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21/06/2014

L'entretien de groupe

                        L’ENTRETIEN DE GROUPE


            Cette formule est plutôt pratiquée par les écoles de commerce,  mais elle existe aussi dans certaines écoles d’ingénieur, par exemple l’ECE Paris : c’est essentiellement à partir du témoignage d’une étudiante de MP concernant cette école que j’ai élaboré cette petite fiche.

            La procédure, à l’ECE, est la suivante : le jury constitue des groupes de 5 candidats (qui ne se connaissent pas) ; ceux-ci sont chargés de préparer ensemble un sujet relevant de la culture générale. La préparation, qui est donc collective,  dure 1 heure. Il faut évidemment structurer le propos en élaborant un plan avec parties et sous parties. Le but est de présenter ensemble un petit exposé (environ 15 minutes) devant un jury et les autres groupes, en utilisant comme support un powerpoint ou paperboard (attention : la préparation d’un powerpoint est chronophage !). Vous avez bien sûr à votre disposition du papier, des stylos et un tableau blanc effaçable. 

            Ce qui importe est la manière dont on présente le travail et dont on se comporte, notamment à l’égard des autres membres du groupe. Il faut prendre le temps de mémoriser  les prénoms de chacun et y recourir pendant l’exposé, en soulignant ainsi au passage une organisation fluide et égalitaire des tours de parole, avec des formules du genre « Et maintenant je passe la parole à Marcel »,  ou alors « Mais c’est Marinette qui va vous présenter  cet aspect de la question ». On doit sentir que tous les membres du groupe ont apporté leur contribution, et que vous avez collaboré efficacement, voire avec plaisir ; il est essentiel de  montrer ainsi que vous avez conscience de ce qu’est un travail de groupe. En effet, l'intérêt de cette épreuve pour le jury, c'est de lui permettre d'imaginer, par extrapolation,  comment le candidat se comportera, dans sa vie professionnelle, à l’occasion d’un travail d’équipe. Il est donc malvenu, pendant la phase de discussion qui peut suivre l’exposé, ou bien si l’épreuve prend une forme un peu différente (par exemple : les candidats préparent individuellement un même sujet, et on les rassemble pour organiser une discussion) de couper la parole à un autre candidat, de manifester de l’irritation ou du mépris, ou encore  d’élever la voix ; il convient au contraire de montrer que vous écoutez attentivement les propos des autres candidats (vous témoignerez ainsi de votre « capacité d’écoute »), que vous avez à cœur de les exploiter (fût-ce de manière critique) pour nourrir le débat de manière constructive, et que vous êtes disposé à reconnaître la légitimité de points de vue qui diffèrent du vôtre (sous réserve qu’ils soient tenables intellectuellement, bien sûr). Vous pouvez mettre en cause un argument, une analyse, montrer qu’ils sont dépourvus de fondements, mais toujours calmement, courtoisement, et surtout rigoureusement. Bannissez les formules du genre « Moi, je … » et tout ce qui peut évoquer une subjectivité en échappement libre. Pensez que l’on veut mesurer votre capacité à exercer une autorité, ce qui signifie aussi créer et exploiter au mieux une dynamique de groupe, mobiliser et valoriser les individualités.  

A l’ECE, la note finale est une note de groupe, et l’entretien collectif est suivi d’un entretien individuel classique, comme celui que nous préparons en colle ; au cours de celui-ci, le jury revient parfois sur l’entretien de groupe pour demander des précisions sur la manière dont cela s’est passé, et dont le gentil candidat s’est comporté au sein du groupe (il s’agit, dans le cadre d’une psychologie un peu sommaire, de déterminer s’il est plutôt « leader » ou plutôt « suiveur »). 

 

13/06/2014

L'entretien inversé

                        L’ENTRETIEN INVERSE

C’est l’Ecole de commerce de Grenoble qui a inventé cette épreuve et qui en avait l’exclusivité, mais une étudiante de MP y a été soumise l’année dernière à l’ISEP. Comme il faut tout prévoir, vous trouverez ci-dessous quelques conseils élémentaires.

            Rappelons tout d’abord, de manière très synthétique, l’état d’esprit qui préside à l’épreuve de l’entretien (j’en emprunte la formulation au site de l’ISEP) :

 L'entretien a lieu sous forme d'un échange libre avec les membres d’un jury sur des sujets variés permettant de faire la connaissance du candidat, d'apprécier sa curiosité, sa culture générale et scientifique, sa capacité d'écoute et de dialogue, ses goûts et ses expériences dans différents domaines, la nature de son projet professionnel et la conscience qu'il peut avoir de ses aptitudes particulières pour le réussir.

L’entretien inversé n’autorise pas le  candidat à  manifester « directement » sa culture, sa vision du monde, etc., mais tout cela n’en est pas moins susceptible de transparaître dans les questions qu’il pose. Quant à sa « capacité d’écoute et de dialogue », l’exercice permet bien de les mesurer. Prenons un exemple. Si vous interrogez un ingénieur spécialiste de la prospection minière qui a longuement séjourné en Afghanistan dans les années 2000, il ne serait pas bienvenu de lui demander d’un air inquiet si l’on trouve des boites de nuits à Kaboul et si le whisky y est de bonne qualité ; mieux vaut lui demander quelles sont les contraintes que subit un ingénieur chargé d’une prospection dans un pays en état de guerre – car vous savez (et vous montrez ainsi que vous savez) qu’une guerre multiforme régnait dans ce pays à l’époque. Il serait également mal venu de limiter l’entretien à cette composante de l’existence et de l’expérience de votre interlocuteur : il faudra montrer que vous avez à cœur de lui offrir la possibilité de montrer la diversité de l’une et de l’autre, et il faudra le faire en évitant de donner une impression de décousu. L’entretien obéira donc alternativement à deux logiques de progression : soit vous exploiterez les réponses de votre interlocuteur pour infléchir la conversation, soit, ayant épuisé tel versant de celle-ci, vous passerez à autre chose au nom de l’exigence de « faire le tour » des sujets qu’il est opportun d’aborder. Revenons à notre exemple ; la première logique vous conduira à demander à votre interlocuteur, lorsqu’il aura répondu à la question évoquée ci-dessus, quelle technique de prospection il mettait en œuvre ; la seconde vous conduira, après quelques autres questions sur l’expérience afghane,  à  faire bifurquer l’entretien vers le domaine des loisirs (« Votre métier suffit-il à remplir votre existence ? », ou bien « Avez-vous un loisir de prédilection, un hobby, un violon d’Ingres ? ») ou celui de la prospective (« vos connaissances scientifiques vous conduisent-elles à envisager l’avenir de l’humanité avec optimisme ? ».   

            Cet exercice est a priori déconcertant pour le gentil candidat, puisqu’on lui demande d’adopter une posture à laquelle il n’est pas habitué et de « passer de l’autre côté ». Ce jeu de permutation permet d’évaluer le degré de souplesse intellectuelle qui est le sien, mais aussi son tact : le membre du jury interrogé (selon les cas, il peut vous être imposé ou on peut vous laisser le choisir ; il ne sera donc pas nécessairement ingénieur …) peut manifester son absence d’intérêt pour tel domaine à propos duquel vous l’avez interrogé, et dans ce cas-là (comme dans n’importe quelle conversation) il ne faut pas insister : trouvez autre chose.  Pour éviter la panne, réfléchissez à quelques sujets qui peuvent faire l’objet d’une phase du dialogue ; ils seront forcément un peu « préfabriqués », mais vous vous arrangerez pour les amener avec naturel. Voici quelques exemples : les grands renouvellements technico-scientifiques à l’horizon, les pesanteurs du métier d’ingénieur, le mariage de l’écologie et de la technologie (si votre interlocuteur est un scientifique), les lieux de tensions géopolitiques, la crise de l’eau qui guette l’humanité, les ratés du système éducatif  dans la correction des inégalités, les enjeux de la querelle du mariage pour tous (si votre interlocuteur est un littéraire) -  etc.  

            On peut demander au candidat d’improviser une petite synthèse destinée à dégager les apports de l’échange.  Là encore, c’est l’exercice de votre conscience critique et réflexive qui intéresse le jury, votre capacité à élaborer un point de vue. Vous pouvez faire au plus simple : mettre d’un côté ce qui a « bien marché », de l’autre les phases moins productives de l’entretien. Vous pouvez aussi aborder les choses de manière plus subjective, en soulignant ce qui vous a particulièrement intéressé, mais dans ce cas-là ne vous contentez pas de dire  « ça m’a plu » : dites pourquoi, et bien sûr rendez hommage à votre interlocuteur en vantant l’intérêt de ses propos, de son expérience, sa capacité à montrer les enjeux des questions que vous lui avez posées, etc.

 

            Un dernier conseil : la durée des oraux est très variable selon les écoles. Informez-vous précisément, et adaptez votre stratégie au temps dont vous disposez : si vous disposez de 10 mn, vous ne pourrez pas autant vous attarder sur telle phase du dialogue que vous le feriez si l’entretien durait 20 mn. 

 

 

25/03/2014

Quelques mots à propos de la "durée" bergsonienne

DUREE BERGSONIENNE

 

         Pour se représenter plus facilement la « durée » bergsonienne, on peut dans  un premier temps considérer que l’essentiel est de mettre l’accent, comme lorsqu’on parle du courant de conscience, sur la fluidité et la vitesse des processus qui la constituent. Cette fluidité et cette vitesse, dans le cas de la durée bergsonienne, font que la conscience qu’on qualifiera d’ordinaire, celle qui est inséparable du langage et de ses capacités de représentation (et qui est très différente de la conscience des « données immédiates » bergsoniennes), ne peut appréhender la « durée ». Ces mêmes qualités (vitesse et fluidité) rendent caduque le découpage passé / présent / futur. Enfin, la fluidité dont il est question ici, qui désigne une sorte de transformation permanente, l’impossibilité de figer (voir ci-dessous) le contenu, ou plutôt la « forme », au sens aristotélicien du terme[1], qu’est la durée,  permet de comprendre un peu mieux ce que Bergson veut dire quand il parle de l’ « hétérog[énéité] » caractéristique de la « durée ».  

         Il est par ailleurs utile de savoir que Bergson va a posteriori, dans la suite de son œuvre,  faire de la durée un avatar de ce qu’il nomme l’« élan vital ». Il s’agit d’un concept à travers lequel Bergson pense l’ensemble du vivant : la vie, au sens biologique et métaphysique, se définit comme un « élan » qui certes se fige parfois dans des formes (d’un point de vue naturaliste, cela donne les espèces, dont certaines sont viables, d’autres pas, dont certaines évolueront – c’est encore l’élan vital – d’autres disparaîtront)  mais qui de toute façon est voué à se pérenniser comme élan. Si au contraire il se fige,  c’est la mort, ou bien diverses formes de dépérissement, ou bien des situations dans lesquelles l’homme trahit peu ou prou son être profond : par exemple, et pour revenir à notre sujet, quand il oublie la « durée » pour se rallier au temps « géométrique » ou « homogène ».

         Si on ne peut jamais arrêter, figer, ou découper la « durée », c’est parce qu’elle est une variété d’élan vital : quand la conscience  se « laisse vivre » et qu’elle accède à cette « donnée immédiate de la conscience » qu’est la « durée », c’est donc un flux animé par l’ « élan vital », qui est lui-même un « élan vital », qu’elle pénètre. Mais comme on le sait, ce qui caractérise l’homme, c’est l’exercice de la réflexivité ; celle-ci rend très difficile l’accès à la « durée »,  parce que l’intelligence (indissociable de la réflexivité) procède en introduisant la mesure, en séparant, en distinguant - en « figeant » donc - ,  autant d’opérations qui entrent en contradiction avec la nature de la « durée ».

         Woolf, en introduisant le lecteur au plus près du courant de conscience de ses personnages, en-deçà de l’exercice de leur réflexivité, en valorisant le flux de la conscience et  sa vocation digressive, en brouillant les frontières du présent, nous offrent quelque chose d’un peu analogue à la durée bergsonienne.

 

        



[1] Petit rappel : ce qu’Aristote nomme « forme », c’est à la fois la matière et la forme. Le marbre, dit-il, est une matière mais a nécessairement une forme, tout comme la statue est une forme qui ne saurait exister sans la matière qu’est le marbre.