11/09/2012
Méthodologie des épreuves (écrit - oral) d l'option Lettres modernes de l'ENS Ulm
Durée de préparation : 1 heure
Durée de passage devant le jury : 30 minutes, dont 20 minutes d’exposé et 10 minutes de
questions
Type de sujets donnés : soit un texte unique en commentaire composé, soit plusieurs textes
avec intitulé
Modalités de tirage du sujet : tirage au sort d’un sujet unique
Liste des ouvrages généraux autorisés : ouvrages qui se trouvent dans la salle de
préparation
Liste des ouvrages spécifiques autorisés : ouvrages sur lesquels porte le sujet
Coefficient : 3
Sous l’intitulé Littérature et morale étaient proposés à l’étude pour le concours 2011 :
Blaise Pascal, Pensées, édition de Gérard Ferreyrolles, Livre de Poche classique, liasses I à
XVI, p. 41-172.
Diderot, Le Neveu de Rameau, édition de Michel Delon, Folio.
Émile Zola, La Conquête de Plassans, édition d’Henri Mitterand, Folio.
Le nombre d’admissibles se présentant à l’épreuve orale d’option littérature française,
stable en 2008 et 2009 (38), a augmenté en 2010 (44) et lors de cette session (50). En 2011,
les notes s’échelonnent de 07/20 à 19/20, dont neuf notes entre 7 et 10, et vingt-deux notes
entre 15 et 19. La moyenne des notes est aussi en progression : de 12 en 2010, elle passe à
13,44 en 2011. Même si le changement des consignes de notation explique en partie cette
évolution et rend la comparaison avec les années antérieures peu significative, le jury se
félicite du bon niveau général des candidats.
Comme les années précédentes, le jury n’a proposé que des paires de textes avec
intitulé. Les candidats connaissent bien la méthode de l’exercice, mais, faute peut-être
d’entraînement, ils ne gèrent pas toujours bien leur temps de parole. Rappelons qu’il est de
leur intérêt de ne pas dépasser les vingt minutes réglementaires, car alors l’entretien serait
écourté. Or celui-ci doit les aider à revenir sur une formulation, combler certaines lacunes de
leur exposé, corriger des erreurs, approfondir les analyses : il ne peut que les aider à
augmenter leur note. Comme les questions qui leur sont posées visent souvent à vérifier leurs
dispositions dialectiques, ils ne gagnent rien à répéter une interprétation du texte qu’ils ont
déjà donnée, et sont bien avisés en envisageant d’autres lectures. Les meilleurs candidats
manifestent leur aptitude à saisir les enjeux d’une question, à nouer un dialogue argumenté
avec le jury, et à répondre avec pertinence et concision.
Ils pèsent aussi avec soin les termes de l’intitulé, remontent parfois à leur étymologie,
sondent leur épaisseur sémantique, interrogent leur polysémie éventuelle, envisagent leurs
connotations. Ils relèvent dans les textes leur présence ou celle de leurs synonymes. Ils ne
considèrent pourtant jamais cet intitulé comme un thème dont il leur suffirait de chercher
l’illustration dans les passages qui leur sont soumis. Ils savent en tirer une problématique
suffisamment précise pour susciter l’intérêt et assez large pour permettre de rendre compte de
la richesse des textes. Certains intitulés proposés ont une résonance philosophique et les
candidats peuvent légitimement s’employer à des études de notions. Il ne faut pourtant pas
qu’une telle approche fasse oublier l’examen de la forme des textes, qui permet de dégager un
surcroît de sens : dans certains cas, l’attention insuffisante accordée au style des Pensées est
apparue comme l’indice d’une méconnaissance du projet pascalien. Si cette analyse des
formes porte en priorité sur l’expression, elle ne doit pas négliger la structure des textes.
Bien que les candidats accordent à juste titre une grande importance à l’organisation
de leur propos, les introductions sont parfois prolixes et diffuses, les conclusions, hâtives et
sans substance. Les exposés les plus judicieux s’agencent selon un plan dynamique, équilibré,
habilement articulé, comportant des transitions qui relancent la réflexion. Ils ne sont pas
conçus comme un montage de questions de cours ou de développements préfabriqués, qui
risquent fort de ne pas correspondre aux textes étudiés, mais comme un raisonnement vivant
qui affronte des questions authentiques, esquisse une réponse, bute parfois sur une difficulté
et propose alors des hypothèses pour la surmonter.
Le jury est sensible aux efforts que font les candidats pour éviter les termes imprécis,
ambigus ou impropres, les néologismes, les expressions relâchées, et pour employer le
vocabulaire technique à bon escient. Le narrateur est trop souvent confondu avec l’auteur. La
distinction entre style direct, indirect et indirect libre n’est pas toujours comprise. Il arrive que
la notion de catachrèse ne soit pas distinguée de celle de métaphore, celle de polyptote de
celle de dérivation, celle d’exemplum de celle d’exemple. Les candidats peuvent décrire les
faits stylistiques avec les mots de tous les jours, mais s’ils choisissent de recourir à des termes
de rhétorique, ils doivent le faire avec un souci constant de pertinence.
L’approche des genres littéraires, qui est pourtant essentielle car elle peut fournir la
clef de la différence entre deux textes, est souvent schématique et maladroite. L’identité
générique du Neveu de Rameau a préoccupé un candidat qui a parlé tour à tour de « satire »,
de « roman » et de « théâtre », sans se demander comment il pourrait justifier l’emploi
d’aucun de ces termes.
Les candidats ne sont pas toujours conscients du fait qu’analyser un texte consiste à le
mettre en relation avec un contexte et un intertexte. Tel passage ne prendra tout son sens
qu’au regard de la structure de l’oeuvre dont il fait partie et en considération de l’écho qu’il
fait entendre d’autres passages, voire d’autres oeuvres : il est regrettable qu’un paragraphe de
La Conquête de Plassans évoquant la mèche blanche de Marthe Mouret n’entre pas en
consonance avec un passage pourtant célèbre de la fin de l’Éducation sentimentale. Pour
donner à un texte tout son sens, il est quelquefois nécessaire de mobiliser une culture que la
préparation de l’année a contribué à construire. Un candidat ignorait tout de l’oeuvre de Jean-
Philippe Rameau, alors même que Diderot s’y réfère en plusieurs endroits. Comment
expliquer les Pensées de Pascal ou La Conquête de Plassans, sans des rudiments de culture
religieuse ? Certains candidats ignorent la notion de péché originel ou les formes que prend le
mysticisme chrétien. Enfin, des connaissances sur les mouvements littéraires sont
indispensables : des candidats pouvait légitimement être attendue une familiarité avec les
principes de la pensée des Lumières ou du naturalisme.
Les meilleurs candidats ont, avec courage, avec perspicacité, et souvent même avec
passion, affronté les deux textes, parfois difficiles, qui leur étaient proposés, sans privilégier
l’un d’eux. Ils ont su décrire leur forme avec précision, mettre en évidence leurs analogies et
leurs différences, allier esprit d’analyse et esprit de synthèse. Ils se sont montrés soucieux, de
bout en bout, d’argumenter leurs choix herméneutiques. À les écouter, il ne faisait aucun
doute que lire est un acte qui engage la mémoire, l’intelligence, la sensibilité et plus encore –
tout l’être.
06:46 Publié dans Méthodologie, conseils, techniques de rédaction | Lien permanent | Commentaires (0)
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