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11/09/2012

Conventions graphiques et rédactionnelles

CONVENTIONS GRAPHIQUES ET REDACTIONNELLES

(Document élaboré par Philippe Derule, professeur de khâgne au Lycée Malherbe, Caen)

 

Titres

 

#          Soulignez les titres de livres dans l'écriture manuscrite : Le Spleen de Paris.

Ils sont imprimés en italiques : Le Spleen de Paris.

Les mettre entre guillemets est une faute, sauf quand le titre est lui-même cité dans un autre titre : James A. Hiddleston, Baudelaire and « Le Spleen de Paris ».

 

#          Les titres de parties, de livres, de chapitres… d'un roman, les titres de poèmes d'un recueil, les titres d'articles se mettent entre guillemets.

 

#          Le premier mot du titre prend toujours la majuscule : Lettres philosophiques, Contes. Si le premier mot est un article défini (« le, la, les ») ou un adjectif, le premier substantif et les mots qui le précèdent prennent la majuscule : Les Bonnes, La Divine Comédie. Si le premier mot du titre n'est pas un article défini ou un adjectif, il prend seul la majuscule : Du côté de chez Swann.

Il faut aussi tenir compte de ce que l'auteur a voulu : Petits Poèmes en prose.

 

#          Écrivez plutôt : « Les Bonnes sont… » que « Les Bonnes est… ».

 

#          Vous pouvez écrire : « au Spleen de Paris » ou « du Spleen de Paris », mais « au » (*« à le ») et « du » (*« de le ») ne se soulignent pas.

 

 

Citations

 

#          Les guillemets usuels sont les guillemets ouvrants et fermants : «  et  ».

 

#          Introduisez vos citations illustratives par deux points :

Les titres donnés par Baudelaire sont parfois volontairement choquants : « Assommons les pauvres ! ».

 

#          Toute citation se met entre guillemets, et indiquer ses références est obligatoire. Ainsi, telle phrase du Spleen de Paris deviendrait dans vos devoirs :

« Quelles bizarreries ne trouve-t-on pas dans une grande ville, quand on sait se promener et regarder ? » (Le Spleen de Paris, XLVII : « Mademoiselle Bistouri », Le Livre de Poche, p.204).

Vous n'êtes pas obligés d'indiquer le numéro de page, mais c'est souvent pratique ; si vous le faites, pensez à donner l'édition dans les références de votre première citation.

 

#          Vous pouvez

– intégrer la citation dans le paragraphe que vous écrivez :

Les clausules baudelairiennes manquent rarement d'intensité : « Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ? » (« Le mauvais vitrier »).

et rien ne vous contraint à citer une phrase entière :

Le mot « infini » est assez courant chez Baudelaire.

 

– ou bien revenir à la ligne avant de citer :

Baudelaire veut frapper l'imagination de son lecteur. Ainsi clôt-il, par exemple, « Le mauvais vitrier » sur une provocation narquoise :

Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ?

Dans ce cas, les guillemets sont inutiles. Pensez alors à marquer un retrait à gauche et un retrait à droite.

Détachez ainsi surtout les longues citations.

            Si vous continuez le paragraphe après cette citation détachée, ne faites pas d'alinéa :

Baudelaire veut frapper l'imagination de son lecteur. Ainsi clôt-il, par exemple, « Le mauvais vitrier » sur une provocation narquoise :

Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance ?

                               Ce procédé est récurrent chez lui.

 

#          Si la citation se clôt par une ponctuation forte (point, point d'interrogation, point d'exclamation, trois points), fermez les guillemets après cette ponctuation. Si elle se clôt par une ponctuation faible, supprimez celle-ci, fermez les guillemets et placez éventuellement ensuite votre propre ponctuation.

 

#          Si ce que vous citez comporte un retour à la ligne, vous pouvez

– respecter la disposition voulue par l'auteur en revenant vous-mêmes à la ligne :

Le premier poème prend la forme d'un dialogue :

— Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?

— Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.

— Tes amis ?

— Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu. […]

 

ou indiquer le retour à la ligne par un « / » :

Le premier poème prend la forme d'un dialogue : « — Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ? / — Je n'ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère. / — Tes amis ? / — Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu. […] »

 

C'est, bien entendu, le cas quand vous citez de la poésie :

La comparaison du deuxième poème des Fleurs du mal est peut-être trop célèbre : « Le Poète est semblable au prince des nuées / Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; / Exilé sur le sol au milieu des huées, / Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. »

Remarquez bien que tout vers commence par une majuscule.

 

#          Si, après un retour à la ligne, vous citez un vers qui est trop long pour être écrit en entier, procédez ainsi :

Ô toison, moutonnant jusque

[sur l'encolure !

Ô boucles ! Ô parfum chargé

[de nonchaloir !

(Les Fleurs du mal, « La chevelure »)

 

#          Si vous citez un passage comportant lui-même une citation, remplacez les guillemets ouvrants et fermants autour de cette citation par des guillemets anglais :

Certains poèmes campent une situation avec beaucoup de concision : « Un homme épouvantable entre et se regarde dans la glace. / "  — Pourquoi vous regardez-vous au miroir, puisque vous ne pouvez vous y voir qu'avec déplaisir ? " »

 

 

On utilise aussi ces guillemets anglais pour faire passer un terme trop dur, trop cru, trop familier, quelque peu impropre :

Le satanisme de Baudelaire est parfois " lassant ".

 

 

 

#          Si vous pratiquez une coupure dans une citation, signalez-la par « […] » :

« Il est un pays superbe […] que je rêve de visiter avec une vieille amie. » (« L'invitation au voyage »)[1].

Notez que la présence de « […] » ne dispense pas de la ponctuation.

 

            Vous pouvez aussi utiliser « … » ; écrire :

« Tu connais… de la curiosité ? » (« L'invitation au voyage »)

signifie qu'il faut tenir compte de la phrase tout entière, mais que vous n'avez pas eu le courage de l'écrire. C'est peu recommandé, d'autant que ces trois points ne se distinguent pas de ceux éventuellement employés par l'auteur que vous citez.

 

            Pour indiquer que votre citation n'est pas une phrase complète, il est possible de placer « […] » au début et / ou à la fin de la citation. Cette pratique n'est pas très utile, sauf quand vous citez un vers incomplet :

Baudelaire peut même se faire caressant : « Viens, mon beau chat […] » (« Les Fleurs du mal, « Le chat »)[2].

 

#          Si vous modifiez une citation pour l'inclure dans une de vos phrases, signalez tous les changements par des crochets. Voici, par exemple, une phrase du poème « Les fenêtres » :

« Et je me couche, fier d'avoir vécu et souffert dans d'autres que moi-même. »

Ce texte pourrait donner ceci, une fois inclus :

Le locuteur des « fenêtres » dit qu'« [il] [s]e couche, fier d'avoir vécu et souffert dans d'autres que [lui]-même. »

 

Vous procéderez de la même manière pour les ajouts :

je restais bien loin de mon mystérieux et brillant modèle [Aloysius Bertrand]

(« À Arsène Houssaye »)

 

#          Soit la citation : « je vis subitement une petite personne qui ressemblait singulièrement à la défunte » (« L'Idéal et le Réel »). Si vous placez cette citation après une ponctuation forte, il faut mettre une majuscule à « je ».

De même, si vous incluez une citation commençant par une majuscule dans une de vos phrases, il faudrait mettre une minuscule. Soit, par exemple : « Les Chinois voient l'heure dans l'œil des chats. » (« L'horloge »). Vous écririez :

Selon le locuteur de « L'horloge », « les Chinois voient l'heure dans l'œil des chats. »

Notez bien qu'après « : », on laisse la majuscule éventuelle en début de citation.

Les vers, eux, gardent toujours la majuscule.

 

#          Les guillemets sont obligatoires quand vous citez un mot, même s'il ne s'agit pas d'une citation précise (le terme technique est « méta-discours ») :

Le mot « fraternitaire » exaspère Baudelaire.

 

 

Présentation

 

#          Tout paragraphe débute par un alinéa :

Le nombre de poèmes contenus dans Le Spleen de Paris est sans doute inférieur à celui dont rêvait Baudelaire quand il concevait son ouvrage.

L'importance de cet alinéa ne relève que de vous, mais elle doit rester la même pendant tout le devoir.

 

#          Vous devez passer une ligne, même en haut d'une page, pour séparer l'introduction de la première partie, la première partie de la deuxième… et la dernière partie de la conclusion.

Vous ne passerez pas de ligne entre les paragraphes à l'intérieur d'une partie.

#          Si vous utilisez une copie à petits carreaux, il faut passer une ligne entre chaque ligne écrite et la suivante, et, par conséquent, deux lignes entre l'introduction et la première partie…

 

#          Pas de signes (« * * * » ou autres) pour séparer les parties.

 

#          Laissez une marge à gauche pour les annotations du correcteur. Sur une copie à grands carreaux, elle est déjà présente. Sur une copie à petits carreaux ou sur du papier sans lignes, matérialisez-la par un trait vertical (quatre-cinq centimètres suffisent).

 

 

Divers

 

#          La seule forme de rature admise est un trait horizontal :

L'ironie baudelairienne est incompréhensible subtile.

Ce type de rature peut toucher une seule lettre ou s'étendre à un paragraphe entier (voire à plusieurs).

 

#          Évitez, autant que possible, de vous servir d'un correcteur (Blanco, Typex, effaceur…). C'est pratique, mais sale. Et il est difficile de réécrire par-dessus.

 

#          Utilisez une encre très lisible (noire ou bleu foncé).

 

#          Les abréviations permises sont « v. » pour « vers », « l. » pour « ligne(s) », « p. » pour « page(s) » (même si plusieurs vers, lignes, pages, sont concernés, n'écrivez pas « vv. », « ll. » ou « pp. »).

Et seulement dans les indications de références (entre parenthèses ou dans des notes). Ainsi, vous écrirez :

Baudelaire a beau repousser sciemment la majeure partie des amateurs de poésie dans son « Au lecteur » qui ouvre Les Fleurs du mal, il n'en réclame pas moins d'être lu quand il dit au vers 40 : « — Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère ! »

 

#          Pour information : l'abréviation de « Monsieur » est « M. » ; « Madame », « Mme » ; « Mademoiselle », « Mlle ».

 

#          Si vous coupez un mot à la fin d'une ligne, la séparation se marque par un trait d'union à cet endroit ; on ne met pas de trait d'union au début de la ligne suivante.

 

#          Ne finissez pas une ligne par une apostrophe.

 

#          N'abrégez pas le mot « siècle » quand, par exemple, vous écrivez « XVIe siècle », et notez qu'il faut écrire « XVIe », à l'exclusion d'autre chose ; ne dites pas non plus « le XVIe ».

 

#          Les chiffres et les nombres doivent être écrits en toutes lettres. Seules les dates et les références de vers, ligne et page peuvent rester sous forme de chiffres.

 

#          Quand vous voulez indiquer qu'une énumération pourrait se poursuivre, écrivez « , etc. » ou « … », mais pas « , etc… » qui est redondant et incorrect.

Si « , etc. » ou « … » ne terminent pas votre phrase, mettez ensuite une minuscule. D'ailleurs, après « , etc. », on ponctue normalement :

Chaque éditeur du Spleen de Paris, Blin, Kopp, Pichois, etc., avait son idée de l'importance du recueil.

 

#          Les parenthèses à l'intérieur de parenthèses doivent plutôt être remplacées par des crochets :

Le travail sur Le Spleen de Paris n'a pas signifié pour Baudelaire l'abandon de la forme versifiée (ainsi, des Amœnitates Belgicæ [« Aménités belges »]de 1864).

#          Vous pouvez mettre en valeur un mot ou une expression en les soulignant. N'en abusez pas et réservez cette pratique aux citations (indiquez alors éventuellement, après la référence : « je souligne », « nous soulignons »…), notamment pour signaler les répétitions de mots ou de sons.

 

#          Les mots ou expressions usuels tirés du latin doivent être soulignés : a priori, alter ego… C'est, d'ailleurs, le cas pour tous les mots, locutions, citations en langue étrangère (écrite en caractères latins ou translittérée[3]).

Si vous citez une langue étrangère (translittérée ou non), les guillemets sont inutiles.

 

#          Quand vous voulez décrire un son, notamment en poésie, utilisez exclusivement l'Alphabet Phonétique International (API) :

L'incipit de « La belle Dorothée » est saturé des consonnes liquides [r] et [l] : « Le soleil accable la ville de sa lumière droite et terrible ; le sable est éblouissant et la mer miroite. »

 

#          N'écrivez pas les noms propres, en particulier ceux des auteurs, en lettres capitales ; ce type de notation est réservé aux indications de références dans les notes et bibliographies.

 

#          Faut-il dire « Charles Baudelaire », « C. Baudelaire », « Baudelaire » ou bien « M. Baudelaire » ?

« M. X » est à réserver aux contemporains, encore vivants. Mais l'usage se perd.

On voudrait croire que « P. Nom » est moins célèbre et moins grand que « Prénom Nom », lui-même bien inférieur à « Nom » ; ou bien qu'il faut avoir écrit une fois « Charles Baudelaire » pour pouvoir parler de « C. Baudelaire ». Dans les faits…

Le nom de l'auteur " nu " est sans doute la solution la plus simple.

 



[1] La citation complète est : « Il est un pays superbe, un pays de Cocagne, dit-on, que je rêve de visiter avec une vieille amie. »

[2] Le vers complet est : « Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ».

[3] Prenons un mot en grec ancien : ψυχή (« âme », pour faire vite). Sa translittération en caractères latins est psukhè ([psykhE] en Alphabet Phonétique International).

Méthodologie des épreuves (écrit - oral) d l'option Lettres modernes de l'ENS Ulm

Durée de préparation : 1 heure
Durée de passage devant le jury : 30 minutes, dont 20 minutes d’exposé et 10 minutes de
questions
Type de sujets donnés : soit un texte unique en commentaire composé, soit plusieurs textes
avec intitulé
Modalités de tirage du sujet : tirage au sort d’un sujet unique
Liste des ouvrages généraux autorisés : ouvrages qui se trouvent dans la salle de
préparation
Liste des ouvrages spécifiques autorisés : ouvrages sur lesquels porte le sujet
Coefficient : 3
Sous l’intitulé Littérature et morale étaient proposés à l’étude pour le concours 2011 :
Blaise Pascal, Pensées, édition de Gérard Ferreyrolles, Livre de Poche classique, liasses I à
XVI, p. 41-172.
Diderot, Le Neveu de Rameau, édition de Michel Delon, Folio.
Émile Zola, La Conquête de Plassans, édition d’Henri Mitterand, Folio.
Le nombre d’admissibles se présentant à l’épreuve orale d’option littérature française,
stable en 2008 et 2009 (38), a augmenté en 2010 (44) et lors de cette session (50). En 2011,
les notes s’échelonnent de 07/20 à 19/20, dont neuf notes entre 7 et 10, et vingt-deux notes
entre 15 et 19. La moyenne des notes est aussi en progression : de 12 en 2010, elle passe à
13,44 en 2011. Même si le changement des consignes de notation explique en partie cette
évolution et rend la comparaison avec les années antérieures peu significative, le jury se
félicite du bon niveau général des candidats.
Comme les années précédentes, le jury n’a proposé que des paires de textes avec
intitulé. Les candidats connaissent bien la méthode de l’exercice, mais, faute peut-être
d’entraînement, ils ne gèrent pas toujours bien leur temps de parole. Rappelons qu’il est de
leur intérêt de ne pas dépasser les vingt minutes réglementaires, car alors l’entretien serait
écourté. Or celui-ci doit les aider à revenir sur une formulation, combler certaines lacunes de
leur exposé, corriger des erreurs, approfondir les analyses : il ne peut que les aider à
augmenter leur note. Comme les questions qui leur sont posées visent souvent à vérifier leurs
dispositions dialectiques, ils ne gagnent rien à répéter une interprétation du texte qu’ils ont
déjà donnée, et sont bien avisés en envisageant d’autres lectures. Les meilleurs candidats
manifestent leur aptitude à saisir les enjeux d’une question, à nouer un dialogue argumenté
avec le jury, et à répondre avec pertinence et concision.
Ils pèsent aussi avec soin les termes de l’intitulé, remontent parfois à leur étymologie,
sondent leur épaisseur sémantique, interrogent leur polysémie éventuelle, envisagent leurs
connotations. Ils relèvent dans les textes leur présence ou celle de leurs synonymes. Ils ne
considèrent pourtant jamais cet intitulé comme un thème dont il leur suffirait de chercher
l’illustration dans les passages qui leur sont soumis. Ils savent en tirer une problématique
suffisamment précise pour susciter l’intérêt et assez large pour permettre de rendre compte de
la richesse des textes. Certains intitulés proposés ont une résonance philosophique et les
candidats peuvent légitimement s’employer à des études de notions. Il ne faut pourtant pas
qu’une telle approche fasse oublier l’examen de la forme des textes, qui permet de dégager un
surcroît de sens : dans certains cas, l’attention insuffisante accordée au style des Pensées est
apparue comme l’indice d’une méconnaissance du projet pascalien. Si cette analyse des
formes porte en priorité sur l’expression, elle ne doit pas négliger la structure des textes.
Bien que les candidats accordent à juste titre une grande importance à l’organisation
de leur propos, les introductions sont parfois prolixes et diffuses, les conclusions, hâtives et
sans substance. Les exposés les plus judicieux s’agencent selon un plan dynamique, équilibré,
habilement articulé, comportant des transitions qui relancent la réflexion. Ils ne sont pas
conçus comme un montage de questions de cours ou de développements préfabriqués, qui
risquent fort de ne pas correspondre aux textes étudiés, mais comme un raisonnement vivant
qui affronte des questions authentiques, esquisse une réponse, bute parfois sur une difficulté
et propose alors des hypothèses pour la surmonter.
Le jury est sensible aux efforts que font les candidats pour éviter les termes imprécis,
ambigus ou impropres, les néologismes, les expressions relâchées, et pour employer le
vocabulaire technique à bon escient. Le narrateur est trop souvent confondu avec l’auteur. La
distinction entre style direct, indirect et indirect libre n’est pas toujours comprise. Il arrive que
la notion de catachrèse ne soit pas distinguée de celle de métaphore, celle de polyptote de
celle de dérivation, celle d’exemplum de celle d’exemple. Les candidats peuvent décrire les
faits stylistiques avec les mots de tous les jours, mais s’ils choisissent de recourir à des termes
de rhétorique, ils doivent le faire avec un souci constant de pertinence.
L’approche des genres littéraires, qui est pourtant essentielle car elle peut fournir la
clef de la différence entre deux textes, est souvent schématique et maladroite. L’identité
générique du Neveu de Rameau a préoccupé un candidat qui a parlé tour à tour de « satire »,
de « roman » et de « théâtre », sans se demander comment il pourrait justifier l’emploi
d’aucun de ces termes.
Les candidats ne sont pas toujours conscients du fait qu’analyser un texte consiste à le
mettre en relation avec un contexte et un intertexte. Tel passage ne prendra tout son sens
qu’au regard de la structure de l’oeuvre dont il fait partie et en considération de l’écho qu’il
fait entendre d’autres passages, voire d’autres oeuvres : il est regrettable qu’un paragraphe de
La Conquête de Plassans évoquant la mèche blanche de Marthe Mouret n’entre pas en
consonance avec un passage pourtant célèbre de la fin de l’Éducation sentimentale. Pour
donner à un texte tout son sens, il est quelquefois nécessaire de mobiliser une culture que la
préparation de l’année a contribué à construire. Un candidat ignorait tout de l’oeuvre de Jean-
Philippe Rameau, alors même que Diderot s’y réfère en plusieurs endroits. Comment
expliquer les Pensées de Pascal ou La Conquête de Plassans, sans des rudiments de culture
religieuse ? Certains candidats ignorent la notion de péché originel ou les formes que prend le
mysticisme chrétien. Enfin, des connaissances sur les mouvements littéraires sont
indispensables : des candidats pouvait légitimement être attendue une familiarité avec les
principes de la pensée des Lumières ou du naturalisme.
Les meilleurs candidats ont, avec courage, avec perspicacité, et souvent même avec
passion, affronté les deux textes, parfois difficiles, qui leur étaient proposés, sans privilégier
l’un d’eux. Ils ont su décrire leur forme avec précision, mettre en évidence leurs analogies et
leurs différences, allier esprit d’analyse et esprit de synthèse. Ils se sont montrés soucieux, de
bout en bout, d’argumenter leurs choix herméneutiques. À les écouter, il ne faisait aucun
doute que lire est un acte qui engage la mémoire, l’intelligence, la sensibilité et plus encore –
tout l’être.

L'Heptaméron : typologie des personnages + éléments de narratologie

G. Barthèlemy  Kh Ulm année universitaire 2012-13

 

 

EBAUCHES DE TYPOLOGIE DES DEVISANTS DANS L’HEPTAMERON

                + COMMENT ABORDER CES RECITS ET LA QUESTION DE LEUR FONCTION

(d'après « L’Heptaméron », coll. Clefs Concours, Atlande , 2005)

 

Pour voir se dessiner le caractère des devisants, il faut prêter attention non seulement à leur mode d'irruption dans le récit, au moment du prologue (c'est bien d'une irruption qu'il s'agit avec un personnage comme Geburon, qui entre en l'église "tout en chemise, fuyant comme si quelcun le chassoit, cryant à l'ayde",), mais également au choix qu'ils font des récits, à la façon dont ils les construisent, à leurs interventions enfin dans les débats : réactions "à chaud" à l'histoire qu'ils viennent d'entendre, lectures qu'ils font des événements et des personnages, expressions de leurs convictions et de leurs sentiments profonds

La communauté fondée à Serrante a quelque chose d'une utopie : lieu clos et coupé du monde, abolition des inégalités sociales et sexuelles — "A ce jeu sommes tous égaux", dit Hircan, mais il est vrai que les serviteurs ont opportunément disparu, comme le fait remarquer Ennasuite  —, vie communautaire, rythme de vie délibérément choisi. À bien des égards, on n'est pas très loin de Thélème et sans doute faut-il lire les chapitres de Gargantua pour mieux comprendre ce qui se joue à Serrante : les thélémites eux-mêmes sont hommes et femmes bien nés.  

Le monastère de Nostre-Dame de Serrante, coupé du monde par la crue du Gave, n'est-il pas, à bien des égards, ce "refuge et bastille" où Oisille prêche l'Évangile "en sens agile", où l'on exprime ses idées "par voix, et par  rolle » et où la simplicité du style est une vertu? Ce caractère utopique semble inviter les personnages de l'Heptaméron à faire le choix d'une nouvelle vie à partir d'une expérience religieuse fondamentale, et le fait qu'ils se donnent à eux-mêmes la parole évoque une vie communautaire idéale: cinq hommes font face à cinq femmes.

 Sur ce chemin spirituel où les guide Oisille, chacun s'achemine avec son tempérament propre. Géburon, homme âgé et plein de bon sens,  Simontault expansif et sympathique, Saffredent inquiétant et profondément subversif , Hircan volontiers perturbateur, qui contribue plus que tout autre à l'animation des débats, Parlamente à la fois sérieuse (Saffredent loue "son bon sens", prologue de la 3e journée) et gaie, Longarine pleine de charme et d'intelligence, chez qui le désir de s’amuser est indissociable de celui de moraliser (au sens positif du terme), Nomerfide très jeune et gaie, Ennasuite susceptible, impulsive et souvent mordante, qui joue un peu le rôle ingrat de la mal-aimée (voir annonce de la N61), enfin une Oisille qui a gardé, malgré son âge, toute sa fraîcheur d'esprit. Notons ce beau portrait moral, issu du débat de la N22, de cette femme pleine d’une saine gravité : "une dame sage et non moins sobre à dire le mal, que prompte à exalter et publier le bien qu'elle congnoissoit en autruy".

Mais on pourrait  aussi dire que Longarine est une jeune femme belle et charmante, d'un caractère alerte et passionné, marquée par  une  synthèse harmonieuse de vivacité, d'intelligence et de sincérité ; que Geburon est  un homme plein d'expérience et de savoir-vivre, tandis qu'Oisille a un jugement rapide et assuré, et surtout une certaine hauteur de vue (qui se reflète dans son goût pour la réflexion morale). Aussi inspire-t-elle le respect à ses compagnons, tout particulièrement aux femmes à qui, selon le mot de Parlamente, elle tient lieu de mère ; elle manifeste une piété sincère, évangélique, intégrale, est douée d'un détachement et d'un bon sens qui n'est pas le fort des autres devisants ; en dépit de son penchant à la moralisation, elle aussi se laisse entraîner par le plaisir de raconter et d'écouter des histoires.

                On ajoutera que les personnages, loin de correspondre à des types dans lesquels ils se laisseraient définir, sont complexes  et présentent des facettes diverses, voire contradictoires : Hircan, qu'on serait tenté d'identifier par sa gaillardise et sa misogynie,  se fait une spécialité de dire du mal des femmes comme le lui fait remarquer Oisille, débat N18, et va souvent très loin dans la provocation envers les dames qui l'écoutent  ("C'est grande chose, dist Hircan, que, en quelque sorte que ce soit, il fault tousjours que les femmes facent mal", N65, débat), tient par ailleurs des propos évangéliques qui montrent qu'il partage la foi de son épouse et s'en remet à la grâce de Dieu ; il conclut l'histoire d'inceste de la N30 par des propos édifiants qui montrent de lui un autre visage : "Voylà, mes dames, comme il en prent à celles"... (N30, débat). À l'inverse, un personnage connu pour son bon sens, tel Geburon, peut saillir "hors de [sa] bonne coustume, pour [se] rendre de l'opinion de [ses] compaignons" et tenir des propos contre les femmes (N68, débat). C'est à cela aussi que tient la vérité de personnages, qui font l'effet d'être bien vivants : ils ne sont pas forcément d'humeur égale et montrent d'eux-mêmes des visages ondoyants et divers : "Moy à cette heure et moy tantost sommes bien deux", dira Montaigne (Essais, III, 9), et l'on peut vérifier cet adage à suivre le cheminement de nos devisants-conteurs.

Les devisants prennent plaisir au jeu des contes et de la conversation, mais ils n'en sont pas moins attentifs, souvent profonds dans leurs remarques ; ils se soumettent volontiers aux leçons d'Oisille. Les controverses vont bon train entre devisants masculins et féminins sur la question de l'amour et du mariage, notamment au sein du couple marié que forment Hircan et Parlamente. Des groupes de pensée se forment entre les devisants : Parlamente, Nomerfide soutenues par Dagoucin, survivant de l'amour transi, vont s'opposer au camp du libertinage incarné par Hircan et Saffredent, défenseurs du plaisir et adeptes d'une conception naturaliste sinon gauloise de l'amour. C'est bien sûr l'amour et l'art d'aimer que les points de vue sont les plus divergents : pour Longarine, qui montre ainsi son caractère passionné, mieux vaut mourir que de vivre avec un époux déloyal (N37, débat), et sa position sur la question est d'une grande exigence (par exemple N69, débat) ; Parlamente, qui édifie une morale de l'amour honnête, souligne les divergences entre hommes et femmes sur la façon de concevoir et de vivre le désir et le sentiment amoureux (débat N21). Hircan, Saffredent et Simontault font l'apologie de l'amour sensuel ; Saffredent, en particulier, fait l’éloge de la nature en citant par exemple Jean De Meung : que chacun, conseille-t-il, suive son naturel, et il allègue "la vielle du Romant de la Roze, laquelle dict : `Nous sommes faictz, beaulx filz, sans doubtes,/Toutes pour tous, et tous pour toutes." (N9, débat) ; il cite également maistre Jehan de Mehun dans le débat de la N29 ; on notera qu'une 3e référence à Jean de Meung est placée cette fois, et de façon plus inattendue, dans la bouche de Longarine qui s'évertue à conquérir la bienveillance de son auditoire sur le "mensonge, hypocrisie et fiction" dont elle va montrer la pratique chez un jeune prince (annonce de la N25). Dans cette extrême diversité d'opinions et d'interprétations, on repère toutefois quelques points  d' accord - la condamnation est unanime de l'hypocrisie des cordeliers mais les sentiments peuvent aller de l'horreur viscérale (Nomerfide, N22, débat) à une position parfois plus mesurée (Oisille, ibid.) ; Hircan et Parlamente  s'accordent sur l'idée de la fragilité humaine et sur la nécessité pour chacun de se confronter à sa propre faiblesse, de mettre sa confiance en Dieu.

Les groupes d'autre part évoluent au fil des discussions ; Geburon est un personnage particulièrement intéressant à cet égard : il n'est pas toujours là où le ferait attendre sa figure d'homme âgé et raisonnable et oscille volontiers entre le sérieux du discours et le rire joyeux que symbolise Nomerfide, il ne prend véritablement parti ni pour le camp des hommes ni pour celui des femmes (contre lesquelles il peut, lui aussi, tenir des propos misogynes). Oisille, qui joue clairement un rôle de guide moral, occupe une place croissante dans les débats ; les devisants semblent se ranger de plus en plus volontiers à ses propos, l'assiduité et l' attention grandissent, quand elle  prend la parole et les conduit sur les chemins le la sagesse et de la foi.  On observera enfin que les dames et gentilshommes  s’entendent tacitement pour maintenir ces discussions, que nul projet précis n'a mis en place et qui constituent cependant à bien des égards le moteur de l’entreprise.

 

STRUCTURE ET TECHNIQUE DES RÉCITS

Outils d'analyse

Pour naviguer aisément dans la diversité des récits de notre corpus, il est nécessaire et commode (mais pas suffisant !) d'élaborer une grille de lecture formalisée. On pourra se poser, sur chaque unité que constitue la nouvelle suivie de son débat, les questions suivantes:

La longueur (en nombre de pages) du conte, du débat.

Le locuteur: qui raconte l'histoire, comment s'est opéré le don de voix ? Qui intervient dans les débats?

La perspective du récit : qui voit ? quel est le personnage dont le point de vue oriente la perspective narrative? Ce point de vue est-il unique tout au long du récit ou y a-t-il un changement de point de vue?

Motif(s) de la nouvelle, sujet(s) du débat ? Et toutes sortes de questions subsidiaires du type : a-t-on affaire à une représentation du vice ou de la vertu, et sur quel mode?

Schéma structurel du récit:

quel en le principe de construction ? Plusieurs possibilités, parmi lesquelles : la mise à l'épreuve, le secret (ou le mensonge) et son pendant: la révélation, l'antithèse, le conflit (externe : entre des personnages, ou interne: dilemme), la tromperie (et l'une de ses variantes, le trompeur trompé), le bon tour, la vengeance, le quiproquo au lit (c'est le cas des N8, 14, 23, 30, 48).

Y a-t-il des phénomènes de répétition dans la construction de l'intrigue ? (dans la N21, par exemple, on peut mettre en valeur la répétition du camouflage échoué).

Traitement du temps et de l'espace ;

modalités de l'incipit et de l'excipit.

Ton (tragique, pathétique, comique...) de la nouvelle ?

Climat du débat (convivialité ou tensions) ? atmosphère d'entente ou de conflit ("colère", "querelle"?).

Fonctions des récits ? (voir infra).

Effet(s) du récit sur les devisants : larmes ou rire ? débat ou consensus ?

Toutes ces questions, plus ou moins opératoires selon les histoires, pourront nous convaincre, s'il en était besoin, de l'extrême diversité des manières de conter de Marguerite de Navarre.

FONCTIONS DES RECITS

On peut recourir à une analyse des fonctions des nouvelles de l'Heptaméron et en dégager une grille de lecture  permettant d'interroger les différents récits dont on devra faire l'explication; on peut dégager les quatre fonctions suivantes : fonctions émotive, empirico-cognitive, probatoire et sociorelationnelle.

La fonction émotive peut-être rapprochée du plaisir esthétique mais s'y ajoutent des affects d'ordre moral : le récit fait rire ou pleurer, suscite l'amusement ou la compassion; la frayeur, l'admiration ou l'horreur à l'égard des personnages ; il produit, grâce aux péripéties et rebondissements de l'action un plaisir spécifiquement littéraire. Parmi les procédés qui relèvent de cette fonction, on peut faire un sort particulier à la rhétorique du pathos à laquelle les devisants ont souvent recours ; la comparaison entre la N70 et son modèle médiéval fait ressortir de nombreux ajouts relevant d'une écriture pathétique.

Les nouvelles remplissent une fonction empirico-cognitive puisqu'elles relatent des histoires toujours « véritables » selon la règle édictée dans le prologue ; en hommes et femmes de la Renaissance, les gentilshommes et les dames réunis à Sarrance sont avides de découvrir les mille facettes du monde qui les entoure et de plonger dans l'extrême diversité des cas humains. S'ils connaissent, comme il arrive souvent, les  personnages dont il est fait mention, le récit leur permet d'approfondir leur vision, voire de modifier l'impression première qu'ils avaient d'une personne : ainsi Geburon, dans le débat de la N24, déclare : "Vrayement, Dagoucin, j'avois toute ma vie oye estimer la dame à qui le cas est advenu, la plus vertueuse du monde ; mais maintenant je la tiens pour la plus folle que oncques fut" (N24, débat). Ils ont d'autre part un goût affirmé pour l'inédit, le rare, l’étrange, à l'image du duc de la N70 qui "estoit le plus curieux homme du monde », avide d’ « entendre une si estrange histoire" (p. 409). Le terme d' « estrange » est fréquent soit dans des formules du type "Trouvez-vous estrange » (NI, débat) ou "Je ne trouve point estrange que [...], mais ouy bien que..," (Parlamente, N29, débat) [etc].

Pour étudier la fonction probatoire, plus  complexe et plus problématique, on doit se reporter aux  propos introductifs et conclusifs des nouvelles; L’Heptaméron adopte le dispositif textuel de la tradition du récit exemplaire, mais les devis infléchissent voire modifient radicalement la valeur pobatoire que leur avaient assignée leurs auteurs. Dans d'autres cas, la fonction probatoire de la nouvelle est donnée d'emblée  comme ambivalente : Parlamente répond à la sollicitation de Dagoucin qui lui demande une nouvelle "à l'honneur de quelque dame" par une histoire que [lui] a racontée un de [ses] amys, à la louange de l'homme du monde qu'il avait Ie plus aimé" . Cette fonction probatoire est fréquemment mise en lumière par la tendance qu'ont les auditeurs des contes à rapporter à eux-mêmes les événements racontés : "Chascune pensa en elle- même que  si la fortune leur advenoit pareille, mettraient peine de l’ensuivre en son martyre" (N2, débat). […] Certains critiques considèrent que cette fonction exemplaire est la fonction dominante des nouvelles ; c'est elle qui établit un lien entre les récits et les dialogues, et qui structure par conséquent tout l'édifice.

La fonction sociorelationnelle s’observe à partir des relations qui se tissent d’un devisant à l’autre à travers les nouvelles ; les récits sont en effet offerts, par exemple de Saffredent à Longarine, de Simontault ou Dagoucin à Parlamente, c'est-à-dire de serviteur à dame.