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23/01/2017

QUELQUES CONSEILS ELEMENTAIRES POUR PREPARER UN ENTRETIEN

 

 G. Barthèlemy

CPGE scientifiques et littéraires du Lycée Champollion (Grenoble)

 

[Deux remarques inaugurales :

1) ce document a été élaboré au départ pour les étudiants de math spé, futurs élèves ingénieurs. Les étudiants venus d’autres horizons et qui doivent affronter un entretien – dit « de motivation » ou « de personnalité » par exemple – y trouveront des choses susceptibles de les intéresser ; je leur laisse le soin de faire le tri, d’adapter, de transposer et d’extrapoler.

2) Il s’agissait au départ de quelques remarques lapidaires ; les questions des étudiants et surtout l’expérience des « colles type entretien », commencée en 2011, expliquent à la fois l’ampleur et le relatif désordre de ce fichier, qui a été – et sera encore – nourri au coup par coup. Il bénéficie également de la contribution précieuse (qu’il s’agisse de sa participation aux colles ou des « topos » intégrés dans ces pages) de M. Maurice Botrel, Ingénieur des Arts et Métiers, qui nous fait profiter de son expérience professionnelle et de celle acquise dans les jurys d’écoles d’ingénieur.]

 

           

             

 

            QUELQUES CONSEILS ELEMENTAIRES POUR PREPARER UN ENTRETIEN

 

           

I - GÉNÉRALITÉS

Lire les 50 premières pages de L’Ile mystérieuse de Jules Verne, roman dans lequel le personnage de l’ingénieur tient une place essentielle, ce qui vous fournira éventuellement un point de départ (pour ainsi dire symbolique) pour une discussion sur ce métier.

Lire aussi quelques-unes des nouvelles du cycle des Robots d’Asimov. Asimov enseignait l’astrophysique dans une grande université américaine, et est par ailleurs l’auteur d’une œuvre considérable qui a marqué la SF. Une partie de cette œuvre est consacrée au thème des robots ; vous trouverez facilement ces cycles de nouvelles (le mot « robot » figure dans leur titre), dont la matrice commune consiste en les « trois lois de la robotique » :

 

     Première Loi : Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. Deuxième Loi : Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres entrent en contradiction avec la Première Loi. Troisième Loi : Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'entre pas en contradiction avec la Première ou la Deuxième Loi.

 

Asimov développe à partir de là, par la fiction,  une réflexion sur les frontières de l’humanité, les rapports entre l’homme et la machine, etc. Vous pouvez donc trouver là de quoi nourrir une discussion sur le rôle de l’invention technique, les bouleversements qu’elle est susceptible de provoquer, et d’autres thèmes auxquels on (un jury d’oral dans une grande école, veux-je dire) peut supposer qu’un futur ingénieur sera sensible.

 

S’entraîner avec ses proches, des camarades, au pire devant un micro.

Pour se présenter : ne pas remonter jusqu’à la terminale (évitez le ridicule attaché au fameux « déjà tout petit …. ») mais parler des raisons du choix des CPGE et en particulier du choix de la filière ; évoquez ensuite votre vision du métier, et pour finir dites ce que vous faites en dehors de vos études. Mettez au point un topos à géométrie variable (qui puisse, selon les cas, durer 2, 5 ou 7 minutes), composé de « modules » (de « briques », pour ceux à qui cela dit quelque chose …) que vous apprendrez « par cœur » et que vous pourrez oraliser si le jury vous demande de commencer l’entretien par une présentation de cet ordre.  Plutôt que de clore votre présentation par « Et voilà », « C’est tout », « J’ai fini », ou, pire encore, « Et maintenant, posez-moi des questions », montrez par le ton de votre dernière phrase … que c’est le dernière.

On ne dit pas « d’après moi » (c’est un peu présomptueux ») et on évite la rhétorique de la « passion » (on parlera plus modestement de « goût »).

Dans le cadre des colles, la totalité de votre prestation dure 20 mn ; un  véritable oral peut durer plus de 45 mn ; il faut donc vous attendre à un feu roulant de questions, vous dire qu’on attend de vous des interventions nourries, et rester concentré jusqu’au bout.

Se renseigner précisément sur les filières proposées par l’école et le contenu de la formation dispensée.

Se renseigner sur le métier d’ingénieur et citer les aspects qui vous intéressent.

Ne pas hésiter à mettre en valeur toute expérience d’encadrement (moniteur, organisation de voyages, etc.) ou qui vous a conduit à exercer des responsabilités.

Si vous êtes sportif, soulignez les implications « philosophiques » de votre pratique. Ex. : si vous pratiquez un sport athlétique (cyclisme, course à pied), parlez du sens de l’effort ; si c’est un sport collectif, des valeurs de collaboration. Si vous êtes cinéphile, citez votre genre de prédilection et expliquez pourquoi vous l’aimez (ex. : les films érotiques pour leur dimension didactique, Fellini pour la dimension onirique et plastique, Almodovar pour l’humour déjanté et vaguement surréaliste, etc.).  Si vous pratiquez le tricot, parlez des implications esthétiques de cette activité, des bienfaits des travaux manuels, etc., etc.

Ne pas employer des mots du type "management" sans être capable d’expliquer leur signification. Si vous vous présentez dans une école qui associe ingénierie et architecture / urbanisme, faites-vous une petite culture en la matière (il faut être capable de citer des architectes, des bâtiments, des projets, etc.).

Arrivez en forme ; vous devez donner une impression à la fois de dynamisme, de concentration, de calme, montrer que vous connaissez les codes sociaux (notamment : être courtois), que vous êtes désireux de jouer le jeu de la discussion, du débat. Ecoutez bien les questions qu’on vous pose, ne répondez pas à côté. Ne bottez jamais en touche (sauf si la question est intrusive, trop intime, etc.) : c’est le jury qui a le pouvoir, c’est lui qui décide de ce qu’il est judicieux ou pas de vous demander ; donc chacune de ses questions est légitime et appelle une réponse – et faites toujours preuve d’à propos : si on vous dit (« Vous habitez Trifouilly-les–Chaussettes ; pourquoi les habitants de cette métropole mondialisée sont-ils si désagréables ? » , ne répondez pas (« Be, moi j’les trouve sympas ! ». Quoi que vous en pensiez, dites : « Ah, c’est une question intéressante ; je formulerais volontiers une hypothèse : la conjonction d’un climat humide, de journées très brèves – la nuit tombe à 15H - , la présence dans les rues d’une population qui porte les stigmates du dernier accident nucléaire, ce qui se traduit souvent par un faciès, disons, peu engageant, tout cela donne une physionomie particulière à la ville, et celui qui ne fait que passer peut éprouver un certain malaise qu’il traduit spontanément – et imprudemment – en prêtant aux habitants un comportement peu amène. Mais moi qui y vis, je peux vous assurer qu’il n’en est rien, et que au contraire une grande douceur règne dans les relations quotidiennes comme dans celles qui prennent place dans un cadre plus formel.

  Si la discussion se tend, soyez ferme (vous n’êtes pas un paillasson), mais restez courtois, ne soyez jamais insolent ou arrogant (mais vous pouvez faire de l’humour, voire être légèrement ironique).

Tenue vestimentaire : pour les garçons : pantalon, chemise (rentrée dans le pantalon), pas de chaussures de sport. Faites dans le genre simple et classique.  Pour les filles : tenue équivalente ; maquillage léger, ni brassière ni mini-jupe ni short ; pas de décolleté vertigineux : un membre du jury pourrait jouer à le fixer, ce qui serait désagréable et vous déstabiliserait.  Et pour tous : ni chewing-gum, ni coiffure qui occulte le regard.

Lors de l’entretien, s’approcher de la table, poser les avant-bras dessus et se tenir très droit ; ne pas s’agiter (« jambe à ressort », et autres gestes compulsifs qui donnent l’impression d’un défaut de maîtrise), ne pas entretenir de gestes qui révèlent et entretiennent l’énervement (trituration d’un trombone ou d’un élastique, caresse du bras, mains passée dans les cheveux, etc.).  


Pensez que votre première obligation est de vous faire entendre : parlez à voix audible, et articulez correctement

 

II - EXEMPLES DE QUESTIONS SUR LES ETUDES OU LE METIER

Quels concours avez-vous présenté ?

Pourquoi êtes-vous entré dans une CPGE?

Pourquoi des études scientifiques ?

Quelles sont les qualités requises, selon vous, pour le métier d’ingénieur ?

Accepteriez-vous de travailler dans une entreprise dont les objectifs sont en contradiction avec vos convictions personnelles ?

Vous sentez-vous capable de diriger une équipe où se trouveraient des personnes nettement plus âgées que vous, ou davantage titrées ?

Les rapports avec l’autre sexe vous posent-ils un problème dans le cadre professionnel ?

Aimez-vous l’autorité ?

Etes-vous colérique ?

Vous engageriez-vous dans un syndicat ?

En cas de problème personnel (deuil, divorce), quel comportement adopteriez-vous au sein de l’entreprise ?

Que pensez-vous des suicides de cadres chez France-Telecom ?

 

III - QUESTIONS DIVERSES

 

Elles peuvent vous être posées à un moment de l’entretien, ou, dans certaines écoles, faire l’objet d’un exposé inaugural que vous préparerez en 20 mn.

 Type 1 :

A quel évènement historique auriez-vous aimé assister ?

Quel évènement dans l’actualité vous a le plus marqué ?

Quelle est la qualité à laquelle vous tenez le plus ? Le défaut qui vous heurte tout particulièrement ? Citez trois de vos qualités et trois de vos défauts[1].

Donnez-nous trois raisons de vous prendre dans notre école / de vous embaucher

Quel est l’échec le plus cuisant que vous ayez affronté ?

De quoi êtes-vous le plus fier ?

Qui admirez-vous?

Quel est le prix du baril de pétrole ?

 

 

Type 2 :

Croyez-vous au complexe d’Œdipe ?

Les patrons sont-ils des exploiteurs ?

Les pauvres méritent-ils de l’être ?

Obama est-il un personnage historique ?

Commentez la célèbre réplique des Tontons flingueurs : « Les cons, ça ose tout – c’est même à ça qu’on les reconnaît ».

La politique est-elle noble ?

Les objets nous asphyxient-ils ?

La religion est-elle encore l’ « opium du peuple » (K. Marx) ?

 

IV VOCATION DE CE TYPE D’ENTRETIEN – IMPLICATIONS

 

Qu’il se déroule à l’occasion d’une procédure d’admission par concours dans une Ecole ou d’un recrutement professionnel, ce type d’entretien vise à jauger non seulement votre potentiel mais aussi votre  personnalité. Un « chasseur de tête » pense, à tort ou à raison, savoir quel « profil » convient pour tel emploi, un jury a aussi une certaine vision de l’étudiant-ingénieur, et un chef d’entreprise ou ses collaborateurs veulent savoir s’ils ont envie de travailler avec vous. Ces gens-là  guettent donc vos réactions, ce qui signifie qu’ils vont parfois tenter de les provoquer. Ne soyez pas surpris si vos interlocuteurs tentent de vous déstabiliser en se montrant agressifs, désagréables, ou en vous posant des questions incongrues (c’est le jeu que je jouerai pendant ces séances d’entraînement), restez calmes et répondez. Ex. : l’année dernière, à un moment de l’entretien, j’ai dit à l’un de vos camarades : « Et si je vous dis que vous avez une sale gueule et que je vous trouve antipathique? » ; il m’a calmement répondu qu’il ne se flattait pas de plaire à tout le monde, qu’il s’efforçait de satisfaire aux règles de la civilité, de cultiver modestement mais sérieusement son humanité et qu’il ne lui appartenait pas de commenter une réaction subjective qui au demeurant lui semblait concevable bien qu’elle l’attristât quelque peu. Bref, il a dit exactement ce qu’il fallait dire.  

Efforcez-vous de trouver la « bonne distance » : vous devez donner une impression de « consistance » personnelle (ne vous comportez pas comme un(e) adolescent(e) prolongé(e)) mais pas d’arrogance, vous devez être ferme mais pas brutal, manifester de l’humour mais pas de la désinvolture, faire valoir vos mérites sans manquer à une certaine forme de modestie ou de retenue (on ne fait pas son propre éloge), évoquer des ambitions réalistes et ne pas vous comporter comme le mégalomaniaque de service. Ne confisquez pas la parole (« Eh ben, ce serait gai de partager un bureau avec ce type »), surmontez votre timidité (« Comment pourrais-je envoyer un type comme ça négocier un contrat ? »), ne vous laissez pas aller à la familiarité (« Encore un qui voudrait faire croire qu’on a gardé les cochons ensemble »). Bref, montrez que vous êtes un(e) adulte policé(e), vif / vive d’esprit, que l’on peut vous confier des responsabilités ou vous offrir un cursus intéressant, que vous ferez honneur à l’Ecole ou qu’il sera agréable autant que fructueux de travailler avec vous.

En route vers l’avenir !  

 

V – TEMOIGNAGES

 

Quentin Chevallier, MP, octobre  2013 [comprends 2 liens précieux]:

Bonjour Monsieur, 

 

Je ne vous ai pas encore annoncé mon admission à l'INSA de Lyon en Génie Civil et Urbanisme. 


Le 28 juin je passais un entretien de motivation devant un jury de trois personnes : un ingénieur en activité, une responsable de l'orientation au sein de l'INSA de Lyon, et une professeur d'Anglais. Cela dura 45 minutes... Ce n'est pas rien, et mieux vaut y être préparé !

 

Avec un peu de recul, je pense donc à vous transmettre un lien vers une série de vidéos sur le thème de la préparation aux entretiens de motivations pour les concours des grandes écoles. Ces vidéos m'ont été extrêmement précieuses et m'ont permis de bien mieux comprendre le "jeu des entretiens" et d'adopter la posture adéquate.

 

Les entretiens que j'ai passé ensuite, en juillet, pour les écoles des télécoms (ces écoles ne me branchaient pas vraiment... d'où certainement une confiance en moi supérieure) ont été de très bons moments de bataille avec les jurys, et j'en garde de bons souvenirs.

 

Enfin, comme j'imagine que vous vous attachez encore à faire passer des entretiens de motivations à vos élèves, je me permet de vous conseiller de leur fournir cette source pour leur permettre de se préparer au mieux : 

http://www.youtube.com/watch?v=UQxsCIWpLgE

 

 

Bilan des récoltes : j'ai eu l'Ecole que je voulais, j'ai donc bien fait de passer mon unique semaine de révision pour les oraux à regarder ces vidéos. J'ai aussi bien fait de profiter du beau temps parisien pendant les "vrais" oraux... et notamment de passer mon temps à faire des siestes au Parc de Sceaux entre deux oraux barbares de Centrale, à 6 heures d'intervalle et loin de tout. (je logeais à Abbesses) 
... Mais ceci est plus facile à dire avec du repos. 


En espérant que mon lien vous sera utile, 
je vous souhaite une bonne continuation, et bonne chance a vos nouveaux !

 

Bien cordialement, 

 

Quentin CHEVALIER 

(ex MP)

 

Ce message a été complété quelques jours plus tard par celui-ci  :

Bonjour Monsieur, 

 

Je pense que la simulation d'entretien l'année dernière [les colles type entretien] était une assez bonne chose, mais je ne m'y étais pas assez préparé et je n'avais pas réellement cerné les enjeux d'une telle rencontre, donc je n'en ai pas tiré le maximum de bénéfices.

 

Je pense qu'il faudrait demander aux élèves de centrer leur argumentation sur une école en particulier, pour fixer un cadre à la discussion. 

 

Il faut aussi à mon avis insister sur l'importance des deux premières minutes, celles où l'on se présente. A mon avis, cette phase ne doit pas durer plus de 2 ou 3 minutes car on se fait rapidement couper par le jury qui doit valider un certain nombre de points. Elle doit être efficace et contenir un grand nombre de "perches" pour le jury. Il ne faut surtout pas y raconter sa vie, mais seulement se présenter, dire ce qu'on fait là et faire des liens entre les points forts de l'école et notre expérience (toujours justifier). Enfin, il faut terminer cette phase par une coupure nette et inviter le jury à nous connaître d'avantage.

  

Par exemple, à l'entretien de l'INSA, au bout de 2 minutes j'avais déjà relié mes 13ans d'expatriation à Madagascar avec " l'ambition cosmopolite " de l'INSA, mais j'avais aussi cité trois associations dans lesquelles je désirais m'inscrire et souligné la proximité avec des laboratoires de recherche associés à l'INSA en lien avec mon "projet". 

C'est donc moi qui ait donné le ton à la discussion, ce qui m'a permis d'avoir un temps d'avance sur les questions du jury.

 

Bref, tout ceci est très bien expliqué dans les vidéos.

 

Si les étudiants prennent un peu de temps pour regarder les quelques vidéos que je vous ai envoyé et qu'ils se fixent une école en particulier (quitte à vous la communiquer à la séance précédente pour que vous puissiez jouer au mieux votre rôle), je pense qu'il seront déjà bien mieux préparés pour une simulation d'entretien et qu'ils en tireront de plus grands bénéfices.

 

 

Bon week-end, 

 

        Cordialement, 

 

Quentin Chevalier.

 

 

 

Paul Brossier, PSI, juillet 2014-07-16

Maintenant en vacances que j'estime méritées, je me permets de vous transmettre
quelques informations concernant les épreuves de l'EDHEC. Je viens d'y être
admis et j'en suis très heureux!

            J’ai obtenu 10,6 en synthèse (à l’écrit) et 15,5 en
entretien (à l’oral).

J’ai été confronté à  quelques questions étonnantes à l'oral, notamment sur les technologies
et le futur. C’est à dire qu'ils nous ont tous demandé quelles innovations
technologiques nous aimerions faire pour améliorer la vie des français. Ils
nous ont aussi demandé de commenter un fait relevant de l’actualité économique ou géopolitique ; j'ai choisi de présenter les mesures novatrices prise par la Banque
Centrale Européenne (il s’agit des taux qu’elle a choisis). Face aux questions de ce genre, il ne faut pas hésiter à aller chercher des faits qui ni sont pas du tout médiatisés.

 

 

 

VI - QUELQUES AJOUTS EN VRAC (fruits de l’expérience)

 

Le jury partira de votre présentation, qui lui inspirera diverses questions, et il faut que vous teniez compte de ce fait quand vous élaborez cette présentation : il faut qu’elle donne prise à des questions, que vous puissiez la prolonger par des précisions, des commentaires,  et que vous vous y prépariez : chaque « module » (ou « brique ») doit se prêter à un développement pendant l’entretien. Ces questions seront donc des questions dites « ouvertes », c’est-à-dire auxquelles on ne peut ni ne doit répondre par oui ou par non, ou par une phrase lapidaire : il faut développer, sans pratiquer l’exhibitionnisme ni confisquer la parole, mais en montrant que vous vous prêtez volontiers au jeu de la discussion, et en manifestant une forme de disponibilité intellectuelle et psychologique. C’est aussi l’occasion de montrer que vous savez adopter une juste mesure : être attentif aux objections ou aux critiques de vos interlocuteurs, infléchir vos positions, et en même temps défendre vos convictions, faire valoir votre point de vue.

            Il faut aussi avoir des biscuits : si vous dites que vous voulez travailler dans l’aéronautique pour améliorer le matériel, attendez-vous à ce que l’on vous interroge sur le sujet, que l’on vous demande ce que vous pensez d’un projet d’adoption d’hélices en carton pour améliorer la flottaison, du remplacement du kérosène par une équipe de condamnées à perpétuité qui pédaleront sur des machines sophistiquées inspirées du principe de l’éolienne, etc. Pour avoir une idée de l’évolution des techniques et de l’industrie, il est vivement conseillé de fréquenter deux publications : le mensuel Industrie et technologie, qui vous permettra de savoir quels sont les derniers acquis de la recherche adaptés dans l’industrie, généralement à travers des start up et des PME (Grenoble est à la pointe en la matière), et l’hebdomadaire L’Usine nouvelle, dont le domaine de prédilection est plutôt  celui de la sidérurgie et de l’automobile, et qui évoque aussi des questions organisationnelles[2].

            Il faut que vous ayez au moins une idée de ce que sont les tâches de l’ingénieur. Voici par exemple ci-dessous un « sommaire » du cycle de vie d’un produit et des modalistés d’intervention de l’ingénieur dans ce cycle[3]

 

Cycle de vie d'un produit ou service

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conception : Concevoir une solution à un problème de société

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cotoiement des physiciens

 

Conception (bureau d'Etude) ; dont l'éco-conception

et de la Recherche amont

 

 

Calculs, simulation

 

 

 

 

 

 

Prototypage

 

 

 

 

 

 

 

Essais

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Industrialisation : rendre le produit fabricable dans de bonnes conditions de qualité, prix, adaptable aux besoins

 

particuliers

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Choix des technologies de fabrication des pièces

 

 

 

 

 

Conception des moyens d'assemblage et de réglage (Machines, postes de travail, usine)

 

 

Mise en place de la chaine logistique (Achats,  d'approvisionnement, gestion de stock)

 

 

Qualification du produit industrialisable

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Exploitation : Mettre effectivement le produit sur le marché

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Production (dont la notion de flexibilité = lean manufacturing)

 

 

 

 

Maintenance des moyens de production (disponibilité, efficacité)

 

 

 

 

Mise sur le marché (logistique de diffusion)

 

 

 

 

 

Service avant-vente (aide du client au choix et à l'installation) et après-vente

 

 

 

Gestion de la fin de vie du produit (récupération, recyclage)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fonctions transverses, confiées aux ingénieurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conduite de projet (pour conception + industrialisation)

 

 

 

 

 

Qualité (en conception, en production, en clientèle)

 

 

 

 

 

Stratégie industrielle (souvent internationale)

 

 

 

 

 

Méthodes de management (gestion du changement, animation des équipes, évolution des personnes)

 

            Vous devez aussi être capable de répondre à des questions sur les grands modèles d’organisation du travail en usine (fordisme, taylorisme, toyotisme …) et d’entrer dans une discussion sommaire sur la question (vitale) du redressement industriel de notre beau pays, de ses modalités et de ses moyens, de la possibilité de combiner cette réindustrialisation avec les préoccupations écologiques émergentes.

 

            QU’EST-CE QUE LE CAPITALISME INDUSTRIEL ?

C’est d’abord un phénomène indissociable de la première Révolution industrielle, celle qui commence en Angleterre fin 18e, qui repose sur la machine à vapeur, l’industrie minière, la sidérurgie, le textile,  et qui est caractérisée par le changement d’échelle de la production (notamment par le passage du modèle de l’atelier artisanal à celui de la « fabrique » ou de l’usine). Sur le plan social et politique, ce nouveau modèle se traduit par l’émergence d’un nouveau type, l’ouvrier d’usine (le « prolétaire » diront les socialistes), la concentration dans des usines (ou des mines) d’un nombre considérable d’ouvriers, ce qui sera propice à l’émergence de formes nouvelles d’organisation comme les syndicats. Ceux-ci se donnent pour mission de lutter contre l’exploitation féroce qu’organise ce nouveau capitalisme, avec notamment les grèves. De nombreuses enquêtes sur la misère ouvrière tout au long du 19e décrivent des situations terribles (voir notamment celle, célèbre, d’Engels à Leeds).

On parle de « capitalisme industriel » parce que pour fonder ces usines, il faut beaucoup d’argent. Celui-ci est collecté grâce à la création de sociétés par actions : on met sur le marché de la bourse (autre élément essentiel de ce mécanisme) des « actions », c’est-à-dire des parts de la société que l’on crée et dont chaque actionnaire est ainsi « co-propriétaire ». L’actionnaire touche des dividendes, c’est-à-dire une part (proportionnelle au nombre d’actions qu’il a achetées) des bénéfices. Pour dégager des bénéfices, il faut vendre à tel prix (en fonction de la « rareté » du produit,  de la concurrence), et … limiter les salaires. Marx élabore à ce propos la théorie de la plus-value (plus guère en honneur  aujourd’hui) : l’entrepreneur ne rémunère pas la force de travail de l’ouvrier à la hauteur de la richesse qu’elle crée, mais se contente de lui verser un salaire qui lui permet de reconstituer sa force de travail (dont l’entrepreneur par définition a besoin). La différence entre la richesse créée par l’ouvrier, ou plus précisément le profit qu’en tire l’entrepreneur, et le salaire, s’appelle la « plus-value » ; ce mécanisme s’appelle (toujours chez Marx) l’ « exploitation ». L’ouvrier ne peut s’y soustraire parce qu’il n’a que sa force de travail à vendre – à moins qu’il ne s’engage dans la lutte sociale, et, surtout, bien sûr (nous sommes toujours chez Marx) dans la seule véritable lutte qu’il vaille, celle pour la révolution. La révolution socialiste marxienne vise à l’instauration d’une société égalitaire grâce à la propriété collective des outils de production, et à l’abolition du salariat au profit d’un modèle coopératif d’autogestion. Dans cette société égalitaire, comme personne ne cherchera plus à produire du profit et à s’enrichir, il suffira de travailler quelques heures par jour pour que chacun dispose de ce dont il a besoin. Le reste du temps, chacun se consacrera à ce qui lui permettra d’épanouir son humanité : on sera donc cordonnier le matin, poète l’après-midi. L’expérience sinistre du totalitarisme soviétique est-elle au bout de ce modèle ou en constitue-t-elle un monstrueux dévoiement ? Le débat n’est pas clos…

Un roman, célèbre à juste titre, évoque la condition ouvrière, plus précisément celle des mineurs, sous le Second Empire (1852-1870) : c’est Germinal de Zola. L’intrigue est bien connue, mais il faut insister sur deux points :

+ le mécanisme de l’actionnariat est décrit comme une forme majeure de déshumanisation : les ouvriers savent que la mine appartient à « des gens » qui vivent au loin (à Paris), qui n’ont sans doute aucune idée de la misère dans laquelle eux sont plongés, et qui de toute façon s’en soucient comme d’une guigne. Marx a beaucoup insisté sur cette effroyable déshumanisation anonyme créée par l’obsession unique du profit. Le personnage du directeur de la mine dans le roman, bon bougre paternaliste, certes un peu aveugle sur la condition de ceux qu’ils dirigent, et qui explique aux mineurs qu’il n’a guère de prise sur le cours des choses, car il est lui aussi un salarié, est à cet égard très significatif.

+ Avec le sens de l’image qui le caractérise, Zola (qui pourtant n’a rien d’un révolutionnaire !) donne dans le dernier paragraphe du chapitre 1 de son roman une représentation allégorique de la brutalité de ce capitalisme industriel lorsqu’il évoque le puits de mine du Voreux :

     Aucune aube ne blanchissait dans le ciel mort, les hauts-fourneaux seuls flambaient, ainsi que les fours à coke, ensanglantant les ténèbres, sans en éclairer l’inconnu. Et le Voreux, au fond de son trou, avec son tassement de bête méchante, s’écrasait davantage,  respirait d’une haleine grosse et plus longue, l’air gêné par sa digestion de chair humaine.

 

Pour finir, rappelons que ce monde du capitalisme industriel du 19e est un âge d’or de l’ingénieur, qui vient incarner le pouvoir quasi démiurgique que l’homme tire de la connaissance scientifique et de sa conversion en technique.

 

 

            Il faut vous attendre à une question sur vos goûts artistiques et vos pratiques culturelles.  Vous devez donc être en mesure ce citer un tableau qui vous a plu, un livre ou un film qui vous ont marqué, de dire pourquoi vous aimez telle musique. Mieux vaut ne pas improviser, se noyer dans quelques borborygmes inaudibles et déshonorants, regarder ses pieds d’un air gêné pour finalement murmurer « Ben, c’est un roman sympa », ou « les couleurs sont flashy ». Donc vous devez préparer une petite fiche qui vous permet de dire en 3à secondes ou en 3 minutes des choses substantielles sur l’œuvre que vous aurez choisie. La remarque vaut aussi par exemple pour vos voyages ou vos séjours à l’étranger : ils vont forcément susciter des questions, et ce que le jury attend c’est que vous soyez capables d’élaborer un point de vue synthétique et de fournir un point d’accroche pour une discussion. Ex. : si vous avez vécu aux USA, lorsque le jury vous demande ce qui vous y a frappé, ne dites pas : « Eulah, la taille des bagnoles là-bas !! ». Dites : «Pour un Français, tout est gigantesque : les distances, les paysages, et même les voitures ! C’est un pays qui a par ailleurs d’énormes  moyens, et dans lequel on rencontre certes des gens très prospères, mais aussi beaucoup de pauvres ». Le jury vous demandera alors ce que cet état de fait vous inspire …. Et surtout, n’inaugurez pas votre propos par une naïveté du genre : « C’est très différent d’ici » ou bien « Ils [sic] ont une mentalité très différente de la nôtre ».

            Deux remarques à propos de la question des goûts artistiques et des pratiques culturelles :

                        - ne dites pas : « Je suis très ouvert, j’aime toutes les musiques ». Le jury comprend bien que le candidat profite de la question pour formuler une pétition de principe et afficher sa tolérance. Le problème est d’une part que cette  tolérance-là relève du conformisme et de l’automatisme mental, d’autre part que la notion de goût implique des choix et des exclusions (sans impliquer nécessairement le mépris, la disqualification, etc. – on n’est pas obligé de proférer des insanités du genre : « J’aime pas le djembé, c’est un truc de Nègre »). Celui qui ne choisit pas, par définition, n’a donc pas de goût, et va donner l’impression d’une sorte d’inconsistance. Or – notez bien cette remarque, qui est essentielle – peut-être que la manière la plus simple de décrire le profil que rechercher les jurys serait de parler précisément de « consistance » : on recherche des individus « consistants », qui aient de la personnalité, pas le genre lisse couleur de muraille…

                        - Dans le même ordre d’idées, évitez une autre pétition de principe en forme de slogan, celle qui consiste à dire « J’aime découvrir d’autres cultures ».  Un slogan est une formule frappante, un énoncé figé qui semble refléter une sorte d’évidence indiscutable (ou prescrire un comportement lui aussi caractérisé par son évidence). Mais surtout, le slogan est là pour anesthésier les capacités critiques de celui qui l’absorbe et le répète. Le candidat qui dit « J’aime découvrir d’autres cultures » répète un peu mécaniquement une formule qui reflète l’air du temps : il faut « être ouvert », « aller vers les autres ». En quoi cela  consiste-t-il ? C’est une question que souvent le candidat ne s’est pas posée. Plutôt que d’en rester à ce slogan que le jury aura entendu tout au long de la journée, mieux vaut être concret. Vous pouvez dire par exemple : « Ce qui me plaît dans les voyages, c’est de regarder comment les gens se comportent : comment ils  s’abordent pour se saluer, quelles sont leurs manières de table, s’ils se laissent facilement aller à l’agressivité. Et puis il est agréable de déambuler dans une ville dont l’architecture est celle d’une autre civilisation, et bien sûr de découvrir des paysages sans rapport avec ceux que l’on connaît. Quand on a un peu plus de temps, on peut aussi s’intéresser à la religion, aux systèmes de valeur, et aussi bien sûr à la politique ».

                        - Le mot culture est aujourd’hui mis à toutes les sauces : culture d’entreprise, culture du bricolage, industrie culturelle ; il existe, plus largement, par ailleurs un flou qui conduit à confondre culture, art, connaissances, maîtrise d’un domaine spécifique, état -d’esprit, et loisir.

+ La culture englobe l’art et un certain nombre de productions de l’esprit : un homme cultivé accumule de manière désintéressée des connaissances qui lui permettent de penser le monde et la place que lui-même y occupe (philosophie, Histoire, géopolitique, sciences). On n’est « cultivé » que si l’on est capable de mettre en perspective tout cela de manière un peu cohérente. Ex. : un homme cultivé, même croyant, dispose de connaissances élémentaires et d’un esprit critique qui le conduisent à accueillir par un fou-rire les délires des créationnistes.

+ Quand on parle de « culture d’entreprise », on désigne un état-d’esprit, un ensemble de pratiques, de manière de faire et de  valeurs  que l’individu doit intégrer / intérioriser. Le sens est dérivé de l’acception anthropologique du terme (la culture aborigène, la culture occidentale, etc.).

+ La « culture du bricolage » renvoie à un ensemble de connaissances, à une maîtrise du domaine, à un état-d’esprit (le « do it yourself », éventuellement avec des bouts de ficelle) et à un goût.

+ Un loisir est une activité que l’individu pratique gratuitement, par plaisir, et aujourd’hui chacun pense son existence à partir d’une antithèse travail / loisir. Il existe des loisirs « cultivés » (aller au musée) d’autres qui ne le sont pas (jouer à la belote), mais tous les loisirs sont significatifs d’une culture au sens anthropologique du terme (les aborigènes ne jouent pas à la belote).

 

 

            S’il s’agit d’un entretien d’embauche, pensez que si le recruteur se trouve face à des candidats qui ont en gros un CV équivalent, ce qui fera la différence sera une impression d’ordre subjectif,  et que l’important sera alors d’ « inspirer confiance », de refléter une forme de détermination, de solidité, de sang-froid, de sens du dialogue et de l’autorité, et qu’il faudra que l’interlocuteur susmentionné imagine qu’il peut être envisageable voire agréable de vous côtoyer dans une relation professionnelle quotidienne.     

 

RHETORIQUE

Certaines maladresses, dans votre présentation inaugurale ou dans la suite de l’entretien vous desservent. Deux exemples :

- un candidat évoque sa pratique du sport, en l’occurrence la course à pied sur des distances moyennes, et pour montrer qu’elle illustre la détermination qui le caractérise, il dit : « j’essaie toujours d’aller plus loin, plus vite, plus longtemps ». Cet énoncé a le tort de ressembler à un slogan publicitaire ; or 1) il est malvenu de faire sa propre promotion (« le moi est haïssable », si vous voyez ce que je veux dire), 2) aucune créature raisonnable ne peut adhérer pleinement à un slogan publicitaire, qui est par vocation excessif, simplificateur, etc. Donc il faut dire : « j’essaie régulièrement d’améliorer mes performances : je travaille l’endurance, en allongeant les distances, et j’essaie d’adopter des cadences plus élevées ».

- Un autre candidat, qui souhaiterait devenir pilote de chasse, répète plusieurs fois, pendant l’entretien, qu’il entend « obéir » aux ordres qui lui seront donnés. La notion d’obéissance renvoie à une forme de passivité, au renoncement à l’autonomie et à celui de l’exercice de la responsabilité morale. Il faut présenter les choses autrement, et rappeler qu’une armée repose, fondamentalement, sur la discipline et sur le respect de l’autorité. La différence entre les deux présentations est considérable : qui dit « autorité » dit « légitimité », et donc renvoie à un fondement « raisonnable » (même s’il est discutable) de la soumission à l’autorité. Si un pilote de chasse reçoit l’ordre de bombarder une colonne de 150 enfants âgés de 6 à 10 ans, désarmés, qui ne servent pas de bouclier humain, etc., etc., il peut considérer que l’autorité qui lui donne un tel ordre, contraire à tous les codes militaires, se délégitime, et que donc il n’est plus tenu de la respecter. Je choisis à dessein un exemple caricatural ; si des enfants sont utilisés comme boucliers humains dans le cadre d’une opération militaire d’envergure, montée par un ennemi, il en va différemment et, à titre personnel, je me réjouis de n’être ni celui qui donne l’ordre, ni celui qui l’exécute, ce qui ne signifie pas que je suis sûr qu’il ne faut ni donner l’ordre ni l’exécuter.  

           

 LOGIQUE

Le moins que l’on puisse attendre d’un étudiant en CPGE scientifiques, c’est qu’il est totalement intériorisé l’importance de développer une démarche obéissant à la logique et à la rigueur. Contre-exemple : un étudiant à qui l’on demandait d’expliquer, à travers l’exemple de la génétique, la différence entre science fondamentale et science appliquée, a parlé d’abord de la science appliquée, ce qui contrevenait à la logique la plus élémentaire : il faut d’abord une science fondamentale, dont les acquis sont ensuite exploités par la science appliquée.

Si vous avez à un moment où un autre mentionné votre goût pour la logique, peut-être le jury jouera-t-il à vous piéger avec un syllogisme célèbre.

Un syllogisme est un raisonnement formalisé, relevant de ce qu’on nomme la « logique formelle », qui articule une « majeure », une « mineure » et une ccl.

Majeure : tous les hommes sont mortels ; mineure : Socrate est un homme ; ccl : Socrate est mortel.

Voici maintenant notre piège :

Tout ce qui est rare est cher - un cheval bon marché est rare – un cheval bon marché est cher.

On aura reconnu dans la majeure l’équation de la loi du marché (loi de l’offre et de la demande et principe de rareté). La mineure évoque la traduction en un cas particulier de cette loi : il existe un rapport entre offre et demande qui est favorable aux vendeurs de chevaux, lesquels (les chevaux, pas les vendeurs) se négocient à bon prix. Telle est la régularité statistique. Donc, un cheval bon marché est rare, son existence est accidentelle : le vendeur est un déficient mental, il a conclu le marché en état d’ivresse, il voulait se concilier les bonnes grâces de l’acheteur pour obtenir qqch en échange, le cheval était un héritage dont il ne savait que faire, etc. La logique formelle, par définition, ne prend pas en compte ce qui est de l’ordre de l’accidentel : Socrate mourra, pcq on ne connaît pas d’ « accident » qui  nous dispense de mourir.

 Notre syllogisme a par ailleurs une tonalité humoristique qui se confond opportunément avec une question de logique : « un cheval rare est cher », c’est évidemment un énoncé absurde (techniquement parlant : « auto-contradictoire »), et cette composante absurde prise dans le carcan de la logique formelle, laquelle  est  a priori dotée d’une grande force intellectuelle, fait rire. Mais il faut souligner que l’invalidation de cette logique formelle tient au fait qu’elle entre en conflit avec une autre logique, tout aussi vigoureuse, celle de l’être et des qualités qui le définissent (logique de l’identité)  : A ne peut être en même temps « non-A » !

Apprenez ce truc par cœur, et arrangez-vous pour le recaser. [C’est une plaisanterie]

Logique formelle : accord majeure / mineure, mais décrochement ds déduction pcq présence d’une autre contrainte logique : A ne peut être le contraire de A ! La relation majeure / mineure = formule de la loi du marché ; mais la mineure en elle-même ne renvoie pas une rareté essentielle (celle du cheval) mais à la rareté dans cette catégorie d’un cheval affecté d’une certaine qualité (un prix modique) ; et comme cette qualité est un prix bas (le contraire d’un prix élevé), le syllogisme est d’emblée invalidé : sa mineure ne peut jouer le rôle de mineure puisqu’elle est contradictoire avec la majeure : elle se préoccupe d’un cas qui fondamentalement est exclu du cadre que dessine le syllogisme. En outre, si le cheval bon marché est rare, c’est précisément du fait de la loi de l’offre et de la demande que met en forme le syllogisme, et à laquelle il constitue une exception, laquelle est nécessairement rare. Le cheval bon marché, s’il est rare, constitue donc en lui-même une aberration logique (s’il est rare, c’est que la demande est forte, et que chacun parvient à vendre son cheval un bon prix, sauf accident, càd ce que la logique formelle ne peut prendre en compte) que, en tant que telle, la logique formelle du syllogisme ne peut prendre en compte !

 

 

 

TECHNIQUE

Un futur ingénieur doit montrer qu’il a l’habitude d’observer et d’appréhender les objets d’un point de vue technique ou  technologique  ; un contre-exemple, ici encore, va éclairer votre lanterne : un candidat à qui l’on demandait de mentionner les trois composantes d’une roue (avant) de vélo, en excluant le pneu et la chambre à air, a répondu : « un axe, et puis, ben, la roue quoi ! ». La bonne réponse est : un moyeu  (axe + roulements + système de fixation), des rayons, une jante. Et bien évidemment, il faut être en mesure de commenter cet ensemble et son principe de fonctionnement.        

 

            Ce qui est essentiel, c’est que vos réponses aux questions que vous pose le jury, vos commentaires, montrent que vous êtes capables de vous constituer (et d’exposer) un point de vue. Par exemple : certains d’entre vous ont vécu une année à l’étranger ; le jury va probablement vous interroger à ce sujet, en vous adressant une question très ouverte, du style : « vous avez vécu un an en Papouasie, chez les Baruyas ; que pensez-vous de cette société ? ». Votre réponse devra montrer d’abord que vous vous êtes vous-même posé la question, que vous êtes donc capable d’une forme de recul et de mise en perspective. Il faudra donc en quelques phrases présenter une vision un peu organisée, cohérente, et aussi parlante, de cette société, au lieu d’accumuler des remarques désordonnées, dans lesquelles l’essentiel et le futile se mêleraient fâcheusement.

            Un individu qui est capable de présenter un point de vue est quelqu’un qui donne l’impression d’adopter une posture de maîtrise, ce qui, pour un futur cadre (un ingénieur) est la moindre des choses.

 

            Vous devez vous préoccuper en permanence pendant ces entretiens d’adopter le ton juste, c’est-à-dire faire preuve de tact. Le terme renvoie étymologiquement au toucher : la sensibilité du toucher permet d’apprécier la nature et la qualité de l’objet ; par ailleurs, on ne touche pas de la même manière la main d’un inconnu pour le saluer, celle d’une personne avec laquelle on entretient des liens intimes, un fruit dont on veut mesurer le degré de maturité (il  est très mal élevé de prétendre effectuer la même opération avec une personne très chère), une haltère que l’on doit soulever, un mécanisme que l’on visse, etc. Est-il besoin d’en dire plus ? On ne se comporte pas de la même manière selon les circonstances, selon sa propre identité et celle de son interlocuteur. Exemple : les gentils étudiants de HEC s’entraînent eux aussi à des « entretiens », mais on les invite à faire (un peu, beaucoup) leur propre éloge, à se mettre en valeur sans beaucoup de nuances ; c’est ainsi qu’à l’occasion de ma seule (sans commentaire) expérience en la matière, j’ai entendu un jeune homme parler de son goût pour la pêche à la mouche, et je vous assure que cela ressemblait d’assez près à une expédition commando (pour sauver le monde) en Haute-Amazonie. Moralité : ce jeune homme était absolument ridicule. (P.S. : l’anecdote est authentique). Vous devez mettre en valeur ce qui mérite de l’être, mais souvenez-vous qu’on ne fait jamais son propre éloge. On ne dit pas « Je suis un grand sportif », même si l’on a gagné 25 semi-marathons ; on dit : « je pratique la course à pied, j’aime bien les longues distances, ma morphologie me prédisposait à ce type d’effort. Je cours très régulièrement, j’ai fait à une certaine époque de la compétition, et j’ai eu la chance de me constituer un palmarès honorable ». Le jury vous demandera de préciser, et d’un air modeste vous expliquerez que vous avez remporté toutes les courses auxquelles vous avez participé pendant deux saisons de suite, mais que, hélas, la prépa, etc., etc. Le jury admirera vos performances et appréciera votre retenue  post-pascalienne (le moi est haïssable : bis).

 

            - Une question à laquelle vous devez vous préparer : « De quelle invention aimeriez-vous être l’auteur ? ». Il n’est pas aberrant de considérer qu’un étudiant qui veut devenir ingénieur, poussé par son goût pour la science et la technique, a pu entretenir une rêverie sur ce genre de question (c’est un peu comme un khâgneux à qui on demanderait quelle œuvre littéraire il aurait aimé écrire). Je vous renvoie une fois encore à Jules verne et au personnage du Capitaine Nemo, archétype de l’ingénieur plus que du savant[4], et à son récit, à la fin de L’Ile mystérieuse, de l’invention du Nautilus. Ne donnez pas de réponse naïve et mégalomaniaque, genre « l’eau chaude », « le moteur à explosion » ; choisissez quelque chose de plus « petit », et surtout expliquez ce choix. Deux exemples de réponse, fournis par des candidats :

                        - le premier pratique la musique, et a mentionné le lecteur MP 3, parce qu’il permet d’écouter de la musique en toutes circonstances, et que, à défaut d’offrir un rendu parfaitement satisfaisant, il permet une écoute (pardon pour la répétition) extrêmement précise.

                        - Le second a mentionné non pas une invention mais une œuvre qui relève de l’ingénierie et de l’architecture : la Tour Eiffel, pour son caractère novateur sur le plan à la fois technique et esthétique, la manière dont, avec l’événement auquel elle était associée (l’Expo universelle de Paris de 1889, qui célébrait aussi le centenaire de la Révolution), elle a marqué l’époque et marque aujourd’hui encore le paysage parisien.

            Mais en fait, le plus judicieux, me semble-t-il, est de mentionner un perfectionnement que vous pouvez décrire assez précisément d’un point de vue technique et dont vous pouvez facilement montrer l’intérêt qu’il présente ; par exemple : ne dites pas que vous auriez aimé inventer la roue, parlez plutôt de la chambre à air et du pneu.  Dites à la rigueur l’ordinateur (une « machine » absolument inédite par sa « polyvalence » + un objet qui a métamorphosé certains aspects de notre existence + un instrument scientifique sans égal, etc.) mais dites surtout la souris, en soulignant le rôle dans cette invention de l’imagination (avoir l’idée d’un satellite qui permettrait d’intervenir directement sur l’écran grâce à un geste « naturel », en s’émancipant du clavier) et l’exceptionnelle réussite ergonomique de cet objet, parachevée par la version sans fil.

            Préparez-vous aussi à une question voisine : « Expliquez-nous le fonctionnement [ou : le mécanisme qui assure le fonctionnement] de l’objet de votre choix ». Pensez alors que votre explication devra convaincre aussi bien l’ingénieur (ou l’enseignement d’une matière scientifique) que le représentant des disciplines littéraires (c'est-à-dire quelqu’un qui ne sera pas en mesure de suivre des explications exagérément techniques) qui siègent côte à côte dans le jury. Le but est, là encore, de mesurer votre capacité à « expliquer », l’aisance avec laquelle vous improvisez un exposé clair, cohérent, qui va à l’essentiel. Exemple de ce qu’il ne faut pas faire : un candidat qui exposait le fonctionnement du stylo à bille (ce qui constituait un choix très judicieux, qui lui permettait de montrer que sa curiosité pour les questions technologiques était toujours en éveil et s’appliquait aux objets les plus courants) s’est laissé aller à un moment de son explication à parler de « truc » au lieu d’employer un terme plus … précis pour décrire tel élément du mécanisme ! Evidemment, on attend au contraire d’un futur ingénieur qu’il sache nommer en termes propres chaque élément du mécanisme. Si la salle d’oral dispose d’un tableau, pensez qu’un dessin (s’il est réussi …) produira un excellent effet.  

 

            - Peut-on arriver à un entretien avec des notes ? L’idéal est de parler sans notes, mais sans donner l’impression qu’on récite un topos. Si vous manquez d’aisance, venez avec un aide-mémoire, c’est-à-dire une feuille sur laquelle figurera une série de mentions très brèves, présentées à l’aide de tirets, qui vous « rappelleront » les grandes étapes de votre exposé liminaire. Bien sûr, si le texte réglementaire qui définit l’épreuve dit « pas de notes », vous venez les mains vides ….

 

            - Ceux qui ne lisent pas, qui ne vont pas au cinéma, etc., et à qui le jury serait tenté par conséquent de reprocher de manquer de curiosité ou d’ouverture d’esprit, peuvent recourir à un subterfuge ; il s’agit de dire qu’ils s’intéressent à l’actualité ou aux « problèmes de société » - mais il faut alors qu’ils se constituent un petit bagage qui attestera cet intérêt. Pour ce faire, entre l’écrit et l’oral, lisez un peu Le Monde, Philosophie Magazine, et écoutez (podcastez, plutôt) sur France-Culture Du Grain à moudre (émission quotidienne) et Le Rendez-vous des politiques (émission hebdomadaire), par exemple. Ajoutons à cette liste une remarquable émission quotidienne de géopolitique (de 6H45 à 7H), Les Enjeux internationaux, qui présente pour vous l’immense intérêt de durer 15 mn, qui est consacrée chaque jour à un sujet différent (« les nouveaux équilibres stratégiques dans le pacifique », « la crise malienne », « la normalisation politique en Colombie », « l’économie de la drogue en Afghanistan », « les choix économiques de l’Inde », etc.), avec des archives gigantesques , pour l’écoute en ligne, sur le site de F.C. (mais les podcasts eux ne restent pas très longtemps accessibles). 

 

            - Lorsque l’on commet une faute de langue, ou que l’on se perd dans la syntaxe d’une phrase, et que l’on s’en aperçoit, il faut se corriger : l’honnêteté est toujours appréciée, et plus encore la capacité à exercer à l’égard de ses propos et ses actes une vigilance constante : c’est la moindre des choses que l’on puisse attendre de la part de futurs cadres, qui par définition seront amenés à remplir des fonctions d’autorité et d’encadrement, ce qui implique, précisément, l’aptitude à ce type de maîtrise. 

 

VII AUTRES AJOUTS, INSPIRES PAR L’EXPERIENCE DES CANDIDATS (oraux de juin 2012 à juin 2015)

 

(questions posées par le jury, remarques faites aux candidats, et questions dont les étudiants disent qu’elles pourraient les mettre en difficulté)

 

- « A quel propos aimeriez-vous pousser un coup de gueule [sic] ? » ; reformulation : citez un fait ou une situation qui provoque votre indignation.

But de la question : voir quel est le spectre vos préoccupations (politiques, éthiques, philosophiques, etc.) et surtout comment vous présentez puis analysez (votre réponse peut donner lieu à un dialogue) le fait / la situation que vous avez choisi de traiter. Ex. : l’individualisme qui conduit à ne pas se préoccuper des nuisances sonores que l’on inflige à son besoin, les gens qui prennent leur voiture pour parcourir 800 m, l’absence d’intervention de la communauté internationale en Syrie, la famine en Afrique sub-saharienne, l’immunité du président de la République en France, l’opacité du nucléaire en France, les « parachutes dorés » des grands patrons, l’inégalité en matière de santé, la reproduction sociale (les enfants de polytechniciens deviennent polytechniciens), la raréfaction des porte-jarretelles, le sort des poissons rouges, etc., etc.  

            - « Quand vous jouiez au rugby, vous n’étiez pas capitaine ; cela signifie que vous n’avez pas l’étoffe d’un leader » ; implicite : un ingénieur doit être un  leader (puisqu’il est cadre, dirige éventuellement une équipe, et doit exercer des fonctions d’autorité ; donc vous n’êtes pas un bon candidat ; donc vous êtes dans une situation délicate …. ». Réponse : 1) le rugby, ce n’est pas la vie professionnelle [réponse pleine de mauvaise foi : si vous aviez été capitaine, vous auriez expliqué que cela montrait bien que, etc., etc. ; cela s’appelle de la rhétorique, du sang-froid, et la capacité à se vendre …] ; 2) vous étiez le meilleur ailier, personne ne pouvait vous remplacer, tandis que 3 autres personnes pouvaient être capitaine ; 3) votre « capacité de leader », vous l’avez manifestée en exerçant les fonctions de délégué, en organisant une collecte de fonds pour un village africain, une fête dans votre immeuble, etc.

            - Le candidat arrive à l’heure, et le jury déclare froidement : « vous êtes en retard ». Ne pas répondre : « Bande d’arsouilles, ça fait une heure que je poireaute ds le couloir et que je vous entends ricaner, et vous avez le culot de me dire que c’est moi qui suis en retard ? » ; ne pas insister sur le fait que  vous êtes à l’heure ; dire qu’il vous semblait être à l’heure et que vous êtes désolé parce que vous êtes très attaché à la ponctualité, qui vous semble essentielle aussi bien dans la vie sociale (c’est une marque de respect que vous devez, vous semble-t-il, à vos semblables) que dans la vie professionnelle (où elle est, en plus, une garantie d’efficacité). 

            - Oral de St-Cyr : + il va bien entendu être question de la chose militaire ; attendez-vous à des questions portant sur l’éthique du soldat et, surtout, de l’officier. Peut-on vous demander si vous iriez jusqu’à torturer pour obtenir des renseignements qui permettraient de sauver 200 personnes ? Je ne crois pas, ce serait très brutal, mais au cas où :

1) la torture est incompatible avec l’un des fondements de la démocratie : le respect absolu de l’intégrité physique, morale et psychologique de l’individu ; or, pour être en mesure de torturer il faut être prêt à détruire cette intégrité, considérer sa victime comme une créature inférieure et méprisable (sinon, on s’identifie à elle et on ne peut la torturer ; 2) elle constitue une transgression majeure du droit de la guerre, et comme la négation de ce droit ; or, la guerre, qui est en soi une chose terrible, le devient 100 fois plus si elle n’est pas « encadrée » par un droit ; 3) les spécialistes disent qu’elle est inutile et qu’il « suffit » de faire du renseignement ; 4) l’exemple de la Guerre d’Algérie : des officiers français qui avaient été résistants, qui s’étaient battus contre la barbarie nazie, dont la torture était l’une des incarnations, ont été bouleversés quand ils ont compris qu’on leur demandait, ds le cadre de cette guerre, de devenir eux-mêmes tortionnaires, et ont rappelé que la torture déshumanise aussi le bourreau.  

            + A St-Cyr comme à l’Ecole de l’air, le premier temps de l’épreuve est constitué par l’analyse de l’extrait d’un texte littéraire, et il ne s’agit pas d’un prétexte : le jury attend véritablement que le candidat manifeste une connaissance de la littérature et la capacité à discuter à partir de l’analyse d’un texte. Sur le site de St-Cyr, le jury (ou la direction de l’école) affirme que seule l’imprégnation d’un certain nombre d’idées générales que l’on tire de la méditation des grands textes littéraires fournit l’armature intellectuelle et la distance qui font le bon officier (et sans doute plus précisément le bon officier supérieur).

 

            Retournement de situation

Dans certaines écoles (surtout les écoles de commerce, mais pas uniquement), l’ultime question du jury est la suivante : « Souhaitez-vous nous poser une question ? ». Pour savoir comment répondre à cette question, il faut d’abord se demander quel intérêt elle présente pour le jury, ce qu’elle peut faire apparaître. Une brève réflexion en la matière conduit à penser qu’il s’agit d’adopter un autre angle d’attaque pour évaluer la capacité du candidat à tenir sa place dans une discussion, un débat. Il faut donc que vous reveniez sur un point de la discussion : une question à laquelle vous n’avez pas su répondre, une remarque d’un membre du jury qui peut donner lieu à un ultime échange (que vous inaugurez, donc, par une question : à vous de cultiver l’habileté rhétorique qui permet de transformer un commentaire que vous pourriez formuler, en une question adressée au jury ; notez toutefois  que si vous dites qu’à défaut de poser une question vous souhaitez formuler une remarque à propos de tel point dont il a été question, le jury considérera que vous faites preuve d’une sorte d’esprit de suite, d’un sens du débat, et que c’est une chose qui plaide en votre faveur), une question à laquelle vous avez répondu, mais à propos de laquelle vous sollicitez le point de vue du jury lui-même, etc. Pour affronter cette ultime difficulté, il faut bien sûr que vous ayez gardé l’esprit n éveil pendant l’ensemble de l’épreuve, et que vous ayez gardé dans un coin de votre esprit tel ou tel point qui peut alors servir de munition – cette capacité d’attention est là encore une qualité à laquelle le jury est sensible.

 

            Ajout à l’issue des oraux de l’été 2015

 

L’imagination des jurys est sans limite, et un khâgneux a été confronté dans une école de commerce à un oral d’un type inédit : on lui a donné une dizaine de cartes de jeu pour enfant avec des images du quotidien (une télévision, un livre, ou encore un trombone) et on lui a demandé en quoi  ces objets le représentaient.

Ne vous laissez pas décontenancer par ce type d’exercice : ce que veut évaluer le jury, c’est précisément votre capacité à tenir un discours sensé, construit, à partir de contraintes qui semblent interdire de le faire. En l’occurrence :

  • la télévision vous permettra de mentionner la révolution planétaire qu’a constituée la diffusion de ce nouveau media. Vous pourrez évoquer avec un brin de nostalgie les espoirs que certains y associaient, comme celui d’une initiation à la culture des classes populaires, espoir auquel vous opposerez aussi bien la standardisation (planétaire précisément) des imaginaires (par la diffusion des mêmes feuilletons états-uniens) que les dérives de la démocratie médiatique (les élections présidentielles se jouent davantage lors des débats télévisés que dans les programmes politiques) et le déferlement de vulgarité nommé Télé-réalité. Le jury vous demandera ensuite, par exemple, si d’une manière ou d’une autre la révolution d’internet peut être comparée à la révolution de la TV.
  • Le livre vous permettra, au choix, d’évoquer vos regrets parce que, pour une raison ou pour une autre, vous n’avez pas assez de goût pour la lecture (pensez quand même à mentionner telle ou telle œuvre qui vous a marqué), ou de souligner l’importance dans votre existence de la littérature.
  • De manière un peu comparable, le trombone vous conduira à mentionner vos regrets de ne pas avoir fait de musique ou au contraire votre répertoire favori, etc. Le jury pourra, dans un cas comme dans l’autre, vous demander quelles sont à votre avis les mesures qu’il faudrait prendre pour que la culture musicale se diffuse, ou si vous avez par ailleurs une culture picturale, etc.  

Des questions tordues inédites

Pendant un entretien dans une Grande Ecole parisienne, au cours duquel il a été passablement chahuté (les trois membres du jury se sont moqués de lui ostensiblement pendant l’ensemble de l’épreuve), on a demandé à un candidat de raconter une expérience dont il était particulièrement fier. Il a commencé à parler de la prépa, de la détermination dont il avait dû faire preuve pour mener à bien ses deux années, etc. Le jury l’interrompu en disant que ces banalités ne présentaient aucun intérêt, et lui a demandé de raconter une expérience dont il avait honte. Sans faiblir, la victime a raconté une nuit d’ivresse à Malte au cours de laquelle il avait égaré son portefeuille, été ramassé par la police pour finalement se réveiller hébété sur un banc public. Note finale : 18/20…

Analyse : voici un jury qui joue la carte de la provocation sur tous les plans, et qui nous confirme que tout est possible (dans certaines limites éthiques et légales : voir supra). Le but est de voir comment le candidat, mis dans une situation relativement improbable, va réagir. Il ne faut ni rester coi, ni prendre un air égaré, ni bluffer.

« Une expérience dont vous êtes fier » : vous pouvez être modeste, et racontez que vous avez encadré un camp de vacances pour jeunes enfants. En revanche, évitez le ridicule : ne dites pas que vous avez réussi à réaliser tout seul une réplique de la mairie de Grenoble en pain d’épices. Si rien ne vous vient à l’esprit, baisez : dites que vous n’avez jamais envisagé votre existence sous cet angle, mais que en revanche vous vous souvenez parfaitement d’un entretien de tel lauréat du Prix Nobel (en physique, en littérature, etc.) au terme duquel vous avez pensé que vous veniez de comprendre ce qu’est un individu à la hauteur des rêves de l’humanité, ou à qui vous aimeriez ressemblé, ou qui a permis de voir ce que l’on peut attendre de l’existence : le jury vous saura gré de vous montrer disponible à la discussion, de faire preuve d’initiative et de montrer ainsi que vous avez compris l’esprit de l’épreuve. Vous aurez montré au passage que vous n’êtes pas centré sur votre misérable personne, mais que vous avez des préoccupations élevées.

« Une expérience dont vous avez honte » : dans le témoignage ci-dessus, le candidat a pris un risque considérable. Il a raconté un épisode tristement banal de beuverie adolescente et s’est en effet montré sous un jour peu reluisant. On suppose qu’il s’en est sorti en montrant de manière crédible qu’il comprenait avec la distance les ressorts d’une telle attitude (attention au moralisme bêbête : un entretien à l’oral d’une GE n’est pas une confession), qu’il la racontait sans complaisance ni plaisir (mais avec humour). Si vous n’avez rien à dire, transposez les conseils ci-dessus : dites que vous ne souhaitez pas faire perdre son temps au jury avec le récit de turpitudes sans relief, mais que en revanche vous vous êtes toujours demandé comment des individus peuvent vivre en portant non pas la culpabilité ni même la responsabilité d’une mort d’homme : par exemple lorsqu’un type ivre-mort se jette sous les roues d’un automobiliste qui le percute avant d’avoir eu le temps de réagir – mais il faut là encore que vous ayez des biscuits, que vous soyez capable de développer, d’expliquer que l’innocence morale n’annule pas la violence, elle aussi morale, que l’on subit quand on est l’agent bêtement « mécanique » de la mort d’un individu, etc.

Le candidat qui a été soumis à ses mauvais traitements et s’en est brillamment tiré était à la fois assez flegmatique, cultivé, avait du goût pour la discussion, parlait une langue tout à fait correcte et ne manquait pas d’humour. Il avait par ailleurs appris à discipliner un goût un peu infantile de la provocation, qui lui faisait du tort, mais était familier des ressorts de celle-ci…

 

            DE L’ENTRETIEN COMME UNE CONVERSATION

 

Selon une expression galvaudée, il existe en France un art de la conversation qui permet de réunir pour un repas des gens qui ne se connaissent pas tous et qui vont néanmoins se parler. Il faut que personne ne confisque la parole, que personne ne se taise,  que les propos soient caractérisés à la fois par une forme de continuité et une certaine diversité, et qu’ils soient susceptibles d’intéresser tout un chacun. Marinette « lance la conversation » en racontant que certes le dernier w.e. a été gâté par la météo, mais qu’elle en a profité pour revoir La Mort aux trousses d’Hitchcock, et que à sa propre surprise (car elle connaît bien le film) elle a découvert dans le film une trame politique extrêmement intéressante [elle explique]. Marcel intervient pour dire que lui son Hitch préféré serait plutôt L’Homme qui en savait trop, pour le brio de la réalisation [qu’il décrit]. Suit un échange général (les convives sont 5), à propos de l’humour chez H., de ses acteur fétiches (Gary Grant et Grace Kelly entre autres), jusqu’à ce que Jules évoque Le Rideau déchiré, qui est un film sur la Guerre froide, qui se déroule en Allemagne, et que Charlotte-Emilie en vienne, par une logique d’ordre géographique, à mentionner les événements du 31 décembre 2015 à Cologne (un nombre considérable de jeunes femmes ont fait l’objet, dans le quartier de la gare, d’agressions sexuelles d’une gravité variable, dont il semble qu’elles aient été le fruit d’un vaste rassemblement de réfugiés récents en provenance du monde arabe). La conversation, là encore, se généralise, autour du thème de la politique d’accueil de la chancelière allemande, du problème des réfugiés en Europe. Hilarion intervient pour dire à quel point il est accablé par la situation en Syrie, pays qu’il connaît assez bien. Il décrit avec mélancolie les souks d’Alep, aujourd’hui détruits, et raconte une anecdote hilarante à propos d’un marchandage qui avait duré 2h pendant lequel il s’était tellement gavé de sucreries qu’il n’avait plus mangé pendant 2 jours, etc. Aspasie dit qu’elle ne peut de toute façon pas aller dans cette région du monde parce qu’elle ne supporte pas la chaleur, et qu’à l’occasion des prochaines vacances elle se rendra en Scandinavie. On l’interroge sur sa maîtrise de l’anglais, on la plaisante sur son immersion, elle qui est brune et mesure 1,50m, dans cette population des gaillards bruns, on mentionne les Contes d’Andersen, le « modèle danois » etc., etc.

 

            Transposons. On demande à une candidate de commenter la mort de David Bowie (le 10 1 2016) et l’extraordinaire relief que lui a donné la presse. Elle répond que c’est normal parce qu’il était un grand artiste, et l’échange s’arrête à peu près là. 

Que peut-on reprocher à cette candidate ? De ne pas connaître l’œuvre de Bowie ? Ce n’est pas exigible à l’entrée d’une école d’ingénieur. De ne pas avoir d’avis sur la médiatisation de son décès ? Elle n’est pas spécialiste en communication, et comme elle travaille tout le temps, elle n’a pas une vue d’ensemble de ce qui s’est dit. Là n’est pas le problème. Comment Marinette ou Charlotte-Emilie, dans le contexte convivial de leur dîner aurait-elle réagi (il faut ajouter que l’une et l’autre tentent de séduire Hilarion, et donc s’efforcent   discrètement de se mettre en valeur) ? Elle (l’une ou l’autre) aurait dit qu’à l’échelle de l’actualité des derniers mois, même en faisant l’impasse sur les attentats de Paris (novembre 2015), ce n’était certes pas cela qu’elle avait envie de retenir, mais plutôt la COP 21, dont les enjeux lui semblent autrement important [elle développe, puis mentionne rapidement le bilan mitigé de la conférence]. Le jury (car nous avons transposé cet échange)  demande alors à la candidate de  proposer une définition de l’écologie et lui demande si elle pense que cette préoccupation est vraiment désormais celle de tous les citoyens. Puis un autre membre du jury lui demande une définition de l’empreinte carbone, et si elle est prête à renoncer aux voyages en avion pour réduire sa responsabilité dans la pollution atmosphérique. Etc., etc.

           

            Dans le même genre : le jury vous demande quel est le dernier livre que vous avez lu. Vous répondez habilement que la prépa ne vous laisse guère de loisir pour la  lecture, mais que, au choix : 1) vous avez découvert le w.e. l’œuvre d’un musicien du XVIIIe / d’un jazzman militant de la cause noire dans les années 60 / d’une chanteuse qui reprend un répertoire traditionnel du Sahel, etc., [et vous développez] 2) vous êtes allé au Musée de Grenoble et vous avez découvert les grandes toiles de Rubens et de Zurbaran, qui vous ont frappé [et vous développez], 3) vous constituez depuis quelques années une collection de fossiles qui absorbe tout votre temps libre [et vous développez], etc. Le jury vous saura gré de prendre ainsi l’initiative et de manifester cette sorte de fluidité intellectuelle qui, comme dans la conversation, vous aura permis, au lieu de lui opposer une fin de non-recevoir (celle qui consiste à dire : « je ne lis pas ») susceptible de vous mettre dans une position délicate, de mettre en œuvre une logique par contiguïté (dirait Hume !) : vous passez d’une domaine culturel à un autre, vous montrez que si vous ne lisez pas vous n’en avez pas moins des curiosités dotées d’une légitimité artistique ou intellectuelle. 

 

 

            ENCORE DES QUESTIONS TORDUES

 

- Une anecdote veut qu’un jury ait demandé à un candidat : « Si vous étiez une couleur, quelle serait-elle ? ». Ne vous laissez pas décontenancer par l’incongruité de la question, pensez que la couleur joue un rôle important dans notre sensibilité esthétique, dans notre affectivité, bref dans notre rapport au monde, et que en fait il s’agit de dire quelle est la couleur à laquelle vous êtes particulièrement sensible, et surtout pourquoi : vous répondez « le bleu », et vous expliquez que comme vous êtes randonneur, le spectacle du ciel bleu au-dessus de la montagne vous est cher ; « le noir », parce que vous aimez la peinture de Soulages, « le rose » pour la « période rose » de Picasso, « le vert » parce que vous aimez les mers froides, « le rouge » parce que vous y voyez le symbole de la vie avec ses ambivalences, etc.

- Questions de définition

La capacité à fournir des définitions est un bon critère d’appréciation des connaissances, du sang-froid, de la maîtrise de la langue et de la clarté d’esprit des candidats. Alors qu’une candidate commentait la survivance de la misogynie dans le  monde professionnel et dans la sphère politique, elle mentionne son attachement au féminisme. Un membre du jury l’interrompt et lui demande de fournir une définition. Calmement, après un temps de réflexion très bref, elle s’exécute ; la définition est claire, pertinente, exacte. Bien joué. Comme l’entretien est une (fausse) discussion à bâtons rompus, on peut aussi bien vous demander de définir la physique, les ondes, la lumière, la fermentation, que l’inégalité, le progrès, le développement, la démocratie, ou la culture [à propos de ce mot, voir le topos dans les pages qui précèdent], l’autorité, ou de fournir des définitions permettant de distinguer progrès et développement, discipline et autoritarisme, inégalité et exploitation, etc.

- Une variante de la question : « Qu’auriez-vous aimé inventer ? » pourrait être : « Avez-vous en tête une invention dont on pourrait considérer qu’elle est regrettable ? ». Ici encore, tout se joue dans votre capacité à argumenter de manière nuancée, à faire preuve d’une forme de distance critique. Ainsi, l’exemple qui vous viendra forcément en tête est celui de la bombe atomique. Or, cet exemple est piégé, ce qui veut dire aussi que si vous vous y prenez bien, vous tenez là l’occasion de réussir un numéro brillant. En effet, les naïfs se contenteront de dire que c’est horrible cette capacité de s’auto-détruire dont est dotée l’humanité. Les rusés commenceront par rappeler l’adage de Rabelais selon lequel « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », ce qui signifie que l’invention technique en elle-même n’est généralement ni bonne ni mauvaise, et que même les armes relèvent de cette approche, sans compter qu’il existe ce que l’on nomme les « armes par destination » (une automobile n’a pas été conçue pour tuer, mais vous pouvez très bien foncer sur le type qui vous a piqué votre petite amie et l’envoyer ainsi brouter les pissenlits par la racine). Ensuite, vous pouvez invoquer le fait que les deux seules bombes nucléaires qui aient jamais été utilisées ont sans doute permis d’abréger la seconde Guerre Mondiale en anéantissant la résistance des Japonais (soyez nuancés, l’argument est discutable du fait de la disproportion caractéristique du feu nucléaire) ; enfin, parlez de la doctrine de la dissuasion nucléaire (celle de la France) et de la capacité du nucléaire à sanctuariser un territoire, et dites que l’ « équilibre de la terreur » - i.e. le fait que l’URSS et les USA, les principaux protagonistes de la Guerre Froide, aient été tous deux dotés de l’arme nucléaire – a peut-être permis d’éviter une troisième Guerre Mondiale.  Facile…

- A l’inverse, vous pouvez choisir « l’automobile » et souligner que seuls, à l’époque où l’on peut redouter que l’explosion de l’automobile en Chine n’asphyxie la planète (sans parler de la perte de temps et de la pollution que représentent les embouteillages dans nos grandes villes),  les naïfs (et les irresponsables) peuvent encore penser que « la voiture, c’est la liberté ».

- Si j’étais membre de jury (ce qu’à Dieu ne plaise) je demanderais volontiers aux gentils candidats de commenter des slogans ou des titres. Il serait intéressant par exemple de comparer les titres de deux émissions de France Culture : le premier est « Du Grain à moudre », le second est « Ping-pong », prolongé par ce slogan : « la culture sans limites ».  

 

DOCUMENTS ET DEFINITIONS

 

            +Le design : article de roland Barthes : « La nouvelle Citroën » [la DS]

 

Roland Barthes publie en 1957 un ensemble de brefs articles, d’abord publiés dans Elle, qu’il intitule Mythologies, et dans lequel il analyse des objets, des phénomènes, des pratiques, dont il estime que d’une manière ou d’une autre on peut les traiter comme les révélateurs d’un état d’esprit, d’une fantasmatique, d’une idéologie qui sont révélateurs de certains aspects de la société française de son temps. Ainsis s’explique le titre : ce sont des « mythologies »  parce que cette société s’y projette et s’y reflète, que l’ensemble révèle une ou des cohérences, tout comme une « mythologie » dans un sen splus classique révèles les attentes, la vision du monde, eetc., d’un groupe humain déterminé. Ces tewtes brefs sont incisifs, brillants, souvent drôles, et très accessibles. On en saurait trop conseiller la lecture du recueil lui-même (coll. Points), ou, à défauts, de quelques articles décisifs : « Le strip-tease », « Le monde où l’on catche », « Bichon chez les Nègres », entre autres.

L’article sur la DS (ci-dessous) montre le pouvoir de sugggestion de la forme et de l’esthétique adoptée par un « objet  industriel », au point qu’on peut en déduire ce que sont les ambitions et les réussites du design.

 

La nouvelle Citroën, extrait de Mythologiesde Roland Barthes.

Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique.

La nouvelle Citroën tombe manifestement du ciel dans la mesure où elle se présente d’abord comme un objet superlatif. Il ne faut pas oublier que l’objet est le meilleur messager de la surnature: il y a facilement dans l’objet, à la fois une perfection et une absence d’origine, une clôture et une brillance, une transformation de la vie en matière (la matière est bien plus magique que la vie), et pour tout dire un silence qui appartient à l’ordre du merveilleux. La «Déesse» a tous les caractères (du moins le public commence-t-il par les lui prêter unanimement) d’un de ces objets descendus d’un autre univers, qui ont alimenté la néomanie du XVIIIe siècle et celle de notre science-fiction: la Déesse est d’abord un nouveau Nautilus.
C’est pourquoi on s’intéresse moins en elle à la substance qu’à ses joints. On sait que le lisse est toujours un attribut de la perfection parce que son contraire trahit une opération technique et tout humaine d’ajustement: la tunique du Christ était sans couture, comme les aéronefs de la science-fiction sont d’un métal sans relais. La DS 19 ne prétend pas au pur nappé, quoique sa forme générale soit très enveloppée; pourtant ce sont les emboîtements de ses plans qui intéressent le plus le public: on tâte furieusement la jonction des vitres, on passe la main dans les larges rigoles de caoutchouc qui relient la fenêtre arrière à ses entours de nickel. Il y a dans la DS l’amorce d’une nouvelle phénoménologie de l’ajustement, comme si l’on passait d’un monde d’éléments soudés à un monde d’éléments juxtaposés et qui tiennent par la seule vertu de leur forme merveilleuse, ce qui, bien entendu, est chargé d’introduire à l’idée d’une nature plus facile.

Quant à la matière elle-même, il est sûr qu’elle soutient un goût de la légèreté, au sens magique. Il y a retour à un certain aérodynamisme, nouveau pourtant dans la mesure où il est moins massif, moins tranchant, plus étale que celui des premiers temps de cette mode. La vitesse s’exprime ici dans des signes moins agressifs, moins sportifs, comme si elle passait d’une forme héroïque à une forme classique. Cette spiritualisation se lit dans l’importance, le soin et la matière des surfaces vitrées. La Déesse est visiblement exaltation de la vitre, et la tôle n’y est qu’une base. Ici, les vitres ne sont pas fenêtres, ouvertures percées dans la coque obscure, elles sont grands pans d’air et de vide, ayant le bombage étalé et la brillance des bulles de savon, la minceur dure d’une substance plus entomologique que minérale (l’insigne Citroën, l’insigne fléché, est devenu d’ailleurs insigne ailé, comme si l’on passait maintenant d’un ordre de la propulsion à un ordre du mouvement, d’un ordre du moteur à un ordre de l’organisme).
Il s’agit donc d’un art humanisé, et il se peut que la Déesse marque un changement dans la mythologie automobile. Jusqu’à présent, la voiture superlative tenait plutôt du bestiaire de la puissance; elle devient ici à la fois plus spirituelle et plus objective, et malgré certaines complaisances néomaniaques (comme le volant vide), la voici plus ménagère, mieux accordée à cette sublimation de l’ustensilité que l’on retrouve dans nos arts ménagers contemporains: le tableau de bord ressemble davantage à l’établi d’une cuisine moderne qu’à la centrale d’une usine: les minces volets de tôle mate, ondulée, les petits leviers à boule blanche, les voyants très simples, la discrétion même de la nickelerie, tout cela signifie une sorte de contrôle exercé sur le mouvement, conçu désormais comme confort plus que comme performance. On passe visiblement d’une alchimie de la vitesse à une gourmandise de la conduite.
Il semble que le public ait admirablement deviné la nouveauté des thèmes qu’on lui propose: d’abord sensible au néologisme (toute une campagne de presse le tenait en alerte depuis des années), il s’efforce très vite de réintégrer une conduite d’adaptation et d’ustensilité (« Faut s’y habituer »). Dans les halls d’exposition, la voiture témoin est visitée avec une application intense, amoureuse: c’est la grande phase tactile de la découverte, le moment où le merveilleux visuel va subir l’assaut raisonnant du toucher (car le toucher est le plus démystificateur de tous les sens, au contraire de la vue, qui est le plus magique): les tôles, les joints sont touchés, les rembourrages palpés, les sièges essayés, les portes caressées, les coussins pelotés; devant le volant, on mime la conduite avec tout le corps. L’objet est ici totalement prostitué, approprié: partie du ciel de Metropolis, la Déesse est en un quart d’heure médiatisée, accomplissant dans cet exorcisme, le mouvement même de la promotion petite-bourgeoise.

            + Le design : éléments de définition

Design, designers : définitions

Qu’est-ce que le design ?

La particularité du design est qu'il n’existe pas de définition unique et définitive, puisqu'il se réinvente à chaque époque, en suivant les évolutions, les cultures et les apports des designers du monde entier.

La définition de l’AFD (Association française des designers)


Le design est un processus intellectuel créatif, pluridisciplinaire et humaniste, dont le but est de traiter et d’apporter des solutions aux problèmes  de tous les jours, petits et grands, liés aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux.

Potentiellement présent partout, en adéquation avec les modes de vie, les valeurs et les besoins des êtres humains, utilisateurs ou publics, le design contribue à la création d’espaces, à la communication de messages visuels et sonores, d’interfaces, à la production de produits et de services, afin de leur donner un sens, une émotion et une identité, d’en améliorer l’accessibilité ou l’expérience.

Cette activité utilise les compétences et l’expérience du designer, faites d’observation, d’analyse, d’écoute et de technique. L’inconnu, inhérent au commencement de tout projet, est précisément ce qui excite le cerveau du designer et qui le rend capable de rechercher des réponses originales.

Le design, lorsqu’il est présent dès la phase de réflexion, permet donc aux entreprises et aux collectivités d’être source d’innovation et de progrès.

La définition de l’ICSID


Design is a creative activity whose aim is to establish the multi-faceted qualities of objects, processes, services and their systems in whole life cycles. Therefore, design is the central factor of innovative humanisation of technologies and the crucial factor of cultural and economic exchange.

Design seeks to discover and assess structural, organisational, functional, expressive and economic relationships, with the task of:

  • Enhancing global sustainability and environmental protection (global ethics)
  • Giving benefits and freedom to the entire human community, individual and collective
  • Final users, producers and market protagonists (social ethics)
  • Supporting cultural diversity despite the globalisation of the world (cultural ethics)
  • Giving products, services and systems, those forms that are expressive of (semiology) and coherent with (aesthetics) their proper complexity.


Design concerns products, services and systems conceived with tools, organisations and logic introduced by industrialisation — not just when produced by serial processes. The adjective "industrial" put to design must be related to the term industry or in its meaning of sector of production or in its ancient meaning of "industrious activity". Thus, design is an activity involving a wide spectrum of professions in which products, services, graphics, interiors and architecture all take part. Together, these activities should further enhance - in a choral way with other related professions - the value of life.

Therefore, the term designer refers to an individual who practices an intellectual profession, and not simply a trade or a service for enterprises.

Quelques citations…


DESIGNERS, ARCHITECTES
Léonard de Vinci : « Les détails font la perfection et la perfection n’est pas un détail. »
Raymond Loewy : « La laideur se vend mal. »
Le Corbusier : « Nos yeux sont faits pour voir les formes sous la lumière ; les ombres et les clairs révèlent les formes ; les cubes, les cônes, les sphères, les cylindres ou les pyramides sont les grandes formes primaires que la lumière révèle bien ; l’image nous en est nette et tangible, sans ambiguïté. C’est pour cela que ce sont de belles formes, les plus belles formes. Tout le monde est d’accord en cela, l’enfant, le sauvage et le métaphysicien. »
Louis Kahn : « Une bonne question a plus d’importance que la réponse la plus brillante. »
Frank Lloyd Wright : « La simplicité, c’est l’harmonie parfaite entre le beau, l’utile et le juste… »
Victor Papanek : « Le design est devenu l’outil le plus puissant avec lequel l’homme forme ses outils et son environnement. »
Ettore Sottsass : « Le designer est une éponge, certes, mais une éponge cosmique. »
Thomas Maldonaldo : « Le design est une activité créatrice, qui consiste à déterminer les propriétés formelles des objets que l’on veut produire industriellement. Par propriété formelle, on ne doit pas entendre seulement les caractères extérieurs mais surtout les relations structurelles qui font d’un objet (ou un système d’objets) une unité cohérente. »
Yves Saint-Laurent : « Rien n’est plus beau qu’un corps nu. Le plus beau vêtement qui puisse habiller une femme ce sont les bras de l’homme qu’elle aime. Mais, pour celles qui n’ont pas eu la chance de trouver ce bonheur, je suis là. »
Michel Millot : « Il n’y a pas d’innovation sans désobéissance. »

NON-DESIGNERS
Albert Jacquard : « Sans imagination il ne pourrait y avoir création. »
René Char : « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égard ni patience. »
Jean Baudrillard : «  Les objets ne s’épuisent jamais dans ce à quoi ils servent, et c’est dans cet excès de présence qu’ils prennent leur signification de prestige, qu’ils « désignent » non plus le monde, mais l’être et le rang social de leur détenteur...»
Gilles Deleuze : « Une image ne vaut que pour les idées qu’elle crée. »
Gaston Bachelard : « On ne pourra bien dessiner le simple qu’après une étude approfondie du complexe. »

Qu’est-ce qu’un designer ?

Un designer est un praticien du design. C’est un professionnel qui possède un haut degré de formation artistique et technique, voire scientifique, ainsi qu’une éthique professionnelle. Il dessine à dessein avec une capacité d’analyse et de conseil auprès de ses commanditaires.

Il est capable d’empathie, d’approche sensible, intuitive et créative pour aborder les sujets. Il a le sens de l’esthétique, des formes et des signes, des couleurs et de la lumière, des sons, des matières et des matériaux, de l’ergonomie et de la lisibilité, et de leur interaction.

Bien qu’il n’ait pas à résoudre des problèmes techniques purs, ce qui est l’affaire de l’ingénieur, le designer suit le bon déroulement technique et la fabrication d’un projet.

Comment travaille le designer ?

Le designer observe et questionne les cultures, les gestes et les techniques, il capte les tendances et il est à l’écoute des usagers et des publics. Avec intuition et méthode, il analyse les problématiques des projets que lui apportent ses clients ou dont il est lui-même porteur et rémet un diagnostic.

Le designer assimile le cahier des charges définit par son client pour atteindre le but d’un projet. Il imagine, écrit, dessine et modélise pour visualiser les idées, devenues tangibles sous forme d’avant-projet. Il les conduit sous forme de prototype ou de maquette, les vérifie, les teste, les améliore avant de les réaliser sous forme de projet définitif. Enfin, il réalise l’exécution technique du projet et assiste ses clients dans sa fabrication.

Le cadre juridique étant le droit de la propriété intellectuelle, le designer facture des honoraires de conception et de création, qui rémunèrent la tâche pour concevoir l’oeuvre de design, et des droits d’auteur, qui rémunèrent les bénéfices générés par son exploitation.

Designer : une seule profession, composée de disciplines transdisciplinaires ou spécialisées par domaines d’activités

Le designer intervient dans tout l'environnement de l'activité humaine : les espaces, les messages (visuels et sonores) et les produits. Il apporte des solutions dans tous les secteurs de la vie économique, sociale et culturelle. On associe au nom design un adjectif pour désigner une discipline spécialisée, ou un domaine d’étude, s’adaptant aux besoins industriels, sociaux et culturels de nos sociétés en mouvement. Ces adjectifs et ses disciplines sont donc appelées à évoluer aussi constamment et à dépasser leurs cloisonnements. Certains designers sont pluridisciplinaires, d’autres sont spécialisés dans une discipline.

La liste ci-dessous ne comporte aucune hiérarchie, elle est non exhaustive et évolutive. Les disciplines sont classées dans la NACE européenne et la NAF française :
74 Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques
     74.1 Activités spécialisées de design
             74.10 Activités spécialisées de design

Design thinking
Design collaboratif
Design de service
Design packaging
Design signalétique
Écodesign

Disciplines transdisciplinaire,
tous domaines d’activité

Design d’intérieur
Design d’espace commercial
Design scénique
Design scénographique
Design lumière (light design)
Design paysager

Domaines spécialisés des espaces

Design graphique
Design interactif
Design d’illustration
Design graphique animé (motion design)
Design graphique environnemental
Design photographique
Design numérique
Design sensoriel
Design sonore
Design de textes
Design web

Domaines spécialisés des messages

Design de produit
Design d’objet
Design industriel
Design de mode (fashion design)
Design culinaire
Design textile

Domaines spécialisés des produits

Quelques compétences transdisciplinaires du designer

Design thinking : ce terme désigne le processus de construction des idées du designer. C’est sa
capacité à combiner l’empathie pour se mettre à la place de l’utilisateur, la créativité dans la production de propositions et la rationalité d’analyse pour proposer des solutions adaptées aux problématiques. Dans ce processus, le designer peut s’associer aux compétences d’autres activités : ingénierie, sciences humaines, sociologie, anthropologie, philosophie, économie, marketing… Ce mode de pensée, commun à toutes les disciplines du design, peut aussi devenir une spécialisation du designer lorsque sa mission est de s’associer à son client pour chercher avec lui des solutions aux problématiques.

Direction artistique : ce terme désigne une fonction de management de projet artistique. Ce n’est pas un acte de conception, ni de création. Lorsqu’une personne donne les orientations d’un projet artistique et veille à son bon déroulement, cette personne exerce la fonction de Directeur artistique. Elle peut être présente dans d’autres activités que le design : le spectacle, la musique, le cinéma, la presse… La direction artistique est une des compétences du designer lorsqu’elle est intégrée par lui à un processus de conception et de création. Lorsqu’une personne conçoit et crée, donne les orientations d’un projet artistique et veille à son bon déroulement, cette personne effectue une direction artistique tout en exerçant une activité de designer. Le droit d’auteur s’applique et protège la création du designer. Lorsque la direction artistique est effectuée indépendamment de la création d’une oeuvre, soit uniquement sous sa forme de fonction de management de projet artistique, le droit d’auteur ne s’applique pas. Un designer peut exercer la fonction de Directeur artistique, mais un Directeur artistique n’exerce pas nécessairement l’activité de designer.

Design management : ce terme désigne une fonction de management dont la démarche est d’implanter et de pérenniser dans les entreprises et les collectivités, le design comme stratégie d’innovation et de développement. Le design management peut être une des compétences du designer. Un designer peut exercer la fonction de Design manager, mais un Design manager n’est pas nécessairement un designer.

 

 

Définition de l’industrie

L’industrie est l'ensemble des activités socio-économiques tournées vers la production en série de biens grâce à la transformation des matières premières ou de matières ayant déjà subi une ou plusieurs transformations et à l'exploitation des sources d'énergie ; elle sous-entend :

  • une certaine division du travail, contrairement à l'artisanat où la même personne assure théoriquement l'ensemble des processus : étude, fabrication, commercialisation, gestion ;
  • une notion d'échelle, on parle de « quantités industrielles » lorsque le nombre de pièces identiques atteint un certain nombre ;
  • l'utilisation de machines, d'abord manuelles puis automatisées, qui modifient la nature même du travail.

Historiquement, le terme a d'abord désigné l'habileté à faire quelque chose, ou bien une activité douteuse que la morale réprouve. Puis le sens s'est élargi à toute forme d'activité productive, et non seulement celle produisant des biens matériels1. Ce dernier sens a vieilli, mais il domine encore en anglais. Depuis la révolution industrielle, les activités relevant de l'agriculture sont exclues du champ de l'industrie.

Plusieurs classifications sont possibles. Les plus communes opposent :

  1. l'industrie manufacturière (mécanique, textile, etc.) aux industries d'extraction (mines, pétrole, etc.) ;
  2. les industries de biens de consommation aux industries de biens de production.

En matière de secteurs économiques, l'industrie recoupe pour l'essentiel le secteur secondaire.

 

Définition de la politique industrielle

La politique industrielle désigne l'intervention publique en vue de développer le secteur industriel d'un pays. Elle vise principalement à stabiliser, voire à relancer en période de crise, l'industrie nationale. Elle peut prendre l'aspect de crédit d'impôt, de fonds d'investissement, d'une planification ou d'une organisation stratégique du tissu industriel.

L'intensité du recours à la politique industrielle par un Etat varie selon les époques. Dans les années 80 et 90, les politiques de privatisation et de dérégulation entraîne un abandon de la politique industrielle à la française (aussi appelé le colbertisme) caractérisée par la planification, l'intervention de l'Etat en matière de recherche, de commandes publiques et d'entreprises publiques. Avec la crise, on peut néanmoins noter un certain retour de la politique industrielle, déjà amorcée dans les années 2000, du fait de l'accroissement de la concurrence mondiale, des menaces de délocalisations ou de désindustrialisation et la faiblesse de l'innovation dans les secteurs de haute technologie.

Entre 1980 et 2003, le secteur industriel français a perdu 36 % de ses effectifs, soit 1,9 millions d'emplois, et il ne contribue plus qu'à 14 % en 2007 au lieu de 24 % en 1980. En outre, le rapport Beffa (2004) intitulé « Pour une nouvelle politique industrielle » (Jean-Louis Beffa est Président de Saint-Gobain) révèle un décrochage de la France par rapport aux grands pays à partir du début des années 90 pour ce qui est de l'effort en Recherche et Développement privé. La France consacre en effet seulement 1,9 % de son PIB à la recherche et à l'innovation contre 2,7 % pour les Etats-Unis et 3 % pour le Japon. Les dépôts de brevets sont également en baisse dans les secteurs de haute technologie (pharmacie et biotechnologies, micro-électronique). Enfin, alors que l'Allemagne enregistre un excédent continu de son commerce extérieur, la France ne cesse de perdre des parts de marché à l'exportation pour les produits à haute valeur ajoutée.

En 2005, quatre grands dispositifs de politique industrielle ont été mis en place :

  • la société anonyme Oséo intervient dans trois domaines principaux : le soutien à l'innovation, au financement et à l'information des PME ;
  • l'Agence nationale de la recherche (ANR) est chargée de soutenir les recherches fondamentales et appliquées et de contribuer au transfert des résultats de la recherche publique vers les entreprises ;
  • l'Agence pour l'innovation industrielle (AII) prend acte du constat du rapport Beffa de 2004 sur la trop grande concentration de l'effet de R&D sur des secteurs de faible technologie et très concurrencés, et a donc pour objectif de réorienter l'industrie vers les hautes technologies en lançant de grands programmes pilotés par les grandes entreprises et associant de nombreuses petites et moyennes entreprises et laboratoires de recherche (automobile propre, mobile 4G, TGV nouvelle génération). L'Agence, dotée d'un milliard d'euros lors de sa création, a pour mission de susciter, de sélectionner et de financer ces grands programmes d'innovation industrielle.
  • les pôles de compétitivité, lancés en 2004 mais actés en 2005, sont des zones géographiques à l'intérieur desquelles se trouvent des entreprises, des centres de formation et de recherche engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets innovants. On en compte actuellement 71 répartis sur tout le territoire. L'Etat a consacré à ce dispositif 1,5 milliards d'euros de 2005 à 2008, et après une évaluation positive menée en 2008 par le Boston Consulting Group, il a à nouveau consacré 1,5 milliards d'euros pour la période 2009-2011. A noter toutefois que les économistes Gilles Duranton, Philippe Martin, Thierry Mayer et Florian Mayneris (dans Les pôles de compétitivité. Que peut-on en attendre?, 2008) soulignent que ces politiques entraînent une forte spécialisation des régions et les rendent très dépendantes d'un seul secteur.

Avec la crise, on note toutefois un certain retour de la politique industrielle via trois grands dispositifs :

  • le Grand emprunt : résultat de la mission Juppé-Rocard, il a été annoncé en 2009 et s'élève à 22 milliards d'euros. L'une des destinations phare de cet emprunt national est l'enseignement supérieur et la formation (11 milliards d'euros), l'objectif étant de faire émerger des laboratoires et des campus d'excellence ayant une visibilité au niveau mondial. Un montant de 2 milliards d'euros est consacré à la filière aéronautique et spatiale française avec en ligne de mire la réalisation d'Ariane 6 et d'un avion plus propre. Oséo reçoit 1,5 milliards du Grand emprunt afin de dynamiser l'innovation et les fonds propres des PME. Plusieurs millions d'euros sont également consacrés au développement de la voiture électrique (900 millions pour le financement d'infrastructures de rechargement) et l'Etat s'est engagé à acheter 50 000 voitures électriques ;
  • le Fonds stratégique d'investissement (FSI) : créé en 2008 et doté de 20 milliards d'euros, ce fonds vise à protéger les entreprises françaises jugées stratégiques des capitaux étrangers. Il est aussi intervenu pour sauver des entreprises en difficulté. Il a pris des participations dans Gemalto (carte à puce), Valeo (automobile) ou Nexans (câble) ;
  • le Crédit d'impôt recherche (CIR) : depuis 2003 et surtout depuis son déplafonnement en 2008, les efforts de R&D des entreprises donnent droit grâce à d'importantes réductions d'impôt sur les bénéfices. Cette mesure, coûteuse (elle représente 5,8 milliards d'euros d'exonération en 2009) n'est pas forcément efficace puisque ce sont les grands groupes qui en sont les principaux bénéficiaires et que les dépenses globales de R&D des entreprises françaises continuent de diminuer.

Le risque des grands programmes est d'orienter l'industrie dans des impasses technologiques et commerciales. Aussi si le soutien aux secteurs industriels est un moyen de réduire le chômage et de renforcer la compétitivité nationale, son recours doit rester parcimonieux. Il est préférable en effet pour les Etats de suivre les tendances du marché plutôt que de vouloir jouer les précurseurs. En outre, si la politique industrielle n'est pas orientée vers les avantages comparatifs traditionnels du pays en question, ses chances de succès sont limitées. Il reste que la politique industrielle n'est pas un phénomène seulement français, mais s'observe dans tous les pays industrialisés (les Etats-Unis ont par exemple injecté des milliards pour sauver General Motors et dans la construction de trains à grande vitesse), et constitue un vecteur de compétitivité dans un monde globalisé.

 

 

[1] Faut-il être honnête quand on parle de ses « défauts » ? Disons qu’il ne faut pas être malhonnête mais que l’on peut faire preuve d’une certaine habileté rhétorique. On ne dit pas « J’aime pas qu’on m’contrarie ; l’premier qu’y est pas d’accord avec moi, j’lui mets ma main sur la figure ! » ; on dit : « Je prends parfois les choses trop à cœur, parce que mon travail compte beaucoup pour moi, et je suis toujours tenté de m’appliquer à convaincre mes interlocuteurs, même lorsque je vois que ce sera difficile ». Tout est question de nuance …..  En revanche, il est contre-productif de se défiler avec plus ou moins de sournoiserie. Exemple : un collègue universitaire me disait qu’un candidat sur quatre se prétend affliger de « perfectionnisme » ; on voit bien la logique de cette allégation et le discours qu’elle véhicule : « J’ai tellement peu de défauts que celui qui me vient à l’esprit est une qualité. Bien sûr, cette qualité me rend la vie difficile, c’est terrible d’être un perfectionniste, mais pensez à la bonne affaire que vous ferez en recrutant quelqu’un qui est perfectionniste, et à qui vous pourrez de ce fait confier des tâches éminemment délicates … ».  Mon informateur m’a expliqué qu’il avait trouvé une excellente méthode pour ramener à la réalité ces perfectionnistes auto-proclamés : il sort de leur  dossier leur lettre de motivation et, après leur avoir fait observer la belle moisson de fautes d’orthographe qu’elle lui a offerte, il leur demande d’exposer en détail cette  conception surprenante du perfectionnisme qui les autorise à de tels écarts. Avis aux amateurs ….

[2] Ces suggestions bibliographiques et la brève présentation qui les accompagnent émanent bien sûr de M. Botrel.

[3] Le document ci-dessous m’a été fourni par M. Botrel.

[4] A ce propos, une remarque incidente mais très importante : il fut que vous ayez en tête la différence entre le savant (le chercheur dirait-on plutôt aujourd’hui), l’ingénieur et le technicien. Très grossièrement, le savant est  l’homme de la théorie, le technicien celui dont les compétences visent essentiellement  des interventions concrètes et limitées (il ne dispose pas des connaissances théoriques qui lui permettraient d’appréhender globalement le fonctionnement d’un système), et l’ingénieur est à la jonction ou à l’interface. Cela  signifie aussi qu’il est entre la science et la technologie, et cela explique la diversité des spécialisations auxquelles conduit une formation d’ingénieur.

 

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