaçables) et en le réduisant. Que faire lorsque vous vous heurtez à un mot inconnu ? Vous pouvez tenter deux manœuvres : la première consiste à tenter de démêler le sens du mot à partir du propos et du contexte (c’est risqué, mais c’est mieux que rien) ;  la seconde consiste à tenter de ramener l’inconnu au connu : si vous ne connaissez pas le mot « chatouillis », vous connaissez peut-être « chatouiller », et tous les espoirs vous sont permis – en revanche, si vous ne connaissez pas « turpitude », c’est mal parti (sauf si vous avez fait du latin …).

- Le résumé relève du bricolage. Par exemple, on vous demande de ramener au 1Oe des textes qui n’ont jamais la même densité, et dont la densité interne n’est pas constante.

- L’une des angoisses des gentils candidats est de se rendre compte à la fin de la rédaction qu’ils s’y sont mal pris, ont conservé trop de choses, et donc ont fait trop long. Une astuce pour éviter cela : avant de rédiger, divisez la matière que vous avez conservée en trois blocs de « taille » égale. Commencez la rédaction, et une fois arrivés à la fin du premier bloc, vérifiez que vous n’avez pas consommé plus du tiers des mots auxquels vous avez droit ; idem à la fin du second bloc. Et quand c’est trop long ? Lorsque l’excès n’est pas trop important, on peut jouer sur les formulations (tenter de dire la même chose en utilisant moins de mots); si le problème est plus grave, et que donc on a conservé trop de choses, il faut « dégraisser » bien sûr, mais en veillant à ménager ou à reconstituer la cohérence du propos.  

 

Guy Barthèlemy



[1] Ce travail de repérage et de hiérarchisation n’est pas toujours possible : certains textes, mal élaborés, peuvent rendre cette opération très difficile.