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03/09/2017

Cataclysmes - Une histoire environnementale de l'humanité

Cataclysmes Une Histoire environnementale de l'humanité CR.doc

Cataclysmes

Une Histoire environnementale de l'humanité

[Compte rendu publié sur le site Hérodote le 21 6 2017]

 

Spécialiste de l'histoire globale, Laurent Testot publie Cataclysmes, une histoire environnementale de l'humanité (Payot, 2017, 22,50 euros). Une véritable Histoire du Monde, synthétique et érudite...

Sous le titre Cataclysmes, une histoire environnementale de l'humanité, le journaliste Laurent Testot brasse l'histoire de l'humanité depuis ses origines.

Il souligne les liens étroits entre le climat et notre destinée et met l'accent sur le poids des contraintes environnementales. Il détaille aussi les contacts entre les différentes civilisations et leurs conséquences heureuses ou malheureuses. Cette démarche l'éloigne de la tentation trop fréquente de placer l'Europe et l'Occident au cœur de l'Histoire.

Du Paléolithique, nous avons par exemple retenu la façon dont les hommes, grâce à leur technique et à leur capacité à chasser en groupe, ont éliminé les populations de grands herbivores sur toutes les terres qu'ils ont colonisées. Cette prédation à grande échelle a conduit à la désertification de l'Australie car les forêts de ce continent ont flambé sitôt qu'elles ont cessé d'être débroussaillées et entretenues par les troupeaux de grands herbivores (*).

Pour souligner mieux encore l'interpénétration entre la Nature et l'homme, Laurent Testot évoque le « pacte du blé » : cette céréale connaît toutes les espèces d'incessantes mutations génétiques ; l'une d'elles, très rare à l'état naturel, empêche la graine de se détacher de l'épi et de s'enfouir dans le sol en attendant la germination. Il y a 13 000 ans, quand ils ont commencé de collecter les graines et de les semer autour de leurs demeures, les hommes du Moyen-Orient ont, sans y faire attention, privilégié ces graines mutantes qui avaient la particularité de rester accrochées à leur épi en attendant d'être cueillies et enfin semées. C'est comme cela qu'un pacte tacite a permis aux hommes de se nourrir de ces graines et à celles-ci de se multiplier au détriment des autres. Bienvenue dans le Néolithique !

L'agriculture autorise des densités humaines cent fois supérieures aux sociétés de chasseurs-cueilleurs. Elle se base d'abord sur la culture des céréales (blé, orge et seigle au Proche-Orient, riz en Chine, maïs en Amérique centrale) et la découverte concomitante de la poterie qui permet de cuire les farines et de les rendre digestes. En Amérique centrale, on apprend aussi très tôt à cultiver des tubercules (manioc, patate douce)... 

Mais avec des conséquences malvenues : « La Révolution agricole est basée sur le stockage de réserves alimentaires, la constitution de richesse. Ce qui attise la convoitise des voisins. Les traces de violences deviennent de plus en plus fréquentes. Des fortifications sont présentes il y 8000 ans... ». Qui plus est, note Laurent Testot, les populations agricoles, astreintes à un travail répétitif et sensibles aux aléas climatiques, voient leur état général décliner par rapport aux chasseurs-cueilleurs (taille, maladies...). Il faudra attendre l'époque moderne pour qu'elles prennent enfin l'avantage.

Tout cela est raconté de façon parfaitement intelligible. Une gageure au crédit de Laurent Testot qui survole avec aisance les siècles, les techniques et les cultures.

Après l'invention de l'écriture, « s'ensuivent quelques siècles d'anarchie, lors desquels émergent de grandes religions universalistes. Elles instaurent un nouvel idéal : ne pas nuire à autrui. Revers de la médaille : la nature sera chose soumise à Singe [ainsi Laurent Testot qualifie-t-il l'humanité] ». Cinq cents ans avant notre ère, ces religions universalistes culminent dans un choc idéologique qui se prolonge aujourd'hui entre monothéismes, polythéismes, hindouisme, bouddhisme etc. Les unes promettent la vie éternelle, les autres la réincarnation ou le nirvana... Dans le même temps apparaissent les monnaies métalliques et les empires universel (Perse). C'est aussi le début des grands courants d'échanges comme la Route de la Soie. Ce moment a été justement qualifié d'« âge axial » par le philosophe Karl Jaspers, une qualification que Laurent Testot reprend à son compte. 

Quoi qu'il en soit, l'humanité demeure étroitement dépendante de son environnement, des changements climatiques comme des virus et des bacilles. C'est un réchauffement du climat qui a favorisé le passage au Néolithique et à l'agriculture ; c'est aussi un « Optimum climatique » qui a accompagné le « beau Moyen Âge » européen (XIe-XIIIe siècles) mais aussi la belle dynastie Song en Chine et l'expansion démographique des cultivateurs bantous en Afrique.

Ce réchauffement ténu (sans commune mesure avec celui qui nous subissons) a été suivi d'un « Petit Âge glaciaire » et d'un retour des famines. Les Européens de la façade atlantique et de la mer du Nord ont réagi en développant la pêche hauturière, profitant de ce que le refroidissement de l'hémisphère Nord avait aussi fait descendre morues et harengs de l'Arctique vers l'Atlantique. 

Devenus des marins émérites, les Européens ont pu découvrir l'Amérique par les Européens. S'ils ont alors subjugué et soumis les nombreuses populations du Nouveau Monde (environ quatre-vingt millions à l'arrivée de Colomb), c'est que celles-ci ont été très brutalement décimées par le « choc microbien » provoquée par la variole, involontairement importée par les nouveaux-venus. En guise de revanche, les Amérindiens leur transmettront la syphilis. Celle-ci ne sera maîtrisée qu'au XXe siècle.

Notons que la forêt « vierge » d'Amazonie n'est sans doute en fait que le résultat de la disparition de ses habitants : « Aujourd'hui, les archéologues qui fouillent l'immense bassin amazonien (...) ne peuvent donner un coup de pioche sans exhumer trace d'un village. (...) les Amérindiens disparus ont été les meilleurs composteurs de la terre »

Histoires humaines

Le livre est truffé d'anecdotes piquantes comme le récit de la « Noche triste » qui voit l'affrontement décisif entre les Espagnols et les Aztèques.

Nous avons savouré aussi l'histoire plus savante du jeune Georges Cuvier (27 ans) : en 1796, à partir de dents d'éléphants fossiles, il démontre pour la première fois que des espèces animales ont pu naître et disparaître. C'en est fini de la croyance selon laquelle le monde et ses habitants ont été créés une bonne fois pour toutes par Dieu.

Parmi les individus plus ou moins méconnus qui ont marqué l'histoire de leur empreinte, signalons ces aventuriers britanniques qui ont au XIXe siècle subtilisé ici des théiers, là des arbres à quinine, pour en développer la culture sur les terres de leur souverain... Signalons aussi ce négociant chinois qui a dérobé aux Philippines des plants de patate douce et permis à la Chine d'en développer la culture.

Convenons avec Laurent Testot que la première mondialisation, inaugurée par les Portugais et les Espagnols au XVe siècle, n'a pas eu que des effets ravageurs ! L'arbre à quinine, dont les vertus auraient été identifiées en Amazonie par des jésuites, a ainsi permis de combattre efficacement le paludisme, une maladie pluri-millénaire qui frappe les habitants des régions marécageuses. Les populations d'Europe, d'Afrique et d'Asie ont d'autre part réussi à mieux se nourrir grâce à des plantes venues d'Amérique : respectivement la pomme de terre, le manioc et la patate douce, sans parler du maïs, une céréale proprement miraculeuse qui donne une centaine de grains par épi, avec un rendement aussi élevé que le riz.

L'auteur note aussi que les désastres consécutifs au Petit Âge glaciaire, au XVIIe siècle, ont parfois pu être maîtrisés. Ainsi, au Japon, le gouvernement militaire des Tokugawa a fait reculer les famines par des mesures strictes : baisse des impôts sur la paysannerie, interdiction de planter du tabac ou de divertir du riz pour produire de l'alcool etc.

Dans le même sens, si l'économie de marché a pu s'épanouir en Angleterre et en Occident au XVIIIe siècle, c'est grâce à la régulation par les États, conformément aux vues du théoricien du libéralisme Adam Smith« l'économie de marché n'est possible que si la confiance cimente les échanges. Smith défend que l'État doit intervenir dans la vie économique pour garantir cette confiance... » Avec ce constat : « Le capitalisme balbutiant du XVIIIe siècle est profondément protectionniste ».

Élans brisés

Sans prétendre refaire l'Histoire, l'auteur de Cataclysmes montre que la Chine des Song, il y a mille ans, témoignait déjà de grandes avancées techniques et économiques, avec notamment l'apparition d'une première industrie sidérurgique au nord de l'empire. Mais l'irruption soudaine de barbares venus de la steppe a brisé net cet élan.

Peu avant, l'empire arabo-persan de Bagdad bénéficiait d'une accumulation de savoirs qu'il n'a pas eu le temps de mettre à profit. Cette fois, ce sont les Turcs et les Mongols qui l'ont réduite à néant. Atterrés par le désastre, les ulémas, protecteurs de la foi musulmane, ont dès lors choisi le repli sur les fondamentaux et coupé court à toute pensée critique (ijtihad).

Même phénomène avec la civilisation gréco-romaine, à laquelle le savoir-faire technique et le potentiel scientifique laissaient augurer un bel avenir. Celui-ci a été brisé par les invasions, elles-mêmes liées à une malheureuse vague de froid dans la steppe sibérienne, qui a poussé les nomades à chercher refuge dans les empires de la périphérie (Rome et Chine).

C'est finalement la civilisation issue de la chrétienté médiévale qui a remporté le morceau. Les historiens n'en finissent pas de s'interroger aujourd'hui sur les origines de ce « miracle ». Mais tous s'accordent avec Laurent Testot sur ses effets ravageurs aux Temps modernes sous l'effet d'un capitalisme déchaîné : colonisation et développement de l'économie de plantation, destruction des ressources naturelles.

Faute d'en avoir tiré les enseignements, nous sommes aujourd'hui entrés dans le « Temps de la démesure ». Il est illustré par les deux visages du chimiste allemand Fritz Haber (1868-1934) : il a réussi en 1909 à fixer l'azote de l'air pour fabriquer de l'ammoniac et produire en grande quantité des engrais azotés de synthèse, grâce à quoi l'humanité a pu accroître ses productions agricoles et échapper aux famines ; mais quelques années plus tard, il a aussi mis son génie au service de la guerre moderne en inventant l'ypérite et les gaz de combat. Avec pour récompense un Prix Nobel de chimie en 1919.  

Cataclysmes est à notre connaissance le premier livre en langue française qui raconte l'Histoire mondiale de façon synthétique. Limpide et érudit, également palpitant, il se lit comme un roman et renouvelle avec pertinence notre vision du monde passé, présent et futur. À mettre entre toutes les mains.

André Larané

 

Cataclysmes

Une Histoire environnementale de l'humanité

[Compte rendu publié sur le site Hérodote le 21 6 2017]

 

Spécialiste de l'histoire globale, Laurent Testot publie Cataclysmes, une histoire environnementale de l'humanité (Payot, 2017, 22,50 euros). Une véritable Histoire du Monde, synthétique et érudite...

Sous le titre Cataclysmes, une histoire environnementale de l'humanité, le journaliste Laurent Testot brasse l'histoire de l'humanité depuis ses origines.

Il souligne les liens étroits entre le climat et notre destinée et met l'accent sur le poids des contraintes environnementales. Il détaille aussi les contacts entre les différentes civilisations et leurs conséquences heureuses ou malheureuses. Cette démarche l'éloigne de la tentation trop fréquente de placer l'Europe et l'Occident au cœur de l'Histoire.

Du Paléolithique, nous avons par exemple retenu la façon dont les hommes, grâce à leur technique et à leur capacité à chasser en groupe, ont éliminé les populations de grands herbivores sur toutes les terres qu'ils ont colonisées. Cette prédation à grande échelle a conduit à la désertification de l'Australie car les forêts de ce continent ont flambé sitôt qu'elles ont cessé d'être débroussaillées et entretenues par les troupeaux de grands herbivores (*).

Pour souligner mieux encore l'interpénétration entre la Nature et l'homme, Laurent Testot évoque le « pacte du blé » : cette céréale connaît toutes les espèces d'incessantes mutations génétiques ; l'une d'elles, très rare à l'état naturel, empêche la graine de se détacher de l'épi et de s'enfouir dans le sol en attendant la germination. Il y a 13 000 ans, quand ils ont commencé de collecter les graines et de les semer autour de leurs demeures, les hommes du Moyen-Orient ont, sans y faire attention, privilégié ces graines mutantes qui avaient la particularité de rester accrochées à leur épi en attendant d'être cueillies et enfin semées. C'est comme cela qu'un pacte tacite a permis aux hommes de se nourrir de ces graines et à celles-ci de se multiplier au détriment des autres. Bienvenue dans le Néolithique !

L'agriculture autorise des densités humaines cent fois supérieures aux sociétés de chasseurs-cueilleurs. Elle se base d'abord sur la culture des céréales (blé, orge et seigle au Proche-Orient, riz en Chine, maïs en Amérique centrale) et la découverte concomitante de la poterie qui permet de cuire les farines et de les rendre digestes. En Amérique centrale, on apprend aussi très tôt à cultiver des tubercules (manioc, patate douce)... 

Mais avec des conséquences malvenues : « La Révolution agricole est basée sur le stockage de réserves alimentaires, la constitution de richesse. Ce qui attise la convoitise des voisins. Les traces de violences deviennent de plus en plus fréquentes. Des fortifications sont présentes il y 8000 ans... ». Qui plus est, note Laurent Testot, les populations agricoles, astreintes à un travail répétitif et sensibles aux aléas climatiques, voient leur état général décliner par rapport aux chasseurs-cueilleurs (taille, maladies...). Il faudra attendre l'époque moderne pour qu'elles prennent enfin l'avantage.

Tout cela est raconté de façon parfaitement intelligible. Une gageure au crédit de Laurent Testot qui survole avec aisance les siècles, les techniques et les cultures.

Après l'invention de l'écriture, « s'ensuivent quelques siècles d'anarchie, lors desquels émergent de grandes religions universalistes. Elles instaurent un nouvel idéal : ne pas nuire à autrui. Revers de la médaille : la nature sera chose soumise à Singe [ainsi Laurent Testot qualifie-t-il l'humanité] ». Cinq cents ans avant notre ère, ces religions universalistes culminent dans un choc idéologique qui se prolonge aujourd'hui entre monothéismes, polythéismes, hindouisme, bouddhisme etc. Les unes promettent la vie éternelle, les autres la réincarnation ou le nirvana... Dans le même temps apparaissent les monnaies métalliques et les empires universel (Perse). C'est aussi le début des grands courants d'échanges comme la Route de la Soie. Ce moment a été justement qualifié d'« âge axial » par le philosophe Karl Jaspers, une qualification que Laurent Testot reprend à son compte. 

Quoi qu'il en soit, l'humanité demeure étroitement dépendante de son environnement, des changements climatiques comme des virus et des bacilles. C'est un réchauffement du climat qui a favorisé le passage au Néolithique et à l'agriculture ; c'est aussi un « Optimum climatique » qui a accompagné le « beau Moyen Âge » européen (XIe-XIIIe siècles) mais aussi la belle dynastie Song en Chine et l'expansion démographique des cultivateurs bantous en Afrique.

Ce réchauffement ténu (sans commune mesure avec celui qui nous subissons) a été suivi d'un « Petit Âge glaciaire » et d'un retour des famines. Les Européens de la façade atlantique et de la mer du Nord ont réagi en développant la pêche hauturière, profitant de ce que le refroidissement de l'hémisphère Nord avait aussi fait descendre morues et harengs de l'Arctique vers l'Atlantique. 

Devenus des marins émérites, les Européens ont pu découvrir l'Amérique par les Européens. S'ils ont alors subjugué et soumis les nombreuses populations du Nouveau Monde (environ quatre-vingt millions à l'arrivée de Colomb), c'est que celles-ci ont été très brutalement décimées par le « choc microbien » provoquée par la variole, involontairement importée par les nouveaux-venus. En guise de revanche, les Amérindiens leur transmettront la syphilis. Celle-ci ne sera maîtrisée qu'au XXe siècle.

Notons que la forêt « vierge » d'Amazonie n'est sans doute en fait que le résultat de la disparition de ses habitants : « Aujourd'hui, les archéologues qui fouillent l'immense bassin amazonien (...) ne peuvent donner un coup de pioche sans exhumer trace d'un village. (...) les Amérindiens disparus ont été les meilleurs composteurs de la terre »

Histoires humaines

Le livre est truffé d'anecdotes piquantes comme le récit de la « Noche triste » qui voit l'affrontement décisif entre les Espagnols et les Aztèques.

Nous avons savouré aussi l'histoire plus savante du jeune Georges Cuvier (27 ans) : en 1796, à partir de dents d'éléphants fossiles, il démontre pour la première fois que des espèces animales ont pu naître et disparaître. C'en est fini de la croyance selon laquelle le monde et ses habitants ont été créés une bonne fois pour toutes par Dieu.

Parmi les individus plus ou moins méconnus qui ont marqué l'histoire de leur empreinte, signalons ces aventuriers britanniques qui ont au XIXe siècle subtilisé ici des théiers, là des arbres à quinine, pour en développer la culture sur les terres de leur souverain... Signalons aussi ce négociant chinois qui a dérobé aux Philippines des plants de patate douce et permis à la Chine d'en développer la culture.

Convenons avec Laurent Testot que la première mondialisation, inaugurée par les Portugais et les Espagnols au XVe siècle, n'a pas eu que des effets ravageurs ! L'arbre à quinine, dont les vertus auraient été identifiées en Amazonie par des jésuites, a ainsi permis de combattre efficacement le paludisme, une maladie pluri-millénaire qui frappe les habitants des régions marécageuses. Les populations d'Europe, d'Afrique et d'Asie ont d'autre part réussi à mieux se nourrir grâce à des plantes venues d'Amérique : respectivement la pomme de terre, le manioc et la patate douce, sans parler du maïs, une céréale proprement miraculeuse qui donne une centaine de grains par épi, avec un rendement aussi élevé que le riz.

L'auteur note aussi que les désastres consécutifs au Petit Âge glaciaire, au XVIIe siècle, ont parfois pu être maîtrisés. Ainsi, au Japon, le gouvernement militaire des Tokugawa a fait reculer les famines par des mesures strictes : baisse des impôts sur la paysannerie, interdiction de planter du tabac ou de divertir du riz pour produire de l'alcool etc.

Dans le même sens, si l'économie de marché a pu s'épanouir en Angleterre et en Occident au XVIIIe siècle, c'est grâce à la régulation par les États, conformément aux vues du théoricien du libéralisme Adam Smith« l'économie de marché n'est possible que si la confiance cimente les échanges. Smith défend que l'État doit intervenir dans la vie économique pour garantir cette confiance... » Avec ce constat : « Le capitalisme balbutiant du XVIIIe siècle est profondément protectionniste ».

Élans brisés

Sans prétendre refaire l'Histoire, l'auteur de Cataclysmes montre que la Chine des Song, il y a mille ans, témoignait déjà de grandes avancées techniques et économiques, avec notamment l'apparition d'une première industrie sidérurgique au nord de l'empire. Mais l'irruption soudaine de barbares venus de la steppe a brisé net cet élan.

Peu avant, l'empire arabo-persan de Bagdad bénéficiait d'une accumulation de savoirs qu'il n'a pas eu le temps de mettre à profit. Cette fois, ce sont les Turcs et les Mongols qui l'ont réduite à néant. Atterrés par le désastre, les ulémas, protecteurs de la foi musulmane, ont dès lors choisi le repli sur les fondamentaux et coupé court à toute pensée critique (ijtihad).

Même phénomène avec la civilisation gréco-romaine, à laquelle le savoir-faire technique et le potentiel scientifique laissaient augurer un bel avenir. Celui-ci a été brisé par les invasions, elles-mêmes liées à une malheureuse vague de froid dans la steppe sibérienne, qui a poussé les nomades à chercher refuge dans les empires de la périphérie (Rome et Chine).

C'est finalement la civilisation issue de la chrétienté médiévale qui a remporté le morceau. Les historiens n'en finissent pas de s'interroger aujourd'hui sur les origines de ce « miracle ». Mais tous s'accordent avec Laurent Testot sur ses effets ravageurs aux Temps modernes sous l'effet d'un capitalisme déchaîné : colonisation et développement de l'économie de plantation, destruction des ressources naturelles.

Faute d'en avoir tiré les enseignements, nous sommes aujourd'hui entrés dans le « Temps de la démesure ». Il est illustré par les deux visages du chimiste allemand Fritz Haber (1868-1934) : il a réussi en 1909 à fixer l'azote de l'air pour fabriquer de l'ammoniac et produire en grande quantité des engrais azotés de synthèse, grâce à quoi l'humanité a pu accroître ses productions agricoles et échapper aux famines ; mais quelques années plus tard, il a aussi mis son génie au service de la guerre moderne en inventant l'ypérite et les gaz de combat. Avec pour récompense un Prix Nobel de chimie en 1919.  

Cataclysmes est à notre connaissance le premier livre en langue française qui raconte l'Histoire mondiale de façon synthétique. Limpide et érudit, également palpitant, il se lit comme un roman et renouvelle avec pertinence notre vision du monde passé, présent et futur. À mettre entre toutes les mains.

André Larané

 

Le saint-simonisme

Saint-simonisme.doc

                        LE SAINT-SIMONISME

 

[Mouvement d’hommes et d’idées qui a joué un rôle essentiel au XIXe, le saint-simonisme a été ensuite complètement oublié, y compris dans les livres d’histoire. Il a été redécouvert voici quelques décennies par les historiens, bien avant que notre actuel président de la République ne s’en réclame, ce qui ne manque pas d’intérêt mais est un peu ambigu, comme la notice ci-dessous permettra au lecteur de le comprendre. Si cette même notice est suceptible d’intéresser de futurs ingénieurs, c’est parce qu’elle montre l’importance que le Saint-simonisme, qui a beaucoup recruté parmi les polytechniciens, accordait à ce nouveau type humain et social, au moins autant que professionnel, caractéristique de la modernité du XIXe siècle. Il ya donc ici beaucoup à glaner pour tous ceux qui s’interrogent sur la place, effective ou rêvée, qui a été, ou qui peut être, celle de l’ingénieur dans le monde social, et on sait que les jurys questionnent volontiers les gentils candidats à ce propos… G.B.]

 

Le saint-simonisme est une idéologie reposant sur une doctrine socio-économique et politique dont l'influence fut déterminante au XIXe siècle. Elle tient son nom du comte de Saint-Simon (1760-1825). Ses disciples ou partisans sont qualifiés de « saint-simoniens ». Elle peut être considérée comme la pensée fondatrice de la société industrielle française.

Si l'on en croit les présupposés établis par Saint-Simon, il s'agirait d'en finir avec les révolutions des XVIIIe et XIXe siècles et les guerres, mais aussi les privilèges, les inégalités, les injustices, l'égoïsme, tout autant que l'intolérance, l'obscurantisme et bien sûr le féodalisme, en un mot ce à quoi il pense pouvoir résumer l'Ancien Régime. Il propose donc un changement de société et préconise une société fraternelle dont les membres les plus compétents (industriels, scientifiques, artistes, intellectuels, ingénieurs…) auraient pour tâche d'administrer la France d’une manière conforme à la rationalité économique, afin d'en faire un pays prospère, où règneraient l'esprit d'entreprise, l'intérêt général, la liberté, l'égalité et la paix.

Sous l'impulsion de l'un de ses principaux représentants, Barthélemy Prosper Enfantin, cette doctrine, au moment de son plus fort développement (vers 1830), prend la forme d'une société religieuse utopique.

 

Doctrine

Le comte de Saint-Simon est mobilisé par la recherche d'un principe universel capable de sous-tendre une philosophie conçue comme la science générale, c'est-à-dire la synthèse des sciences particulières. La gravitation universelle fera office de principe unique. Saint-Simon propose donc de remplacer l'idée abstraite de Dieu par la loi universelle de la gravitation, loi à laquelle Dieu aurait soumis l'univers. Newton l'a découverte, mais cinq « géants » en avaient précédemment posé les bases : Copernic, Kepler, Galilée, Huygens et Descartes.

Il affirme « qu'en y mettant les ménagements convenables, la philosophie de la gravitation peut remplacer successivement et sans secousse, par des idées plus claires et plus précises, tous les principes de morale utile que la théologie enseigne ». Dans la Lettre d'un habitant de Genève à ses contemporains (1803), il conçoit le projet de l'ouverture d'une souscription devant le tombeau de Newton, posant ainsi le fondement d'une sorte de « religion » de la science. On peut considérer que Saint-Simon est ainsi l'héritier, avec deux siècles de retard, de la théorie de l'héliocentrisme, et de la révolution copernicienne qui s'est développée aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Doctrine sociale

Sur le plan social, la société proposée par Saint-Simon est fondée sur le principe de l'égalité parfaite et sur l'association entre les Hommes. Les privilèges de la noblesse et de la royauté doivent être supprimés pour en finir avec la féodalité et parce que l'aristocratie vit aux dépens de la nation. Elle s'oppose à tout privilège et droit de naissance.

Chacun doit pouvoir grimper dans l'échelle sociale et arriver au premier rang en fonction de ses mérites, alors que dans la réalité sociale du XIXe siècle une immense majorité de travailleurs de toute nature est exploitée par une faible minorité d'oisifs (notamment les « propriétaires-rentiers »). Mais le travail de chacun  doit être utile à la société. Chacun doit obtenir la considération de la société, et doit obtenir des bénéfices, proportionnellement à sa capacité.

Mais si l’on veut parvenir à ces buts, l'industrie doit prendre le pas dans la société. Les industriels sont invités à former un parti et à prendre le pouvoir. Il faudra obenir non seulement l'union  de tous les producteurs, mais la collaboration des  savants, des  théologiens, des artistes, des légistes, et aussi des rentiers les plus capables, pour organiser le nouveau système social, qui devra être le plus avantageux pour l'industrie et les producteurs, utile à toute la société, et pragmatique, c'est-à-dire prendre en compte l'état actuel de la société.

Il faudra aussi encourager l'industrie, l'agriculture, le commerce et augmenter la production, faire de grands travaux, afin d'élever le niveau de vie des Français.

Doctrine spirituelle

Saint-Simon entend donner le pouvoir spirituel aux scientifiques, dont les industriels sont les garants. Une morale commune, fondement spirituel de la société, doit servir de guide pour que règne le bonheur entre les Hommes, et régir les individus aussi bien que la société, dans le but de rendre l'homme le plus heureux possible. Elle doit être basée sur la liberté de conscience et est déduite du principe « les Hommes doivent se regarder comme frères, s'associer et s'entraider ». Cette morale doit cependant être laïque et rationnelle, car elle est basée sur les intérêts palpables des Hommes, la quête du bonheur et de la fraternité.

Cette morale doit avoir pour but d'instaurer une organisation de la société qui pousse l'Homme à mettre le meilleur de lui-même au service des autres. Son principe général doit être de diriger la société vers l'amélioration physique, morale et intellectuelle des Hommes et d'établir une organisation sociale qui assure du travail à tout le monde, car « l'homme le plus heureux est celui qui travaille et la famille la plus heureuse est celle dont tous les membres emploient utilement leur temps ». Il conviendra d’ajouter une instruction rationnelle, et des jouissances propres à développer l'intelligence des prolétaires.

Cette morale  doit attirer l'attention de l'Homme sur les intérêts communs des membres de la société. La politique ne doit être que l'application de la morale et doit être motivée par le bon sens et l'amour du prochain, et non par la charité (au sens péjoratif qu’a pris ce mot au XIXe).

Doctrine politique

Saint-Simon veut que les industriels, les cultivateurs et les négociants les plus capables et les plus désintéressés, non pas dirigent, mais administrent la nation en conformité avec la rationalité économique, et conçoivent le budget de l’état comme celui d’une entreprise. Il souhaite que la société devienne un grand atelier où chaque classe a un rôle utile.

Pour lui, les industriels doivent s'associer avec leurs ouvriers. Cette association doit être basée sur les sentiments (sur l’empathie) et sur le sens moral, afin de transcender les intérêts particuliers au nom de l'intérêt général et du bien public. Les industriels doivent guider leurs égaux et associés, et leur direction fraternelle reposer sur l'affection, l'estime et la confiance.

La politique n'est que la science de la production et le peuple doit être associé à la politique, comme il l'est à la production.

Selon Pierre Musso, l'association entre les Hommes et les liens de fraternité que St-Simon  souhaite entre les hommes, contre l'individualisme et les intérêts particuliers, répondent à une analogie avec les réseaux physiques (ceux par exemple des canaux dans sa Picardie natale), d'où le nom de philosophie des réseaux.

Saint-Simon pense donc que l'État doit garantir la paix et ne doit assurer à l'industrie que sa sécurité, et au commerce que la liberté des échanges. Pour construire le nouvel édifice social, il préconise l'instauration d'un Parlement à trois niveaux :

  • une chambre d'inventeurs, ingénieurs, artistes ou architectes chargés d'élaborer un projet de développement économique et social et de promouvoir les projets du parlement, les bienfaits du travail, l'amélioration du sort du peuple et les idées de progrès ;
  • une chambre chargée de l'examen des projets de la chambre d'invention, composée de savants, qui doit proposer un nouveau programme d'instruction publique et des fêtes censées rappeler aux hommes leurs devoirs ;
  • une chambre chargée de l'exécution des projets et composée uniquement des plus importants industriels.

Enfin, tous les Français doivent élaborer un programme de défense nationale, afin de défendre la France en cas d'attaque militaire.

Saint-Simon rêve d'un âge industriel faisant suite à l'âge féodal, et d'une fédération groupant tous les gouvernements d'Europe.

Doctrine religieuse

Barthélémy-Prosper Enfantin, chef de la religion saint-simonienne

À la fin de sa vie, Saint-Simon jette les bases d'une nouvelle « religion », qu'il appelle « Nouveau Christianisme », afin de lutter contre l'égoïsme et l'individualisme.

Reprenant les principes moraux du christianisme, cette nouvelle religion, considérée plutôt comme un nouveau code moral, doit être philanthropique et devenir le fondement spirituel de la société : « aimez votre prochain comme vous-même » et « les Hommes doivent se regarder comme frères ». Elle doit également enseigner à l'Homme que pour obtenir la vie éternelle, il doit travailler à l'amélioration de l'existence de son semblable et défendre l'intérêt général au détriment de l'intérêt particulier. Elle a pour but déclaré « l'amélioration du sort moral, physique et intellectuel de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ». Elle ne doit pas liguer les classes entre elles, mais encourager et honorer le travail. Elle proscrit le sang, la violence, l'iniquité et la ruse.

Son avènement liera les artistes, les savants et les industriels, les fera directeurs de l'espèce humaine, placera les beaux-arts, les sciences, l'industrie à la tête des connaissances sacrées. Enfin, elle annonce que le paradis sur terre est proche, car en se rendant maître de la Nature, les Hommes, par leur travail, satisferont leurs besoins matériels comme spirituels. Il s'ensuivra une société du bien-être, où règneront la liberté et la paix.

Bien qu’ils reprennent  les fondements de sa doctrine, les disciples de Saint-Simon en rejettent plusieurs points importants : alors qu’il déclare que la société industrielle doit être fondée sur l’association des compétences et être la plus égalitaire possible, l’école saint-simonienne pense que la société doit être hiérarchisée selon les mérites de chacun. En outre elle dénonce la propriété et l’héritage comme une forme d’exploitation de l’homme par l’homme, la remplace par le collectivisme et refuse le libre-échange. De la nouvelle morale de Saint-Simon, l’école fait un dogme avec son église, ses rites et sa hiérarchie.

Ses disciples mettent en pratique l'industrialisme de Saint-Simon :

  • développement économique : industrie, banques, transports ferroviaires et maritimes, assurances, exploitation des mines ;
  • engagement politique, scientifique, culturel.

Ils revendiquent l'égalité entre les hommes et les femmes, mais échouent à établir l'égalité entre les classes.

 

Les saint-simoniens sont à l'origine de grands travaux pendant la Révolution industrielle :

Ils participent aussi à des traités de libre-échange.

 

Les idées saint-simoniennes dans l'économie, dans leur version libérale, sont adoptées par Napoléon III, à travers son proche conseiller Michel Chevalier.

Les héritiers de Saint-Simon exercent ainsi une influence déterminante à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, d'abord en France : économistes, sociologues, industriels, hommes politiques, scientifiques, souvent polytechniciens.

Le saint-simonisme pratique

La pratique industrielle

Les chemins de fer avaient toujours préoccupé les saint-simoniens. Emile Pereire avait été à l’origine de la construction du Paris-Saint Germain (1835). Les divisions entre compagni

                        LE SAINT-SIMONISME

 

[Mouvement d’hommes et d’idées qui a joué un rôle essentiel au XIXe, le saint-simonisme a été ensuite complètement oublié, y compris dans les livres d’histoire. Il a été redécouvert voici quelques décennies par les historiens, bien avant que notre actuel président de la République ne s’en réclame, ce qui ne manque pas d’intérêt mais est un peu ambigu, comme la notice ci-dessous permettra au lecteur de le comprendre. Si cette même notice est suceptible d’intéresser de futurs ingénieurs, c’est parce qu’elle montre l’importance que le Saint-simonisme, qui a beaucoup recruté parmi les polytechniciens, accordait à ce nouveau type humain et social, au moins autant que professionnel, caractéristique de la modernité du XIXe siècle. Il ya donc ici beaucoup à glaner pour tous ceux qui s’interrogent sur la place, effective ou rêvée, qui a été, ou qui peut être, celle de l’ingénieur dans le monde social, et on sait que les jurys questionnent volontiers les gentils candidats à ce propos… G.B.]

 

Le saint-simonisme est une idéologie reposant sur une doctrine socio-économique et politique dont l'influence fut déterminante au XIXe siècle. Elle tient son nom du comte de Saint-Simon (1760-1825). Ses disciples ou partisans sont qualifiés de « saint-simoniens ». Elle peut être considérée comme la pensée fondatrice de la société industrielle française.

Si l'on en croit les présupposés établis par Saint-Simon, il s'agirait d'en finir avec les révolutions des XVIIIe et XIXe siècles et les guerres, mais aussi les privilèges, les inégalités, les injustices, l'égoïsme, tout autant que l'intolérance, l'obscurantisme et bien sûr le féodalisme, en un mot ce à quoi il pense pouvoir résumer l'Ancien Régime. Il propose donc un changement de société et préconise une société fraternelle dont les membres les plus compétents (industriels, scientifiques, artistes, intellectuels, ingénieurs…) auraient pour tâche d'administrer la France d’une manière conforme à la rationalité économique, afin d'en faire un pays prospère, où règneraient l'esprit d'entreprise, l'intérêt général, la liberté, l'égalité et la paix.

Sous l'impulsion de l'un de ses principaux représentants, Barthélemy Prosper Enfantin, cette doctrine, au moment de son plus fort développement (vers 1830), prend la forme d'une société religieuse utopique.

 

Doctrine

Le comte de Saint-Simon est mobilisé par la recherche d'un principe universel capable de sous-tendre une philosophie conçue comme la science générale, c'est-à-dire la synthèse des sciences particulières. La gravitation universelle fera office de principe unique. Saint-Simon propose donc de remplacer l'idée abstraite de Dieu par la loi universelle de la gravitation, loi à laquelle Dieu aurait soumis l'univers. Newton l'a découverte, mais cinq « géants » en avaient précédemment posé les bases : Copernic, Kepler, Galilée, Huygens et Descartes.

Il affirme « qu'en y mettant les ménagements convenables, la philosophie de la gravitation peut remplacer successivement et sans secousse, par des idées plus claires et plus précises, tous les principes de morale utile que la théologie enseigne ». Dans la Lettre d'un habitant de Genève à ses contemporains (1803), il conçoit le projet de l'ouverture d'une souscription devant le tombeau de Newton, posant ainsi le fondement d'une sorte de « religion » de la science. On peut considérer que Saint-Simon est ainsi l'héritier, avec deux siècles de retard, de la théorie de l'héliocentrisme, et de la révolution copernicienne qui s'est développée aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Doctrine sociale

Sur le plan social, la société proposée par Saint-Simon est fondée sur le principe de l'égalité parfaite et sur l'association entre les Hommes. Les privilèges de la noblesse et de la royauté doivent être supprimés pour en finir avec la féodalité et parce que l'aristocratie vit aux dépens de la nation. Elle s'oppose à tout privilège et droit de naissance.

Chacun doit pouvoir grimper dans l'échelle sociale et arriver au premier rang en fonction de ses mérites, alors que dans la réalité sociale du XIXe siècle une immense majorité de travailleurs de toute nature est exploitée par une faible minorité d'oisifs (notamment les « propriétaires-rentiers »). Mais le travail de chacun  doit être utile à la société. Chacun doit obtenir la considération de la société, et doit obtenir des bénéfices, proportionnellement à sa capacité.

Mais si l’on veut parvenir à ces buts, l'industrie doit prendre le pas dans la société. Les industriels sont invités à former un parti et à prendre le pouvoir. Il faudra obenir non seulement l'union  de tous les producteurs, mais la collaboration des  savants, des  théologiens, des artistes, des légistes, et aussi des rentiers les plus capables, pour organiser le nouveau système social, qui devra être le plus avantageux pour l'industrie et les producteurs, utile à toute la société, et pragmatique, c'est-à-dire prendre en compte l'état actuel de la société.

Il faudra aussi encourager l'industrie, l'agriculture, le commerce et augmenter la production, faire de grands travaux, afin d'élever le niveau de vie des Français.

Doctrine spirituelle

Saint-Simon entend donner le pouvoir spirituel aux scientifiques, dont les industriels sont les garants. Une morale commune, fondement spirituel de la société, doit servir de guide pour que règne le bonheur entre les Hommes, et régir les individus aussi bien que la société, dans le but de rendre l'homme le plus heureux possible. Elle doit être basée sur la liberté de conscience et est déduite du principe « les Hommes doivent se regarder comme frères, s'associer et s'entraider ». Cette morale doit cependant être laïque et rationnelle, car elle est basée sur les intérêts palpables des Hommes, la quête du bonheur et de la fraternité.

Cette morale doit avoir pour but d'instaurer une organisation de la société qui pousse l'Homme à mettre le meilleur de lui-même au service des autres. Son principe général doit être de diriger la société vers l'amélioration physique, morale et intellectuelle des Hommes et d'établir une organisation sociale qui assure du travail à tout le monde, car « l'homme le plus heureux est celui qui travaille et la famille la plus heureuse est celle dont tous les membres emploient utilement leur temps ». Il conviendra d’ajouter une instruction rationnelle, et des jouissances propres à développer l'intelligence des prolétaires.

Cette morale  doit attirer l'attention de l'Homme sur les intérêts communs des membres de la société. La politique ne doit être que l'application de la morale et doit être motivée par le bon sens et l'amour du prochain, et non par la charité (au sens péjoratif qu’a pris ce mot au XIXe).

Doctrine politique

Saint-Simon veut que les industriels, les cultivateurs et les négociants les plus capables et les plus désintéressés, non pas dirigent, mais administrent la nation en conformité avec la rationalité économique, et conçoivent le budget de l’état comme celui d’une entreprise. Il souhaite que la société devienne un grand atelier où chaque classe a un rôle utile.

Pour lui, les industriels doivent s'associer avec leurs ouvriers. Cette association doit être basée sur les sentiments (sur l’empathie) et sur le sens moral, afin de transcender les intérêts particuliers au nom de l'intérêt général et du bien public. Les industriels doivent guider leurs égaux et associés, et leur direction fraternelle reposer sur l'affection, l'estime et la confiance.

La politique n'est que la science de la production et le peuple doit être associé à la politique, comme il l'est à la production.

Selon Pierre Musso, l'association entre les Hommes et les liens de fraternité que St-Simon  souhaite entre les hommes, contre l'individualisme et les intérêts particuliers, répondent à une analogie avec les réseaux physiques (ceux par exemple des canaux dans sa Picardie natale), d'où le nom de philosophie des réseaux.

Saint-Simon pense donc que l'État doit garantir la paix et ne doit assurer à l'industrie que sa sécurité, et au commerce que la liberté des échanges. Pour construire le nouvel édifice social, il préconise l'instauration d'un Parlement à trois niveaux :

  • une chambre d'inventeurs, ingénieurs, artistes ou architectes chargés d'élaborer un projet de développement économique et social et de promouvoir les projets du parlement, les bienfaits du travail, l'amélioration du sort du peuple et les idées de progrès ;
  • une chambre chargée de l'examen des projets de la chambre d'invention, composée de savants, qui doit proposer un nouveau programme d'instruction publique et des fêtes censées rappeler aux hommes leurs devoirs ;
  • une chambre chargée de l'exécution des projets et composée uniquement des plus importants industriels.

Enfin, tous les Français doivent élaborer un programme de défense nationale, afin de défendre la France en cas d'attaque militaire.

Saint-Simon rêve d'un âge industriel faisant suite à l'âge féodal, et d'une fédération groupant tous les gouvernements d'Europe.

Doctrine religieuse

Barthélémy-Prosper Enfantin, chef de la religion saint-simonienne

À la fin de sa vie, Saint-Simon jette les bases d'une nouvelle « religion », qu'il appelle « Nouveau Christianisme », afin de lutter contre l'égoïsme et l'individualisme.

Reprenant les principes moraux du christianisme, cette nouvelle religion, considérée plutôt comme un nouveau code moral, doit être philanthropique et devenir le fondement spirituel de la société : « aimez votre prochain comme vous-même » et « les Hommes doivent se regarder comme frères ». Elle doit également enseigner à l'Homme que pour obtenir la vie éternelle, il doit travailler à l'amélioration de l'existence de son semblable et défendre l'intérêt général au détriment de l'intérêt particulier. Elle a pour but déclaré « l'amélioration du sort moral, physique et intellectuel de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ». Elle ne doit pas liguer les classes entre elles, mais encourager et honorer le travail. Elle proscrit le sang, la violence, l'iniquité et la ruse.

Son avènement liera les artistes, les savants et les industriels, les fera directeurs de l'espèce humaine, placera les beaux-arts, les sciences, l'industrie à la tête des connaissances sacrées. Enfin, elle annonce que le paradis sur terre est proche, car en se rendant maître de la Nature, les Hommes, par leur travail, satisferont leurs besoins matériels comme spirituels. Il s'ensuivra une société du bien-être, où règneront la liberté et la paix.

Bien qu’ils reprennent  les fondements de sa doctrine, les disciples de Saint-Simon en rejettent plusieurs points importants : alors qu’il déclare que la société industrielle doit être fondée sur l’association des compétences et être la plus égalitaire possible, l’école saint-simonienne pense que la société doit être hiérarchisée selon les mérites de chacun. En outre elle dénonce la propriété et l’héritage comme une forme d’exploitation de l’homme par l’homme, la remplace par le collectivisme et refuse le libre-échange. De la nouvelle morale de Saint-Simon, l’école fait un dogme avec son église, ses rites et sa hiérarchie.

Ses disciples mettent en pratique l'industrialisme de Saint-Simon :

  • développement économique : industrie, banques, transports ferroviaires et maritimes, assurances, exploitation des mines ;
  • engagement politique, scientifique, culturel.

Ils revendiquent l'égalité entre les hommes et les femmes, mais échouent à établir l'égalité entre les classes.

 

Les saint-simoniens sont à l'origine de grands travaux pendant la Révolution industrielle :

Ils participent aussi à des traités de libre-échange.

 

Les idées saint-simoniennes dans l'économie, dans leur version libérale, sont adoptées par Napoléon III, à travers son proche conseiller Michel Chevalier.

Les héritiers de Saint-Simon exercent ainsi une influence déterminante à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, d'abord en France : économistes, sociologues, industriels, hommes politiques, scientifiques, souvent polytechniciens.

Le saint-simonisme pratique

La pratique industrielle

Les chemins de fer avaient toujours préoccupé les saint-simoniens. Emile Pereire avait été à l’origine de la construction du Paris-Saint Germain (1835). Les divisions entre compagnies étaient à l’origine du retard de la France : Enfantin, le grand prédicateur de l’association est nommé administrateur de 3 compagnies (Paris-Lyon, Lyon-Avignon, Avignon-Marseille) et secrétaire général du Paris-Lyon (1846) mais la crise de 1847 et la révolution compromettent la fusion qui n’aura lieu qu’en 1852.

Le canal de Suez revient dans les préoccupations d’Enfantin, pour qui il figure le travail industriel utile et grandiose. Il voulait prouver que le rêveur était un homme d’action. Ce serait le témoignage éclatant de la contribution du saint-simonisme au progrès de  l’humanité. Enfantin constitue donc une Société d’études pour le canal de Suez (1846) avec le fidèle Arlès-Dufour, des ingénieurs allemands, autrichiens et des britanniques (Stephenson, Starbuck). Les frères Talabot étaient adjoints comme ingénieurs. Le siège social était au domicile d’Enfantin, 34 rue de la Victoire, le fonds social de 150 000 francs.

A la première réunion, Enfantin déclare : Nous avons conscience d’avoir préparé cette grande œuvre comme jamais œuvre industrielle n’a été préparée ; il nous reste à l’accomplir avec vous comme jamais grande entreprise industrielle n’a été faite, c’est-à-dire sans rivalités nationales, avec le concours de 3 grands peuples que la politique a souvent divisés... il nous reste à tracer sur le monde le signe de la paix, et, à vrai dire, le trait d’union entre les parties du vieux monde, l’Orient et l’Occident. Il disait aussi: Ce n’est plus une théorie, c’est une affaire.

Suez et les derniers actes du saint-simonisme

L’affaire de Suez semblait enterrée avec le retrait des Anglais mais Ferdinand de Lesseps renoue connaissance avec Enfantin et Arlès en 1854 : Saïd-Pacha l’appelle en Égypte et il obtient dès le 5 novembre le firman qui lui donne concession du canal. Cependant, en 1855 Lesseps rompt avec Enfantin et Arlès ; il estime que la Compagnie universelle du Canal de Suez ne doit rien à la Société d’Études fondée par les saints-simoniens. Ainsi l’œuvre saint-simonienne échappe aux fils de Saint-Simon. Amer et déçu, Enfantin ne se donne pas le ridicule d’une protestation publique. Plus tard, il dira : « J’ai été un vieux fou de m’affliger... Il importe peu que le vieux Prosper Enfantin ait subi une déception ; il importe peu que ses enfants aient été trompés dans leur espoir, mais il importe que le canal soit percé et il le sera. Et c’est pourquoi je remercie Lesseps et le bénis ».

Entretemps Enfantin avait été nommé au conseil d’administration du PLM et délégué à Lyon (1852). Il fonde à Lyon plusieurs sociétés : Société des rails omnibus, Société d’éclairage au gaz et Compagnie générale des eaux (1853-1856). D’anciens saint-simoniens fondent le Crédit Mobilier, la Compagnie Maritime et la Compagnie immobilière. Leur influence est considérable : Michel Chevalier prépare le traité de libre-échange avec l’Angleterre de 1860, Isaac et Emile Pereire, célèbres banquiers, sont écoutés de Napoléon III. Enfantin publie La Science de l’homme (1858) qui rassemble les idées de la doctrine et reprend un ouvrage de Saint-Simon portant le même titre.

 

 

 

 

es étaient à l’origine du retard de la France : Enfantin, le grand prédicateur de l’association est nommé administrateur de 3 compagnies (Paris-Lyon, Lyon-Avignon, Avignon-Marseille) et secrétaire général du Paris-Lyon (1846) mais la crise de 1847 et la révolution compromettent la fusion qui n’aura lieu qu’en 1852.

Le canal de Suez revient dans les préoccupations d’Enfantin, pour qui il figure le travail industriel utile et grandiose. Il voulait prouver que le rêveur était un homme d’action. Ce serait le témoignage éclatant de la contribution du saint-simonisme au progrès de  l’humanité. Enfantin constitue donc une Société d’études pour le canal de Suez (1846) avec le fidèle Arlès-Dufour, des ingénieurs allemands, autrichiens et des britanniques (Stephenson, Starbuck). Les frères Talabot étaient adjoints comme ingénieurs. Le siège social était au domicile d’Enfantin, 34 rue de la Victoire, le fonds social de 150 000 francs.

A la première réunion, Enfantin déclare : Nous avons conscience d’avoir préparé cette grande œuvre comme jamais œuvre industrielle n’a été préparée ; il nous reste à l’accomplir avec vous comme jamais grande entreprise industrielle n’a été faite, c’est-à-dire sans rivalités nationales, avec le concours de 3 grands peuples que la politique a souvent divisés... il nous reste à tracer sur le monde le signe de la paix, et, à vrai dire, le trait d’union entre les parties du vieux monde, l’Orient et l’Occident. Il disait aussi: Ce n’est plus une théorie, c’est une affaire.

Suez et les derniers actes du saint-simonisme

L’affaire de Suez semblait enterrée avec le retrait des Anglais mais Ferdinand de Lesseps renoue connaissance avec Enfantin et Arlès en 1854 : Saïd-Pacha l’appelle en Égypte et il obtient dès le 5 novembre le firman qui lui donne concession du canal. Cependant, en 1855 Lesseps rompt avec Enfantin et Arlès ; il estime que la Compagnie universelle du Canal de Suez ne doit rien à la Société d’Études fondée par les saints-simoniens. Ainsi l’œuvre saint-simonienne échappe aux fils de Saint-Simon. Amer et déçu, Enfantin ne se donne pas le ridicule d’une protestation publique. Plus tard, il dira : « J’ai été un vieux fou de m’affliger... Il importe peu que le vieux Prosper Enfantin ait subi une déception ; il importe peu que ses enfants aient été trompés dans leur espoir, mais il importe que le canal soit percé et il le sera. Et c’est pourquoi je remercie Lesseps et le bénis ».

Entretemps Enfantin avait été nommé au conseil d’administration du PLM et délégué à Lyon (1852). Il fonde à Lyon plusieurs sociétés : Société des rails omnibus, Société d’éclairage au gaz et Compagnie générale des eaux (1853-1856). D’anciens saint-simoniens fondent le Crédit Mobilier, la Compagnie Maritime et la Compagnie immobilière. Leur influence est considérable : Michel Chevalier prépare le traité de libre-échange avec l’Angleterre de 1860, Isaac et Emile Pereire, célèbres banquiers, sont écoutés de Napoléon III. Enfantin publie La Science de l’homme (1858) qui rassemble les idées de la doctrine et reprend un ouvrage de Saint-Simon portant le même titre.

 

 

 

 

Oral des petites mines (lecture d'image)

Oral français- Petites mines

 

 Vérifier la durée totale de l ‘épreuve.

 

Pourquoi cette épreuve ? Elle vient compléter la batterie de celles que le candidat a déjà affrontées, dont elle est totalement différente. Ce qui intéresse le jury, c’est de voir comment ce candidat  va s’y prendre, s’il manifeste l’agilité intellectuelle, la culture, le sang-froid, qui permettent d’improviser un commentaire cohérent et judicieux.

Un étudiant de math spé n’est pas un khâgneux : on n’attend pas de vous des connaissances très pointues en histoire de l’art ou en histoire tout court, et on sait que vous n’êtes pas formé à cet exercice de la « lecture d’images ». Ce que le jury attend, c’est que vous soyez capables de mobiliser votre culture (de la plus scolaire à la plus personnelle) pour « faire parler » une image. La culture « scolaire », cela signifie que si le document est une photographie prise en Sibérie en 1992, avec des bâtiments déglingués dans une bourgade sinistre, vous devez rappeler qu’en 1989 a eu lieu la chute du Mur de Berlin et en 1991 la fin de l’URSS, qui a inauguré une période très difficile. Culture au sens le plus large du terme, cela signifie que si vous commentez un tableau représentant la nativité du Christ, vous devez être en mesure de rappeler,  disons, de qui et de quoi il s’agit. Culture personnelle, cela signifie que si vous avez en tête une autre représentation de la nativité, c’est très bien.

Le jury n’a en général pas d’a priori sur l’image qui vous est proposée : il l’a choisie parce que d’une manière ou d’une autre elle lui semblait suggestive, prêter à commentaire, mais il n’a pas en tête une sorte de corrigé dont il attendrait que le candidat se rapproche le plus possible, il ne considère pas que tel commentaire est « vrai »,  et que tous les autres sont « faux ».

Commencez toujours par décrire l’image : vous-même, en procédant à cette opération, vous découvrirez des choses dont vous pourrez ensuite tirer parti, et puis vous pourrez montrer que vous avez conscience d’avoir affaire à quelque chose de visuel, que vous percevez en termes de proportions, de lumière, de couleurs, de  composition, d’étagement des plans.  

Le problème essentiel auquel vous êtes confrontés est de trouver le bon angle d’attaque : on ne commente pas de la même façon une image publicitaire et une œuvre d’art, une photographie choquante et une allégorie.

Si l’image comporte une légende dont les éléments sont exploitables, tirez-en parti, mais ne répétez pas bêtement / platement cette légende : intégrez les informations qu’elle fournit dans votre description ou dans votre commentaire. Soyez attentifs à toutes les informations d’ordre chronologique.

Vous devez éviter de livrer une succession de remarques discontinues, qui en définitive ne constituent pas un commentaire, et vous efforcer au contraire de construire progressivement un commentaire à peu près cohérent, unifié, même s’il comporte des changements de plan ou de perspective justifiés par la nécessité de traiter successivement différents aspects / enjeux de l’image et que vous n’avez pas la possibilité d’atténuer ces ruptures par des transitions bien huilées ( le jury est réaliste, il sait que l’improvisation ne vous permet pas de livrer un travail tiré au cordeau).

Vous allez donc improviser, ce qui est un art difficile : vous allez formuler des analyses oralement en même temps que vous les élaborerez. Un conseil tout simple : ne parlez pas trop vite, pour vous ménager une petite marge de manœuvre. Parlez posément, et en essayant de maintenir un débit égal. Un trou d’air de 3 secondes ne pose pas de problème, une pause de 20 secondes sera mal perçue. Efforcez-vous d’atteindre l’état de concentration qu’implique un tel exercice.

Si vous êtes  vraiment « en panne »  (si vous ne trouvez rien à dire), il ne faut ni dire n’importe quoi, ni rester le nez penché vers le document d’un air buté. Dites posément que vous ne voyez pas comment aborder le document. Le jury vous tendra alors une perche ; vous démarrerez donc l’épreuve dans une situation de faiblesse (puisque vous n’aurez pas été en mesure de satisfaire à l’exigence de départ de cette épreuve), mais vous aurez une chance de vous rattraper : si vous êtes capable de saisir la perche que vous aura tendu le jury, puis de dire, cahin-caha, un certain nombre de choses, si ensuite, à l’échelle de l’ensemble de l’épreuve, vous manifestez un certain nombre de qualités, vous pouvez éviter le désastre et même remonter la pente.

La logique de cette épreuve (le « hors-programme », l’improvisation) vous conduit à mettre en œuvre une logique de l’ « association d’idées », qui doit bien sûr toujours être contrôlée, argumentée, discutable au sens strict du terme, et qui vous permet d’exploiter le pouvoir de suggestion de l’image. A partir d’une publicité des années 60 pour la DS Citroën, on peut – on doit – bien sûr parler du pouvoir de fascination attaché à l’objet automobile et de ses conséquences effroyables (la « surconsommation » de voitures, donc la pollution, etc.) mais aussi faire un peu de sociologie (les différentes automobiles visent différents publics) ; le tableau de la nativité peut vous conduire à parler de la disparition de la peinture religieuse, ou à parler du traitement du corps dans les images qui nous sont contemporaines (pourquoi la Vierge, même lorsqu’elle est très belle, ne ressemble-t-elle pas à un mannequin ?), la photographie de la bourgade sibérienne peut vous amener à citer un film de SF représentant un univers détruit par une catastrophe industrielle ou écologique, ou bien à parler des projets de développement de la Sibérie aujourd’hui. A partir du cliché célèbrissime du « mano a mano » Anquetil – poulidor dans le Puy de Dôme (Tour de France 1964), on peut aussi bien parler (après avoir décrit méticuleusement la photo, qui s’y prête) du lien entre le sport spectacle et le dopage que des transformations, au cours de l’Histoire,  du motif narratif et épique du duel (d’Homère au Tour de France en passant par Les Trois Mousquetaires ou le western Spaghetti)

Certaines images vont vous permettre de manifester votre « regard d’ingénieur » : la  publicité pour la DS Citroën vous amènera à parler de design automobile[1] – mais il faudra aussi que vous soyez capable d’analyser l’imaginaire que mobilise cette publicité.

 

On peut dire que la lecture d’image est le premier temps de cette  épreuve qui s’infléchit ensuite (ou bifurque) vers un entretien. Mais dans l’idéal, l’épreuve suit un cours sinueux qui permet de ménager une continuité : le commentaire de l’image conduit le  jury à  poser des questions au candidat sur sa vision des choses, ses réactions, ses positions philosophiques, etc., et donc on glisse de la lecture d’images à l’entretien. Si le commentaire de l’image livré par le candidat ne permet pas ce mouvement, le jury peut indiquer que ce premier temps de l’épreuve est terminé et amorcer l’entretien en posant des  questions au candidat, ou bien lui demander de se présenter (et à partir de là démarre un entretien de personnalité « classique »).

 

 

 

 

 

[1] A propos de la DS et du design, voir sur mon blog, Guy Barthèlemy Littérature,  dans le fichier « Conseil élémentaire pour un entretien », le texte de Roland Barthes.