19/09/2011
Méthodologie de la colle
[N.B. : Cette méthodologie est celle que je prescris aux étudiants que je martyrise; d'autres professeurs formulent, à propos de certains aspects, des exigences un peu différentes. Renseignez-vous ...]s'écarte sur quelques points
G. Barthèlemy
Lettres-Philosophie
METHODOLOGIE DE LA COLLE
Proposer une méthodologie de la colle de Lettres-Philo en Math sup – Math spé, c’est se heurter à deux problèmes : la diversité des oraux dans les (quelques) Grandes Ecoles qui en infligent dans cette discipline aux candidats, et l’existence de consignes relativement divergentes dans les documents qui prétendent préciser les modalités de l’exercice. Cette fiche ne peut donc prétendre faire mieux qu’indiquer quelques principes consensuels et définir les règles au regard desquelles votre travail sera évalué. L’exercice, tel qu’il est défini ci-dessous, est destiné à vous offrir un entraînement à l’oral et à vous permettre soit d’approfondir le travail sur le thème au programme, soit d’esquisser une réflexion formalisée sur divers sujets offrant une certaine consistance intellectuelle. Il vous appartient par ailleurs d’aller voir sur le site des Ecoles dont vous préparez le concours d’entrée quelles sont les modalités spécifiques d’un éventuel oral de Lettres-Philo, auquel bien entendu vous pourrez être préparés spécifiquement, à la demande et à la carte.
Support, définition et déroulement de l’épreuve
Le support de l’épreuve est un texte qui évoque une question d’ordre philosophique, historique, sociologique ou culturel digne d’intérêt et à laquelle on peut trouver un certain nombre de résonances dans notre monde. Il peut relever de la littérature, de la philosophie, des sciences humaines ou du journalisme (grande presse nationale).
La première partie de l’épreuve est ce que nous appellerons l’analyse. On pourrait dire pour simplifier que votre but doit être ici de montrer que vous avez compris le texte et que vous êtes capable d’exposer la stratégie argumentative à laquelle il obéit. Pour ce faire, vous devez fournir une introduction dans laquelle vous le mettrez en perspective de trois points de vue différents : en le situant dans son contexte historique et culturel (vous vous aiderez pour cela du paratexte : titre, date de publication), en indiquant à quel grand problème ou quelle grande problématique il se réfère, et en indiquant en une phrase son sommaire (reconnaissons que le second et le troisième point se confondent parfois).
Le second temps est la lecture, qui est prise en compte dans la notation. Rappelons que les candidats ne savent généralement pas lire, c’est-à-dire donner à comprendre le texte par sa simple lecture ; bien souvent au contraire, l’indifférence à la ponctuation, un ton monocorde (qui montre que le candidat pense qu’on lui demande seulement de déchiffrer des mots sur le papier) obscurcissent fâcheusement la perception du texte et laissent penser que celui-ci n’a pas été compris.
Le troisième temps est l’analyse au sens étroit du terme. Vous indiquerez d’abord la composition du texte, ce qui consiste à repérer les grandes étapes de son déroulement ; vous fournissez ainsi un premier point de repère et ébauchez le commentaire de son organisation. Ce découpage ne doit pas être trop morcelé (pas plus de quatre parties), sous peine de rendre imperceptibles les grandes lignes de cette organisation. Ensuite, vous procéderez de préférence de manière synthétique, et commenterez les grands axes de la construction argumentative du texte, en les classant, naturellement, de manière logique. Vous serez conduits à repérer un certain nombre d’énoncés cardinaux, qu’il faudra parfois élucider (ceci vous sera d’ailleurs parfois demandé explicitement par un libellé qui vous désignera un ou deux énoncés dont il faudra expliquer le sens, littéralement et en contexte). Comme il convient de vous intéresser également au ton du texte, vous commenterez au passage divers procédés, diverses composantes lexicales et stylistiques qui vous permettront d’étayer vos dires en la matière. Il n’est pas impossible de procéder de manière linéraire, un peu comme pour le résumé ; évitez dans ce cas-là de laisser penser que vous êtes incapable de faire mieux que de repérer successivement différents points et montrez (c’est un impératif absolu) comment s’effectue, d’un point de vue logique, l’enchaînement argumentatif et démonstratif dans le texte. Quelle que soit la technique (synthétique ou linéaire) choisie, vous l’indiquerez au correcteur au moment où vous commencerez l’analyse, et vous vous souviendrez qu’analyser le montage logique d’un texte, c’est en repérer de ce point de vue les lacunes, les incohérences, autant que les éléments les plus convaincants – soulignez donc les uns et les autres.
Le dernier temps consiste bien sûr en une conclusion, dans laquelle vous récapitulerez les acquis principaux de l’analyse, avant de les synthétiser brièvement.
Tout ceci doit se faire en dix minutes.
La deuxième partie de l’exercice est consacrée à un commentaire. En partant d’un point du texte que vous rappellerez (ce sera éventuellement parfois un énoncé parfaitement repérable), vous élaborerez une mini-dissertation dans laquelle, s’il s’agit d’un texte qui porte sur la question au programme, vous montrerez en quoi il s’agit là d’un point de vue, d’une perspective, d’une approche, etc., qui enrichit ou au contraire « rate » la question au programme, ou bien, s’il s’agit d’ un texte qui traite d’un autre sujet, vous proposerez une réflexion personnelle (en accord ou en désaccord avec les propos de l’auteur, peu importe). Vous vous appuierez donc sur le texte, mais aussi sur les éléments de problématique fournis par le cours, et sur votre culture personnelle (culture littéraire, philosophique, historique, connaissance du monde contemporain), dans laquelle vous puiserez notamment des exemples. Vous savez tous comment on organise une dissertation ; rappelons néanmoins les règles élémentaires de l’exercice, telles qu’elles seront appliquées ici : dans une introduction, vous indiquerez le point que vous allez traiter et les temps (de préférence trois) de la démonstration ; celle-ci sera menée logiquement, à travers l’enchaînement méthodique d’arguments ; vous pourrez vous référer au texte bien sûr, mais l’essentiel est de montrer que vous êtes capable de proposer un raisonnement élaboré avec vos propres connaissances et de votre propre point de vue (ce qui n’implique pas que vous disiez « Moi, je » ; rappelez-vous que quand un post-lycéen dit « je pense que », il intervient généralement sur le mode éruptif pour dire quelque chose qu’il n’a surtout pas pensé mais que, pour une raison ou une autre, indépendamment de toute exigence d’examen rationnel, il souhaite dire – ce qui n’est pas une bonne méthode). Vient enfin la conclusion, dans laquelle vous procédez selon la règle déjà énoncée supra.
Le tout dure en principe dix minutes.
Le troisième temps de l’épreuve lors des oraux de concours est un entretien ; le jury vous demandera de revenir sur tel ou tel point de votre prestation pour préciser, développer, nuancer ou éventuellement réfuter ce que vous avez dit. Vous devez faire preuve ici d’une forme de disponibilité intellectuelle, qui consiste à prendre en compte le point de vue que vous soumet votre introducteur, à entrer avec lui dans une discussion qui doit toujours être rationnelle, raisonnable en tout cas (et courtoise, cela va sans dire), et dans laquelle il est entendu que l’on débat entre gens curieux et bien élevés d’un problème qui est lui-même consistant, intéressant, et que l’on est heureux de le faire, ce qui n’interdit pas l’affrontement intellectuel ou les positions divergentes. Soyez de bonne foi, ne compensez pas la faiblesse d’un argument par une démonstration d’agressivité, argumentez, discutez.
Les principes d’évaluation du candidat.
L’exemple d’une grille de notation vous fournira un premier point de repère :
- 4 points pour la lecture et la compréhension du texte.
- 4 points pour sa présentation : contexte historique, « idée générale » (disons plutôt : propos d’ensemble), composition, repérage et exposé de la stratégie argumentative.
- 2 points pour l’explication d’un mot ou d’un énoncé (en l’absence d’une question de vocabulaire, les deux points seront affectés aux deux rubriques ci-dessus).
- 10 points pour la deuxième partie de l’épreuve.
Les qualités dont vous devez faire preuve sont celles en principe déjà exigibles dans le secondaire :
- Maîtrise de la langue : votre vocabulaire doit être suffisamment riche pour vous permettre de comprendre les textes et d’en rendre compte. Vous devez épurer votre langage de tous les pantonymes (« gérer »), les tics ineptes (« souci » pour « problème »), les béquilles barbares (« par rapport à ») qui défigurent le langage, le mécanisent, et vous interdisent d’élaborer une pensée claire, précise, de vous exprimer dans les termes adéquats (je ne parle pas seulement de correction grammaticale, mais de précision dans l’expression et donc dans l’analyse, donc dans la pensée).
- Capacité à élaborer un raisonnement « réglé » et à analyser un raisonnement auquel on est confronté.
- Maîtrise d’une culture, scolaire et personnelle, dont le candidat doit montrer qu’il sait qu’elle n’est pas de l’ordre de la décoration, de l’obligation scolaire ou de la superficialité mondaine, mais qu’elle tient à une certaine conception de l’individu et de ses relations avec le monde qui l’entoure.
- Capacité à exposer à autrui une démarche intellectuelle, un texte, dans le cadre d’une relation très formalisée, correspondant à une situation institutionnelle très spécifique, qui ne bannit pas pour autant l’élément humain. Vous expliquez quelque chose à quelqu’un, ce qui implique que vous regardiez cette ou ces personnes, que vous lui / leur parliez de manière intelligible (à voix haute, en articulant) au lieu de débiter d’un ton morne et absent un laïus entièrement rédigé, de l’air indifférent et boudeur de l’enfant puni, ou de l’air contraint de celui qui, par timidité ou par mauvaise volonté, refuse de se plier aux règles de l’exercice. Rappelez-vous qu’il n’est pas interdit d’être timide, mais que vous devez faire en sorte que cette timidité ne perturbe pas le déroulement de l’épreuve. Une touche d’humour, de distance intellectuelle, sont toujours bienvenues, mais toute forme d’insolence, de mégalomanie, d’agressivité, de désinvolture, est rédhibitoire. Pensez que le caractère formel de l’exercice implique une certaine tenue physique, je veux dire proscrit certaines postures corporelles : pied sur la chaise, menton sur la table, jambes projetées loin devant, bras rejetés derrière le dossier ; idem pour diverses attitudes : « jambe à ressort », mastication de chewing-gum, manifestations indiscrètes d’un certain rapport à son propre corps (grattage intensif du cuir chevelu, caresse répétitive du visage), à ses vêtements (tripotage compulsif d’une fermeture-éclair, d’une frange), à son matériel (manipulation frénétique de stylo, de trombones, etc.).
L’ensemble des critères mentionnés ci-dessus valent pour les épreuves orales de type différent.
Le temps de préparation de la colle est, selon les cas, d’une heure ou d’une demi-heure en première année, et impérativement d’une demi-heure en deuxième année.
En route vers l’avenir.
21:56 Publié dans Méthodologie, conseils, techniques de rédaction | Lien permanent | Commentaires (0)
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