18/10/2011
Justice distributive, justice rétributive : une introduction, par J.C. Dumoncel
[Merci à Jean-Claude Dumoncel, qui, à ma demande, a élaboré cet exposé]
Cours sur LA JUSTICE
par JC Dumoncel
Abréviations : Df = Définition ; Rpse = réponse ; Dsc = Discussion ; ssi = si et seulement si ; Þ : implique
Introduction générale :
La Division de la Justice d’après Aristote
On distingue 3 sens du mot « justice » :
v la justice rétributive = justice dans les sanctions
v la justice distributive = justice dans la répartition des biens (ou des tâches)
v la justice commutative = justice dans les échanges & les contrats.
Chacun de ces sens exige un traitement spécifique.
La justice commutative se ramène à un respect des règles du jeu (par exemple de la concurrence dans le marché). En conséquence le débat philosophique s’est limité à la justice distributive ou rétributive. D’où la division de ce cours en deux leçons.
1ère leçon : LA JUSTICE DISTRIBUTIVE
Introduction
1. L’analyse du problème selon Rawls
Rawls distingue d’abord entre :
Ø justice politique = dans la répartition de la liberté
Ø justice socio-économique
Cette analyse est capitale : elle révèle qu’en politique, Justice & Liberté ne sont pas deux questions distinctes. En effet, la liberté est un bien. Et une société esclavagiste suffit à révéler que ce bien peut être réparti injustement ou justement. Les uns peuvent être d’autant plus libres que les autres le sont moins. Donc le problème de la liberté politique est en fait une partie du problème plus fondamental de la Justice.
Rawls divise ensuite la justice socio-économique en :
Ø justice économique = dans la répartition des revenus
Ø justice sociale = dans la répartition des positions sociales.
2. Définition formelle de la justice par Platon
Justice = vertu qui donne à chacun sa part
Ce n’est qu’une Df formelle, par opp. à une Df substantielle qui dirait quelle est la part de chacun.
Cpdt cette Df de Platon a déjà son utilité. Supposons en effet une société esclavagiste et donc injuste. Dans cette société, certains esclaves pourraient être traités moins bien que d’autres. Donc la Df de Platon permet de déceler des injustices dans l’injustice.
3. Les alternatives principales dans la Df substantielle de la justice
La justice distributive peut se définir d’abord comme équité ou comme proportionnalité.
La justice comme équité (// équation avec « = ») aura pour formule « A chacun une part égale »
Mais selon Aristote, la justice n’est pas une simple égalité : elle est une égalité de rapports, c'est-à-dire une Proportion, de la forme
part de x mérite de x
----------- = ---------------
part de y mérite de y
Ainsi, selon Leibniz, la justice est le bonheur proportionné à la vertu. La formule sera donc : « A chacun selon ses mérites ».
Du point de vue de l’Ethique, cette formule pourra se comprendre dans une interprétation utilitariste (« A chacun selon ses contribitions ») ou une interprétation « déontologiste » (« A chacun selon ses efforts »)
I. LA POSITION MARXISTE
1. Source (Louis Blanc)
La justice « proportionne le travail à l’aptitude et la récompense aux besoins »
2. Interprétation marxiste
La formule de la justice doit évoluer historiquement :
Dans le socialisme, elle est « A chacun selon ses œuvres » ; mais ce n’est qu’une phase provisoire.
Dans la société sans classes communiste, elle peut devenir « A chacun selon ses besoins ».
Exercice : Dans l’alternative égalité/proportionnalité, quelle est la position marxiste ?
Discussion d’après Rawls.
La justice est pour une société une vertu. Or (Hume) une vertu a certaines conditions d’exercice. Exemple : le courage a pour condition d’exercice le danger. Quelle est la condition d’exercice de la justice distributive ?
Considérons le problème suivant :
Comment partager justement un gâteau infini ?
Rpse : puisque le gâteau est infini, chacun peut en prendre autant qu’il veut. Et donc le problème ne se pose plus.
Inversement, cela révèle la condition d’exercice de la justice distributive :
La condition d’exercice de la justice distributive = la rareté.
Or la position marxiste commence par supposer que la rareté a été vaincue. Ergo, elle ne constitue même pas une réponse au problème[1].
II. LA CONCEPTION UTILITARISTE
Justice = le plus grand bonheur pour le plus grand nombre.
Argument : Sur toutes les questions éthiques, selon l’utilitarisme, il faut maximaliser l’utilité. Or en donnant le plus grand bonheur au plus grand nombre on maximalise l’utilité.
Discussion d’après Rawls.
Pour 3 personnes X, Y & Z, comparons les situations A & B où les parts sont les quantités suivantes :
½ A B
-------------------------
X ½ 3 4
Y ½ 3 4
Z ½ 3 2
------ -----
9 10
La situation B comporte un plus grand bien (10) pour un plus grand nombre (la majorité X et Y). Si on appliquait la formule de l’utilitarisme, il faudrait donc déclarer que la situation B est plus juste que A. Or c’est exactement l’inverse qui est vrai : B décrit une iniquité flagrante dont Z est la victime sacrifiée sur l’autel de la majorité.
Il faut rappeler que le problème de la justice distributive est le problème (1) de la répartition de biens entre (2) des individus. Or
(1) entraîne que la quantité totale de biens à répartir (« le plus grand bonheur ») ne fait rien à l’affaire
(2) entraîne que le nombre de satisfaits (dans « pour le plus grand nombre ») ne fait rien à l’affaire.
Donc l’utilitarisme est à côté de la plaque sur toute la ligne.
III. L’EGALITARISME ABSOLU
« Chacun doit recevoir exactement la même part »
Discussion :
1° Rawls : L’égalitarisme implique des prohibitions = interdictions de faire telle ou telle chose.
Exemple : Les jeux d’argent vont produire des inégalités. Donc
Egalité absolue Þ prohibition des jeux d’argent
Donc égalité absolue Þ limitations de la liberté.
2° Hayek : L’égalitarisme implique des obligations de faire telle ou telle chose.
Exemple : Egalité absolue Þ travail pour tous Þ planification du travail Þ obligation d’accepter l’emploi décidé par le planificateur.
3° Objection fondamentale d’après Rawls :
Exemple : on devra accepter la loi suivante : « Ceux (B) qui ont une bonne récolte doivent donner à ceux (M) qui ont une mauvaise récolte » & les récoltes dépendent de la météo.
Þ Les B auront une obligation que n’auront pas nécessairement les M
Donc l’égalité absolue produit des inégalités.
De sorte que finalement l’égalitarisme absolu est irréalisable.
IV. LE DILEMME PRINCIPAL DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE :
LIBERALISME vs. SOCIALISME ou interventionnisme.
LAISSEZ-FAIRE OU ETAT-PROVIDENCE ?
Introduction : Les 3 formes possible de l’échange économique selon François Perroux.
Ce sont :
v la planification
v le marché (loi de l’offre et de la demande)
v le don, qui peut être
o cadeau ou
o charité.
Or la charité est une chose, la justice en est une autre.
A) LA DOCTRINE DU LAISSEZ FAIRE (LIBERALISME CLASSIQUE ou théorie des Harmonies économiques) de Mandeville à Milton Friedman en passant par Adam Smith
Supposons que :
- X & Y échangent librement des produits, ou que
- X & Y s’engagent librement dans un contrat.
Alors, c’est que X & Y y trouvent mutuellement leur intérêt.
Conséquence capitale :
Selon le libéralisme, la justice commutative est condition suffisante de la justice distributive.
Corollaire : la justice est assurée par le mécanisme du marché.
Mais il y a une condition nécessaire : le marché doit être absolument libre, et donc l’Etat ne doit nullement intervenir dans la vie économique. C’est la doctrine du laissez-faire.
Origine : Colbert demande un jour devant des entrepreneurs comment le gouvernement du Roi pourrait aider le commerce. Réponse de François Legendre : « Laissez-nous faire ».
Discussion :
1° Du point de vue interventionniste (d’après J.J. Rousseau)
Considérons l’exemple d’un contrat de travail passé entre
Ø un chômeur sans ressources (qui cherche du travail)
Ø un riche héritier (qui offre du travail)
Nous avons là un exemple de contrat léonin, c'est-à-dire où le plus fort peut imposer sa loi, de telle sorte que le libre contrat ne fait que transmettre la loi du plus fort.
Donc selon Rousseau, le contrat juste présuppose deux conditions :
- non seulement la liberté
- mais aussi l’égalité des contractants.
Pour que le contrat soit juste il faut par conséquent que la justice distributive soit déjà réalisée. Donc la justice distributive ne peut être réalisée par le mécanisme du contrat.
Comme le dira Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Et le libéralisme classique risque de n’être, selon la formule de Jaurès que « la liberté du renard libre dans le poulailler libre ».
2° Du point de vue néolibéral (Hayek)
Selon Hayek, la moralité du marché se révèle analogue à la moralité du jeu. Elle tient en deux principes :
1. Qui accepte les gains accepte les pertes
2. Le joueur injuste est le tricheur ; et donc, inversement, la justice est identique au respect des règles du jeu.
Donc la justice du jeu se situe dans le comportement des joueurs et non dans l’issue du jeu. Même si le joueur sortant du casino est ruiné, du moment que les règles du jeu ont été respectées il n’y a pas d’injustice.
De même la justice du marché tient tout entière dans le respect des règles du marché, par opposition au bilan du marché, dont elle ne dépend pas.
Il s’ensuit que selon le néolibéralisme, ce n’est pas l’affaire du marché que d’assurer la justice distributive, et il ne faut donc pas compter sur lui dans cette fonction.
B) L’INTERVENTIONNISME & LA DOCTRINE DE L’ETAT-PROVIDENCE
1° Le distinguo entre libertés formelles & libertés réelles (d’après Louis Blanc)
Considérons l’exemple des « vacances », d’une part avant l’institution des Congés Payés, d’autre part après :
Ø Avant les congés payés, rien n’interdit de prendre des congés. Donc d’après la maxime libérale « Tout ce qui n’est pas interdit par la loi est permis », tout le monde est libre de prendre des congés, par exemple de partir pour la Riviera en disant à son employeur « Je reviens dans une semaine ». Mais faute de moyens matériels, ce n’est là qu’une liberté formelle.
Ø Après l’institution de congés payés, la loi obligeant au paiement des congés, la liberté de partir en vacances devient liberté réelle.
Comme le dit profondément Louis Blanc : « avec le mot droit, la liberté n’est qu’une théorie vague, tandis que le mot pouvoir tend à en faire une chose réelle ». Cette analyse rejoint celles qui résultent de la logique modale d’aujourd’hui. Au cœur du concept de liberté, il y a celui de possibilité qui prend ici la forme du pouvoiren acquérant force de loi.
2° La conception cartésienne de l’ordre dans le distinguo de Hayek
Descartes, considérant dans la 2e partie du Discours de la méthode l’exemple de la constrution d’une ville, distingue deux façons essentielles dont elle peut se produire :
v ou bien (1) comme ces « anciennes cités qui, n’ayant été au commencement que des bourgades, sont devenues, par succession de temps, de grandes villes » aux « rues courbées et inégales » aux édifices grands et petits, de sorte qu’ « on dirait que c’est plutôt la fortune que la volonté de quelques hommes usant de raison qui les a ainsi disposés » ;
v ou bien (2) comme ces « places régulières qu’un ingénieur trace à sa fantaisie dans une plaine »
Hayek distinguera entre deux sortes d’ordre illustrés d’avance par Descartes : l’ordre agencé du cas (2) et l’ordre spontané du cas (1). L’un des problèmes fondamentaux de la philosophie politique, sinon le plus fondamental, est de déterminer lequel de ces deux ordres est le plus rationnel. Selon Descartes l’ordre spontané semble le fruit du hasard et c’est inversement l’ordre agencé qui porte la marque de la raison. Cette option cartésienne est (le plus souvent à l’état implicite) une de principes majeurs de l’interventionnisme et du socialisme.
3° Conclusion : l’Etat doit intervenir dans l’économie pour assurer
- la justice distributive, mais aussi
- la rationalité économique.
C’est la doctrine de l’Etat-providence.
La discussion de l’interventionnisme par Hayek
Contre le socialisme et toute forme d’interventionnisme, afin d’établir par opposition la supériorité de l’ordre spontané, Hayek va déployer toute une batterie d’arguments d’ordre politique ou éthique
1° Les argument politiques et techniques :
- L’ordre agencé ne peut être qu’un ordre réduit, du fait qu’il est fonction des informations dont dispose une autorité. Ces informations, en effet, sont toujours limitées. L’ordre spontané, au contraire, peut être un ordre développé par mise à contribution de toutes les informations pertinentes. Exemple : la fixation des prix sur le marché.
- L’ordre agencé ne peut être qu’un ordre à court terme, car il est fondé sur notre connaissance des conséquences de nos actes. Or plus on s’enfonce dans l’avenir, moins nous savons quelles conséquences auront nos actions. L’ordre spontané, au contraire peut être un ordre perpétuel, car il est fondé sur l’ignorance où nous sommes des conséquences de nos actes, qui est une constante. Exemple : la priorité à droite, ordre fondé sur le fait que nous ne savons pas ce qui va surgir au prochain carrefour.
Ces arguments suffisent à établir que l’ordre spontané est plus rationnel qu’un ordre planifié.
2° Les arguments éthiques :
- L’ordre agencé implique une ingérence de la loi, sous la forme de commandements particuliers prescrivant à chacun ce qu’il faut faire. L’ordre spontané permet au contraire une limitation de la loi sous forme de règles impersonnelles indiquant seulement ce qu’il ne faut pas faire.
- L’ordre agencé implique le monolithisme social en exigeant un accord sur les fins et donc une même échelle de valeurs pour tous. L’ordre spontané permet au contraire le pluralisme des valeurs en demandant seulement un accord sur les moyens pour chacun de poursuivre ses propres fins. Par exemple un accord sur les revenus.
- L’ordre agencé conduit à une sociéte monocentrique, demandant une obéissance à une volonté ou à une autorité dans une organisation hiérarchique. L’ordre spontané, au contraire, permet une sociéte polycentrique en ne demandant obéissance qu’à des règles convenues et en permetant une accommodation mutuelle entre plusieurs centres de décision situés à un même niveau.
Il s’ensuit que l’ordre spontané doit être préféré aussi pour des raisons éthiques.
V. LA THEORIE DE LA JUSTICE DE JOHN RAWLS
1. La procédure de décision
La théorie de la justice distributive due à Rawls applique la méthode du contrat social traditionnelle sur la liberté, en l’adaptant au problème de la justice.
L’idée de justice distributive implique essentiellement deux choses, l’intéressement et l’impartialité.
Comme nous l’avons vu, s’il n’y avait pas des intérêts en compétition, si chacun pouvait prendre ce qu’il veut, le problème de la justice distributive n’existerait pas. S’il existe, c’est par conséquent dans la mesure où chacun est intéressé au bien à distribuer, de sorte qu’il est attaché à son propre intérêt, en compétition avec celui des autres.
Quant à l’impartialité, Rawls va la garantir par une condition qu’il appelle voile d’ignorance. A savoir que chacun doit ignorer quelle sera sa position dans la société issue du contrat, afin d’éviter qu’il avantage cette position.
2. La définition méthodique de la Justice
A) Réponse de la méthode au problème de la justice dans la distribution de la liberté :
v Chacun a droit au maximum de liberté compatible avec la même liberté pour les autres
En effet, par le voile d’ignorance, chacun ignore quelle sera sa position dans la société. Donc chacun a intérêt à ce que la liberté soit la même pour tous. Sur la liberté, la justice est donc l’égalité.
Par ailleurs la condition d’intéressement demande que la liberté soit maximale.
B) Réponse de la méthode au problème de la justice sociale :
v Chaque position sociale doit être également ouverte à tous
C’est le principe de l’égalité des chances. Avec la même justification par le voile d’ignorance
C) Réponse de la méthode au problème de la justice économique. Ici la question est plus précisément de déterminer à quelle condition une inégalité peut ne pas être une injustice. Réponse :
v Une inégalité n’est pas une injustice si et seulement si elle tourne à l’avantage du plus défavorisé, c'est-à-dire ssi celui qui reçoit le moins dans la situation d’inégalité reçoit plus qu’il ne recevrait en situation égalitaire.
Afin de le démontrer, illustrons la question par le choix soit entre les deux situations A et B :
½ A B
-------------------------
X ½ 3 4
Y ½ 3 5
Z ½ 3 6
Dans le régime économique A, tout le monde reçoit la même part de 3 unités. Dans la situation B, les parts sont inégales, mais celui qui reçoit le moins reçoit davantage qu’en A. Par le voile d’ignorance, chacun ignore s’il y sera dans la position X, Y, ou Z. Par conséquent, le choix se ramène à l’alternative entre 3 parts et au moins quatre parts d’un bien auquel on est intéressé. Donc la condition d’intéressement fera que la situation choisie sera la situation inégalitaire B parce qu’elle tourne à l’avantage du plus défavorisé. CQFD.
Subsite un dernier problème : en cas de conflit entre liberté et égalité, à laquelle donner l’avantage ? La réponse de Rawls est qu’il faut toujours donner l’avantage à la liberté. En effet, si une liberté est sacrifiée à l’égalité, rien ne garantit que cette égalité sera conservée, ni que d’autres libertés ne seront pas perdues. Au contraire, le maintien de la liberté donne des possibilités d’agir politiquement afin de recouvrer l’égalité à laquelle on aurait renoncé.
2e leçon : LA JUSTICE RETRIBUTIVE
Introduction
1. Division des sanctions
Une sanction peut être :
- un châtiment ou
- une récompense
Les récompenses ne sont que des distributions de médailles, etc.
En conséquence le problème de la justice rétributive se ramène pratiquement au problème de la justice dans les châtiments
2. Df du châtiment
Châtier = infliger une peine en raison d’un délit.
Le châtiment doit donc être distingué en particulier de la vengeance.
I. La conception rétributiviste (Kant)
Thèse : Un châtiment est juste dans la mesure où il est mérité.
L’exigence du mérite implique en particulier qu’il y ait responsabilité de celui qui est châtié.
Argument : Il y a justice ssi les bonnes actions sont récompensées
& les mauvaises actions punies
Cet argument exige que tout délit soit sanctionné par une peine.
Discussion :
1° L’actif (Rawls) : la notion de sanction exige la responsabilité de celui qui est châtié.
2° Le passif (Beccaria, David Ross) :
La notion de mérite est une notion morale et relève donc de l’éthique privée.
Le pouvoir judiciaire n’a pas à donner de sanctions morales.
Exemple : si quelqu’un a menti dans sa vie privée, il ne s’ensuit pas qu’il doive faire l’objet de poursuites judiciaires, comparaître devant un tribunal, etc.
Le rôle du pouvoir judiciaire n’est pas de faire régner la Justice sur terre (problème religieux) mais seulement de faire respecter les lois.
II. La conception utilitariste (Bentham)
Un châtiment est justifié dans la mesure où il est utile, i. e. où il a des conséquences bénéfiques.
Trois utilités principales sont invoquées :
Ø l’empêchement de la récidive (par exemple par la prison)
Ø la dissuasion
o du délinquant
o des autres
Ø l’amendement du délinquant, s’il est possible.
Discussion, du point de vue rétributiviste :
Supposons un développement du banditisme.
On ne retrouve aucun des coupables. Cependant on arrête quelqu’un
qui est innocent mais que tout le monde croit coupable.
On lui inflige le châtiment prévu. Ce qui entraîne une réduction du banditisme.
Si on admettait la thèse de l’utilitarisme pur, ce châtiment serait justifié.
D’où l’objection rétributiviste, à savoir qu’une conception purement utilitariste du châtiment aboutit à justifier la punition d’innocents.
III. Position éclectique[2]
Un châtiment est juste dans la mesure où :
1° Il porte sur une infraction aux lois en vigueur[3] (et pas seulement à une règle morale)
2° Il est infligé à une personne responsable de l’action châtiée
3° Il est utile.
Ces conditions qui s’ajoutent sont à prendre dans cet ordre. Par exemple si la condition 1° n’est pas satisfaite, l’action judiciaire n’est pas même engagée.
Remarque : la condition 1° est soumise à la loi du tout ou rien ; la condition 2° relève éventuellement de circonstances atténuantes ; la condition 3° qui admet le plus et le moins est une question de dosage conjectural.
[1] Inversement, la réplique marxiste sera la suivante : le problème de la justice n’est pas un problème à résoudre (théoriquement) mais un problème à supprimer pratiquement par la révolution permettant à la technique libérée de supprimer la rareté.
[2] Rappelons que l’éclectisme signifie prendre le meilleur partout.
[3] Evidemment, le traitement du problème de la justice distributive exposé ici présuppose que, dans le Cours sur le Droit, les fondements du Droit naturel ont été mis en évidence, de sorte que, lorsque nous invoquons ici des lois, il va de soi que nous ne voulons parler que de lois justes. Il serait absurde et vain de définir une « justice » rétributive punissant la transgression de lois injustes. Lorsque les lois du Droit positif sont injustes, c’est évidemment la désobéissance à ces lois qui est juste.
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