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29/03/2013

Comment échapper à la paralysie face à un sujet de dissertation

 

 [Ce petit topos a été rédigé à la suite d'une conversation avec un étudiant de math spé qui ne parvenait pas à "empoigner" un sujet. Il (le topos, pas l'étudiant) reprend quelques conseils bien connus, notamment des khâgneux, que je me suis simplement appliqué à systématiser. G.B.]

                        Comment échapper à la paralysie face à un sujet de dissertation

 

            Commençons par rappeler ce qu’est le processus « normal » : l’analyse du sujet a pour but d’en fournir une interprétation cohérente ; au terme de ce travail, le gentil candidat doit être capable de l’expliquer à un interlocuteur imaginaire : tenter cette simulation dans sa tête est d’ailleurs un exercice hautement recommandable et utile. Peut-être est-il bon de rappeler ici l’étymologie d’ « expliquer » : le mot signifie « déplier », donc faire apparaître ce qui est caché dans les plis. A ce stade, le sujet permet d’entrer dans les œuvres, puisqu’il constitue un point de vue à partir duquel le candidat peut les envisager, et donc construire à leur propos un discours critique.  

            Que faire si cette belle mécanique est grippée ? La meilleure solution consiste à prendre les choses pour ainsi dire par l’autre bout. Vous ne pouvez pas vous dispenser d’analyser le sujet, mais faites-le sommairement, en prenant appui sur l’essentiel : la compréhension des termes, la reconstitution d’une signification d’ensemble. Puis « descendez » dans les œuvres en projetant sur elles le point de vue critique élémentaire, la perspective  très approximative, que vous aurez tirés de votre analyse. Cette confrontation vous permettra, dans un mouvement dialectique ou de « feedback » (si ce regrettable anglicisme vous aide à comprendre ce dont il s’agit), d’affiner votre compréhension du sujet, de mieux voir sa fécondité et ses limites[1]. Elle vous permettra aussi de récolter de la matière dans les œuvres et dans le cours.  C’est cette matière que vous organiserez ensuite dans un plan, c’est-à-dire dans un cadre logique et progressif que vous aurez élaboré au terme d’un retour critique sur votre compréhension initiale du sujet, retour que la récolte susmentionnée aura rendu possible. Le plan doit vous permettre de faire apparaître à la fois des cohérences et des différences : les premières rendent possibles l’élaboration d’une démarche (on ne construit à partir du chaos), les secondes assurent sa dimension progressive, sa tension, et le cheminement intellectuel associées à celles-ci.

            Concevoir l’introduction vous aidera également à perfectionner votre démarche et à vérifier  aussi bien sa validité que la pertinence de la manière dont vous l’avez organisée : un peu comme lorsque vous expliquez dans votre tête à un interlocuteur imaginaire comment il faut comprendre le sujet, vous faites à ce moment-là l’effort d’exposer tout cela le plus clairement possible, ce qui permet de vérifier que la machine est bien conçue et bien réglée, ou, si tel n’est pas le cas, d’y remédier. 



[1] Il faut toujours partir de l’hypothèse selon laquelle le sujet est fécond, c’est-à-dire qu’il fait apparaître des choses dans l’œuvre ; ceci n’interdit pas, au contraire, de montrer ses limites, ce qu’il ne permet pas de voir ou de penser, comme on le fait souvent dans une troisième partie. 

11/09/2012

Conventions graphiques et rédactionnelles

CONVENTIONS GRAPHIQUES ET REDACTIONNELLES

(Document élaboré par Philippe Derule, professeur de khâgne au Lycée Malherbe, Caen)

 

Titres

 

#          Soulignez les titres de livres dans l'écriture manuscrite : Le Spleen de Paris.

Ils sont imprimés en italiques : Le Spleen de Paris.

Les mettre entre guillemets est une faute, sauf quand le titre est lui-même cité dans un autre titre : James A. Hiddleston, Baudelaire and « Le Spleen de Paris ».

 

#          Les titres de parties, de livres, de chapitres… d'un roman, les titres de poèmes d'un recueil, les titres d'articles se mettent entre guillemets.

 

#          Le premier mot du titre prend toujours la majuscule : Lettres philosophiques, Contes. Si le premier mot est un article défini (« le, la, les ») ou un adjectif, le premier substantif et les mots qui le précèdent prennent la majuscule : Les Bonnes, La Divine Comédie. Si le premier mot du titre n'est pas un article défini ou un adjectif, il prend seul la majuscule : Du côté de chez Swann.

Il faut aussi tenir compte de ce que l'auteur a voulu : Petits Poèmes en prose.

 

#          Écrivez plutôt : « Les Bonnes sont… » que « Les Bonnes est… ».

 

#          Vous pouvez écrire : « au Spleen de Paris » ou « du Spleen de Paris », mais « au » (*« à le ») et « du » (*« de le ») ne se soulignent pas.

 

 

Citations

 

#          Les guillemets usuels sont les guillemets ouvrants et fermants : «  et  ».

 

#          Introduisez vos citations illustratives par deux points :

Les titres donnés par Baudelaire sont parfois volontairement choquants : « Assommons les pauvres ! ».

 

#          Toute citation se met entre guillemets, et indiquer ses références est obligatoire. Ainsi, telle phrase du Spleen de Paris deviendrait dans vos devoirs :

« Quelles bizarreries ne trouve-t-on pas dans une grande ville, quand on sait se promener et regarder ? » (Le Spleen de Paris, XLVII : « Mademoiselle Bistouri », Le Livre de Poche, p.204).

Vous n'êtes pas obligés d'indiquer le numéro de page, mais c'est souvent pratique ; si vous le faites, pensez à donner l'édition dans les références de votre première citation.

 

#          Vous pouvez

– intégrer la citation dans le paragraphe que vous écrivez :

Les clausules baudelairiennes manquent rarement d'intensité : « Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ? » (« Le mauvais vitrier »).

et rien ne vous contraint à citer une phrase entière :

Le mot « infini » est assez courant chez Baudelaire.

 

– ou bien revenir à la ligne avant de citer :

Baudelaire veut frapper l'imagination de son lecteur. Ainsi clôt-il, par exemple, « Le mauvais vitrier » sur une provocation narquoise :

Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ?

Dans ce cas, les guillemets sont inutiles. Pensez alors à marquer un retrait à gauche et un retrait à droite.

Détachez ainsi surtout les longues citations.

            Si vous continuez le paragraphe après cette citation détachée, ne faites pas d'alinéa :

Baudelaire veut frapper l'imagination de son lecteur. Ainsi clôt-il, par exemple, « Le mauvais vitrier » sur une provocation narquoise :

Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ?

                               Ce procédé est récurrent chez lui.

 

#          Si la citation se clôt par une ponctuation forte (point, point d'interrogation, point d'exclamation, trois points), fermez les guillemets après cette ponctuation. Si elle se clôt par une ponctuation faible, supprimez celle-ci, fermez les guillemets et placez éventuellement ensuite votre propre ponctuation.

 

#          Si ce que vous citez comporte un retour à la ligne, vous pouvez

– respecter la disposition voulue par l'auteur en revenant vous-mêmes à la ligne :

Le premier poème prend la forme d'un dialogue :

— Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?

— Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.

— Tes amis ?

— Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu. […]

 

ou indiquer le retour à la ligne par un « / » :

Le premier poème prend la forme d'un dialogue : « — Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ? / — Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère. / — Tes amis ? / — Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu. […] »

 

C'est, bien entendu, le cas quand vous citez de la poésie :

La comparaison du deuxième poème des Fleurs du mal est peut-être trop célèbre : « Le Poète est semblable au prince des nuées / Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; / Exilé sur le sol au milieu des huées, / Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. »

Remarquez bien que tout vers commence par une majuscule.

 

#          Si, après un retour à la ligne, vous citez un vers qui est trop long pour être écrit en entier, procédez ainsi :

Ô toison, moutonnant jusque

[sur l'encolure !

Ô boucles ! Ô parfum chargé

[de nonchaloir !

(Les Fleurs du mal, « La chevelure »)

 

#          Si vous citez un passage comportant lui-même une citation, remplacez les guillemets ouvrants et fermants autour de cette citation par des guillemets anglais :

Certains poèmes campent une situation avec beaucoup de concision : « Un homme épouvantable entre et se regarde dans la glace. / "  — Pourquoi vous regardez-vous au miroir, puisque vous ne pouvez vous y voir qu'avec déplaisir ? " »

 

 

On utilise aussi ces guillemets anglais pour faire passer un terme trop dur, trop cru, trop familier, quelque peu impropre :

Le satanisme de Baudelaire est parfois " lassant ".

 

 

 

#          Si vous pratiquez une coupure dans une citation, signalez-la par « […] » :

« Il est un pays superbe […] que je rêve de visiter avec une vieille amie. » (« L'invitation au voyage »)[1].

Notez que la présence de « […] » ne dispense pas de la ponctuation.

 

            Vous pouvez aussi utiliser « … » ; écrire :

« Tu connais… de la curiosité ? » (« L'invitation au voyage »)

signifie qu'il faut tenir compte de la phrase tout entière, mais que vous n'avez pas eu le courage de l'écrire. C'est peu recommandé, d'autant que ces trois points ne se distinguent pas de ceux éventuellement employés par l'auteur que vous citez.

 

            Pour indiquer que votre citation n'est pas une phrase complète, il est possible de placer « […] » au début et / ou à la fin de la citation. Cette pratique n'est pas très utile, sauf quand vous citez un vers incomplet :

Baudelaire peut même se faire caressant : « Viens, mon beau chat […] » (« Les Fleurs du mal, « Le chat »)[2].

 

#          Si vous modifiez une citation pour l'inclure dans une de vos phrases, signalez tous les changements par des crochets. Voici, par exemple, une phrase du poème « Les fenêtres » :

« Et je me couche, fier d'avoir vécu et souffert dans d'autres que moi-même. »

Ce texte pourrait donner ceci, une fois inclus :

Le locuteur des « fenêtres » dit qu'« [il] [s]e couche, fier d'avoir vécu et souffert dans d'autres que [lui]-même. »

 

Vous procéderez de la même manière pour les ajouts :

je restais bien loin de mon mystérieux et brillant modèle [Aloysius Bertrand]

(« À Arsène Houssaye »)

 

#          Soit la citation : « je vis subitement une petite personne qui ressemblait singulièrement à la défunte » (« L'Idéal et le Réel »). Si vous placez cette citation après une ponctuation forte, il faut mettre une majuscule à « je ».

De même, si vous incluez une citation commençant par une majuscule dans une de vos phrases, il faudrait mettre une minuscule. Soit, par exemple : « Les Chinois voient l'heure dans l'œil des chats. » (« L'horloge »). Vous écririez :

Selon le locuteur de « L'horloge », « les Chinois voient l'heure dans l'œil des chats. »

Notez bien qu'après « : », on laisse la majuscule éventuelle en début de citation.

Les vers, eux, gardent toujours la majuscule.

 

#          Les guillemets sont obligatoires quand vous citez un mot, même s'il ne s'agit pas d'une citation précise (le terme technique est « méta-discours ») :

Le mot « fraternitaire » exaspère Baudelaire.

 

 

Présentation

 

#          Tout paragraphe débute par un alinéa :

Le nombre de poèmes contenus dans Le Spleen de Paris est sans doute inférieur à celui dont rêvait Baudelaire quand il concevait son ouvrage.

L'importance de cet alinéa ne relève que de vous, mais elle doit rester la même pendant tout le devoir.

 

#          Vous devez passer une ligne, même en haut d'une page, pour séparer l'introduction de la première partie, la première partie de la deuxième… et la dernière partie de la conclusion.

Vous ne passerez pas de ligne entre les paragraphes à l'intérieur d'une partie.

#          Si vous utilisez une copie à petits carreaux, il faut passer une ligne entre chaque ligne écrite et la suivante, et, par conséquent, deux lignes entre l'introduction et la première partie…

 

#          Pas de signes (« * * * » ou autres) pour séparer les parties.

 

#          Laissez une marge à gauche pour les annotations du correcteur. Sur une copie à grands carreaux, elle est déjà présente. Sur une copie à petits carreaux ou sur du papier sans lignes, matérialisez-la par un trait vertical (quatre-cinq centimètres suffisent).

 

 

Divers

 

#          La seule forme de rature admise est un trait horizontal :

L'ironie baudelairienne est incompréhensible subtile.

Ce type de rature peut toucher une seule lettre ou s'étendre à un paragraphe entier (voire à plusieurs).

 

#          Évitez, autant que possible, de vous servir d'un correcteur (Blanco, Typex, effaceur…). C'est pratique, mais sale. Et il est difficile de réécrire par-dessus.

 

#          Utilisez une encre très lisible (noire ou bleu foncé).

 

#          Les abréviations permises sont « v. » pour « vers », « l. » pour « ligne(s) », « p. » pour « page(s) » (même si plusieurs vers, lignes, pages, sont concernés, n'écrivez pas « vv. », « ll. » ou « pp. »).

Et seulement dans les indications de références (entre parenthèses ou dans des notes). Ainsi, vous écrirez :

Baudelaire a beau repousser sciemment la majeure partie des amateurs de poésie dans son « Au lecteur » qui ouvre Les Fleurs du mal, il n'en réclame pas moins d'être lu quand il dit au vers 40 : « — Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère ! »

 

#          Pour information : l'abréviation de « Monsieur » est « M. » ; « Madame », « Mme » ; « Mademoiselle », « Mlle ».

 

#          Si vous coupez un mot à la fin d'une ligne, la séparation se marque par un trait d'union à cet endroit ; on ne met pas de trait d'union au début de la ligne suivante.

 

#          Ne finissez pas une ligne par une apostrophe.

 

#          N'abrégez pas le mot « siècle » quand, par exemple, vous écrivez « XVIe siècle », et notez qu'il faut écrire « XVIe », à l'exclusion d'autre chose ; ne dites pas non plus « le XVIe ».

 

#          Les chiffres et les nombres doivent être écrits en toutes lettres. Seules les dates et les références de vers, ligne et page peuvent rester sous forme de chiffres.

 

#          Quand vous voulez indiquer qu'une énumération pourrait se poursuivre, écrivez « , etc. » ou « … », mais pas « , etc… » qui est redondant et incorrect.

Si « , etc. » ou « … » ne terminent pas votre phrase, mettez ensuite une minuscule. D'ailleurs, après « , etc. », on ponctue normalement :

Chaque éditeur du Spleen de Paris, Blin, Kopp, Pichois, etc., avait son idée de l'importance du recueil.

 

#          Les parenthèses à l'intérieur de parenthèses doivent plutôt être remplacées par des crochets :

Le travail sur Le Spleen de Paris n'a pas signifié pour Baudelaire l'abandon de la forme versifiée (ainsi, des Amœnitates Belgicæ [« Aménités belges »]de 1864).

#          Vous pouvez mettre en valeur un mot ou une expression en les soulignant. N'en abusez pas et réservez cette pratique aux citations (indiquez alors éventuellement, après la référence : « je souligne », « nous soulignons »…), notamment pour signaler les répétitions de mots ou de sons.

 

#          Les mots ou expressions usuels tirés du latin doivent être soulignés : a priori, alter ego… C'est, d'ailleurs, le cas pour tous les mots, locutions, citations en langue étrangère (écrite en caractères latins ou translittérée[3]).

Si vous citez une langue étrangère (translittérée ou non), les guillemets sont inutiles.

 

#          Quand vous voulez décrire un son, notamment en poésie, utilisez exclusivement l'Alphabet Phonétique International (API) :

L'incipit de « La belle Dorothée » est saturé des consonnes liquides [r] et [l] : « Le soleil accable la ville de sa lumière droite et terrible ; le sable est éblouissant et la mer miroite. »

 

#          N'écrivez pas les noms propres, en particulier ceux des auteurs, en lettres capitales ; ce type de notation est réservé aux indications de références dans les notes et bibliographies.

 

#          Faut-il dire « Charles Baudelaire », « C. Baudelaire », « Baudelaire » ou bien « M. Baudelaire » ?

« M. X » est à réserver aux contemporains, encore vivants. Mais l'usage se perd.

On voudrait croire que « P. Nom » est moins célèbre et moins grand que « Prénom Nom », lui-même bien inférieur à « Nom » ; ou bien qu'il faut avoir écrit une fois « Charles Baudelaire » pour pouvoir parler de « C. Baudelaire ». Dans les faits…

Le nom de l'auteur " nu " est sans doute la solution la plus simple.

 



[1] La citation complète est : « Il est un pays superbe, un pays de Cocagne, dit-on, que je rêve de visiter avec une vieille amie. »

[2] Le vers complet est : « Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ».

[3] Prenons un mot en grec ancien : ψυχή (« âme », pour faire vite). Sa translittération en caractères latins est psukhè ([psykhE] en Alphabet Phonétique International).

Méthodologie des épreuves (écrit - oral) d l'option Lettres modernes de l'ENS Ulm

Durée de préparation : 1 heure
Durée de passage devant le jury : 30 minutes, dont 20 minutes d’exposé et 10 minutes de
questions
Type de sujets donnés : soit un texte unique en commentaire composé, soit plusieurs textes
avec intitulé
Modalités de tirage du sujet : tirage au sort d’un sujet unique
Liste des ouvrages généraux autorisés : ouvrages qui se trouvent dans la salle de
préparation
Liste des ouvrages spécifiques autorisés : ouvrages sur lesquels porte le sujet
Coefficient : 3
Sous l’intitulé Littérature et morale étaient proposés à l’étude pour le concours 2011 :
Blaise Pascal, Pensées, édition de Gérard Ferreyrolles, Livre de Poche classique, liasses I à
XVI, p. 41-172.
Diderot, Le Neveu de Rameau, édition de Michel Delon, Folio.
Émile Zola, La Conquête de Plassans, édition d’Henri Mitterand, Folio.
Le nombre d’admissibles se présentant à l’épreuve orale d’option littérature française,
stable en 2008 et 2009 (38), a augmenté en 2010 (44) et lors de cette session (50). En 2011,
les notes s’échelonnent de 07/20 à 19/20, dont neuf notes entre 7 et 10, et vingt-deux notes
entre 15 et 19. La moyenne des notes est aussi en progression : de 12 en 2010, elle passe à
13,44 en 2011. Même si le changement des consignes de notation explique en partie cette
évolution et rend la comparaison avec les années antérieures peu significative, le jury se
félicite du bon niveau général des candidats.
Comme les années précédentes, le jury n’a proposé que des paires de textes avec
intitulé. Les candidats connaissent bien la méthode de l’exercice, mais, faute peut-être
d’entraînement, ils ne gèrent pas toujours bien leur temps de parole. Rappelons qu’il est de
leur intérêt de ne pas dépasser les vingt minutes réglementaires, car alors l’entretien serait
écourté. Or celui-ci doit les aider à revenir sur une formulation, combler certaines lacunes de
leur exposé, corriger des erreurs, approfondir les analyses : il ne peut que les aider à
augmenter leur note. Comme les questions qui leur sont posées visent souvent à vérifier leurs
dispositions dialectiques, ils ne gagnent rien à répéter une interprétation du texte qu’ils ont
déjà donnée, et sont bien avisés en envisageant d’autres lectures. Les meilleurs candidats
manifestent leur aptitude à saisir les enjeux d’une question, à nouer un dialogue argumenté
avec le jury, et à répondre avec pertinence et concision.
Ils pèsent aussi avec soin les termes de l’intitulé, remontent parfois à leur étymologie,
sondent leur épaisseur sémantique, interrogent leur polysémie éventuelle, envisagent leurs
connotations. Ils relèvent dans les textes leur présence ou celle de leurs synonymes. Ils ne
considèrent pourtant jamais cet intitulé comme un thème dont il leur suffirait de chercher
l’illustration dans les passages qui leur sont soumis. Ils savent en tirer une problématique
suffisamment précise pour susciter l’intérêt et assez large pour permettre de rendre compte de
la richesse des textes. Certains intitulés proposés ont une résonance philosophique et les
candidats peuvent légitimement s’employer à des études de notions. Il ne faut pourtant pas
qu’une telle approche fasse oublier l’examen de la forme des textes, qui permet de dégager un
surcroît de sens : dans certains cas, l’attention insuffisante accordée au style des Pensées est
apparue comme l’indice d’une méconnaissance du projet pascalien. Si cette analyse des
formes porte en priorité sur l’expression, elle ne doit pas négliger la structure des textes.
Bien que les candidats accordent à juste titre une grande importance à l’organisation
de leur propos, les introductions sont parfois prolixes et diffuses, les conclusions, hâtives et
sans substance. Les exposés les plus judicieux s’agencent selon un plan dynamique, équilibré,
habilement articulé, comportant des transitions qui relancent la réflexion. Ils ne sont pas
conçus comme un montage de questions de cours ou de développements préfabriqués, qui
risquent fort de ne pas correspondre aux textes étudiés, mais comme un raisonnement vivant
qui affronte des questions authentiques, esquisse une réponse, bute parfois sur une difficulté
et propose alors des hypothèses pour la surmonter.
Le jury est sensible aux efforts que font les candidats pour éviter les termes imprécis,
ambigus ou impropres, les néologismes, les expressions relâchées, et pour employer le
vocabulaire technique à bon escient. Le narrateur est trop souvent confondu avec l’auteur. La
distinction entre style direct, indirect et indirect libre n’est pas toujours comprise. Il arrive que
la notion de catachrèse ne soit pas distinguée de celle de métaphore, celle de polyptote de
celle de dérivation, celle d’exemplum de celle d’exemple. Les candidats peuvent décrire les
faits stylistiques avec les mots de tous les jours, mais s’ils choisissent de recourir à des termes
de rhétorique, ils doivent le faire avec un souci constant de pertinence.
L’approche des genres littéraires, qui est pourtant essentielle car elle peut fournir la
clef de la différence entre deux textes, est souvent schématique et maladroite. L’identité
générique du Neveu de Rameau a préoccupé un candidat qui a parlé tour à tour de « satire »,
de « roman » et de « théâtre », sans se demander comment il pourrait justifier l’emploi
d’aucun de ces termes.
Les candidats ne sont pas toujours conscients du fait qu’analyser un texte consiste à le
mettre en relation avec un contexte et un intertexte. Tel passage ne prendra tout son sens
qu’au regard de la structure de l’oeuvre dont il fait partie et en considération de l’écho qu’il
fait entendre d’autres passages, voire d’autres oeuvres : il est regrettable qu’un paragraphe de
La Conquête de Plassans évoquant la mèche blanche de Marthe Mouret n’entre pas en
consonance avec un passage pourtant célèbre de la fin de l’Éducation sentimentale. Pour
donner à un texte tout son sens, il est quelquefois nécessaire de mobiliser une culture que la
préparation de l’année a contribué à construire. Un candidat ignorait tout de l’oeuvre de Jean-
Philippe Rameau, alors même que Diderot s’y réfère en plusieurs endroits. Comment
expliquer les Pensées de Pascal ou La Conquête de Plassans, sans des rudiments de culture
religieuse ? Certains candidats ignorent la notion de péché originel ou les formes que prend le
mysticisme chrétien. Enfin, des connaissances sur les mouvements littéraires sont
indispensables : des candidats pouvait légitimement être attendue une familiarité avec les
principes de la pensée des Lumières ou du naturalisme.
Les meilleurs candidats ont, avec courage, avec perspicacité, et souvent même avec
passion, affronté les deux textes, parfois difficiles, qui leur étaient proposés, sans privilégier
l’un d’eux. Ils ont su décrire leur forme avec précision, mettre en évidence leurs analogies et
leurs différences, allier esprit d’analyse et esprit de synthèse. Ils se sont montrés soucieux, de
bout en bout, d’argumenter leurs choix herméneutiques. À les écouter, il ne faisait aucun
doute que lire est un acte qui engage la mémoire, l’intelligence, la sensibilité et plus encore –
tout l’être.